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20/11/2018 | FRANCE | N°16BX03055

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 16BX03055


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier de Muret à lui verser une indemnité d'un montant de 10 000 euros en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral et d'un montant de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture de son contrat de travail.

Par un jugement n° 1402881 du 18 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mé

moire, enregistrés les 9 septembre 2016 et 9 juin 2017,

Mme A...E..., représentée par MeC.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier de Muret à lui verser une indemnité d'un montant de 10 000 euros en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral et d'un montant de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture de son contrat de travail.

Par un jugement n° 1402881 du 18 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 septembre 2016 et 9 juin 2017,

Mme A...E..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 juillet 2016 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Muret à lui verser une indemnité d'un montant de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi et d'un montant de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement illégal ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Muret la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier n'a pas satisfait à son obligation de reclassement de sorte que son licenciement pour inaptitude physique est illégal ;

- elle a subi un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique du fait notamment du dénigrement dont elle a fait l'objet, d'un refus d'aménager son poste de travail ainsi que de sa mise à l'écart ;

- les préjudices qu'elle a subis du fait du licenciement illégal et du harcèlement moral doivent être indemnisés respectivement à hauteur de 20 0000 et 10 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 mai et 13 juin 2017, le centre hospitalier de Muret, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de Mme E...le paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à l'indemnisation sur le fondement du harcèlement moral sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2011-748 du 27 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant le centre hospitalier de Muret.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...qui exerçait les fonctions de préparatrice en pharmacie à temps non complet au centre hospitalier de Muret par contrat à durée indéterminée, a été licenciée pour inaptitude physique par décision du 27 mars 2014. Elle relève appel du jugement

du 18 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité d'un montant global

de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet et de l'illégalité de son licenciement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité du licenciement :

2. D'une part, aux termes de l'article 17 du décret du 6 février 1991 : " (...) L'agent contractuel définitivement inapte, pour raison de santé, à reprendre son service à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident de travail, de maternité, d'adoption ou de paternité est licencié. (...) ".

3. D'autre part, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un agent non titulaire se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé. La mise en oeuvre de ce principe implique que l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible à l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Dans le cas où le reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite, il appartient à l'employeur public de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.

4. Il résulte de l'instruction que MmeE..., atteinte d'une épicondylite chronique du coude droit avec dissection du tendon reconnue comme maladie professionnelle, a été placée en congé de maladie pour la période allant des mois de janvier à septembre 2012. À sa reprise de fonctions, le médecin du travail ayant préconisé un aménagement de poste sans manutention de charges supérieures à un kilogramme, ni mouvements répétés du coude droit, le centre hospitalier lui a proposé un poste d'assistante qualité relevant du cadre d'emploi des assistants médico-administratifs pour lequel elle a été déclarée apte par le médecin du travail

le 30 juillet 2013. Mme E...a refusé ce poste, lequel était de la même catégorie B que celle dont relève le cadre d'emploi des préparateurs en pharmacie, puis a persisté dans son refus alors que le médecin du travail avait conclu les 9 et 28 janvier 2014 à son inaptitude à son poste de préparatrice en pharmacie " étant donné les conditions matérielles et organisationnelles qui sont sources de gestes répétitifs du membre supérieur et de manutention " et que, par certificat du 25 février 2014, le médecin agréé, saisi par l'administration, a confirmé cette inaptitude au poste de préparatrice en pharmacie. Dans ces conditions, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier n'aurait pas satisfait à son obligation de la reclasser avant de la licencier. À cet égard, l'appelante ne peut utilement se prévaloir de la vacance de postes qui, soit nécessitaient un diplôme spécifique qu'elle ne possédait pas, soit relevaient des fonctions de préparatrice en pharmacie pour lesquelles son inaptitude physique définitive avait été reconnue.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires fondées sur le harcèlement moral :

5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

8. Pour soutenir qu'elle a été victime, antérieurement à son licenciement, de faits de harcèlement moral de la part de la pharmacienne, responsable de la pharmacie, Mme E...fait valoir les appréciations négatives portées sur sa manière de servir, son sentiment d'avoir été sous-employée à son retour de congé de maladie dans l'attente de l'aménagement de son poste de travail et des dysfonctionnements dans l'organisation du service. Cependant, et ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, ces circonstances ne peuvent suffire à faire présumer l'existence de faits répétés constitutifs d'une situation de harcèlement moral au sens des dispositions précitées. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir qui leur est opposée par le centre hospitalier de Muret, les conclusions indemnitaires présentées par Mme E...à ce titre doivent être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Muret, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande Mme E...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Muret et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Mme E...versera au centre hospitalier de Muret la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...et au centre hospitalier de Muret.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03055
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Dispositions propres aux personnels hospitaliers - Personnel pharmaceutique.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS SIMON COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-20;16bx03055 ?
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