Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet du Tarn a décidé son transfert aux autorités norvégiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1800625 du 16 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2018, M.A..., représenté par Me Martin-Cambon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 16 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 du préfet du Tarn ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est en méconnaissance de l'article R. 776-26 du code de justice administrative que le premier juge a clôturé l'instruction après que l'affaire a été appelée à l'audience alors qu'il était présent à celle-ci avec son avocat ;
- dès lors qu'il n'a pas averti les parties de ce que la lecture du jugement aurait lieu sur le siège, le magistrat désigné a méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; elles ont de ce fait été privées de la possibilité de produire une note en délibéré ;
- le premier juge a omis de viser le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence de production de la copie intégrale de l'entretien individuel mené en préfecture, prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; cette omission n'a pas été réparée dans les motifs du jugement ;
- le jugement est entaché d'omissions à statuer sur les moyens tirés, d'une part, de ce vice de procédure puisque, à supposer qu'il ait été inopérant, le tribunal ne pouvait l'écarter implicitement sans l'avoir visé, d'autre part, du défaut d'examen particulier de sa situation, moyen qui n'était pas inopérant ;
- le premier juge a commis une erreur de droit en ne faisant pas usage de ses pouvoirs d'instruction ; en effet, s'il avait un doute sur la date d'introduction de sa demande d'asile en France, il lui appartenait de procéder aux mesures d'instruction nécessaires pour forger sa conviction ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en droit et en fait, notamment en ce qu'il ne précise pas la date à laquelle sa demande d'asile a été introduite auprès des autorités françaises et ne mentionne pas si pareille demande aurait été déposée en Norvège ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 23 du règlement CE n°604/2013 du 26 juin 2013, le délai n'ayant pas été respecté entre sa demande de protection internationale et la saisine des autorités norvégiennes ; il a en effet manifesté son intention de solliciter l'asile dès le 24 août 2017 à Paris, Porte de la Chapelle et, le 29 août 2017, date de sa présentation au centre d'examen de sa situation administrative, les informations exigées par l'article 29 paragraphe 1 du règlement (CE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac lui ont été communiquées ; ainsi, la demande de reprise en charge adressée aux autorités norvégiennes le 27 novembre 2017 était tardive, en méconnaissance des dispositions de l'article 23§ 2 du règlement susmentionné : elle aurait dû intervenir soit au plus tard le 29 octobre 2017 sur la base des informations Eurodac recueillies à Paris le 29 août 2017, soit en tout état de cause, avant le 24 novembre 2017 en considération de l'introduction de sa demande de protection le 24 août 2017 ;
- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et devra être annulée pour erreur de droit dès lors que la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la Norvège, n'est établie ni par la motivation de l'arrêté ni par les pièces du dossier ; l'attaqué, vise tant l'article 18 paragraphe 1 point b) que l'article 22-7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni des pièces du dossier de sorte que le critère retenu pour déterminer la responsabilité de la Norvège ne peut ainsi être vérifié ; le préfet ne l'a pas informé de l'accord donné par la Norvège pour sa reprise en charge ;
- l'arrêté litigieux est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière : les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ont été méconnues en l'absence de précisions sur l'agent qui a conduit l'entretien individuel et de production d'une copie intégrale de cet entretien individuel ;
- l'obligation d'information tirée des dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 n'a pas été respectée ; il n'a pas été destinataire de l'ensemble des informations requises lors de la présentation de sa demande de protection au camp de la Porte de la Chapelle au mois d'août 2017 ; les brochures A et B figurant en annexe du règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ne lui ont été remises que le 6 octobre 2017, hors la présence d'un interprète.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2018, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 avril 2018.
Par ordonnance du 10 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 octobre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement n° 604/2013 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme E...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget, président-rapporteur,
- et les observations de Me Martin-Cambon, avocat, représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant afghan, né le 1er janvier 1999, est entré en France le 1er août 2017. Après avoir été pris en charge par le centre humanitaire de la Porte de la Chapelle à Paris et s'être présenté au centre d'examen de situation administrative de la Porte de la Chapelle à Paris le 29 août 2017, il a été admis au centre d'accueil et d'orientation du Tarn le 4 septembre 2017. Il s'est présenté une première fois au guichet unique des services de la préfecture de la Haute-Garonne le 6 octobre 2017 puis une seconde fois le 19 octobre 2017. La consultation du fichier Eurodac ayant fait apparaître que les empreintes digitales de l'intéressé avaient déjà été relevées en Norvège le 26 octobre 2015, le préfet du Tarn a adressé aux autorités norvégiennes une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 et, par un arrêté du 27 décembre 2017, a décidé le transfert de
M. A...aux autorités norvégiennes. M. A...relève appel du jugement du 16 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté
Sur la régularité du jugement :
2. Le requérant fait valoir que le tribunal, en rendant sa décision le jour même de l'audience, l'a privé de la possibilité de présenter utilement une note en délibéré, et que le jugement a ainsi été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire.
3. Aux termes du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif./ (...) Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de transfert./ (...) Toutefois, si, en cours d'instance, l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 du présent code ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévu au II du présent article. ". En vertu du II de l'article L. 742 4 du code précité : " Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article
L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence./ Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1./ Il est également statué selon la même procédure et dans le même délai sur le recours formé contre une décision de transfert par un étranger qui fait l'objet, en cours d'instance, d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence. Dans ce cas, le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence. ". L'article R. 776-27 du code de justice administrative, figurant à la section 3 du chapitre VI du titre VII du livre VII du même code dispose que : " Le jugement est prononcé à l'audience si l'étranger est retenu, au jour de celle-ci, par l'autorité administrative (...) ". Dès lors que M. A...n'avait fait l'objet ni d'un placement en rétention administrative, ni d'une assignation à résidence à la date de l'audience du 16 février 2018, le premier juge n'était pas tenu de communiquer le dispositif de son jugement aux parties dès le jour de l'audience. Si la lecture sur le siège de la décision n'est pas incompatible avec les exigences du respect du principe du contradictoire, c'est à la condition que les parties aient été dûment averties, au plus tard lors de l'audience publique, de ce que la lecture aurait lieu le jour même. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parties aient été informées de ce que la lecture du jugement aurait lieu sur le siège. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, M. A...est fondé à soutenir que le jugement contesté est irrégulier. Par suite, ce jugement doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
5. Il ressort des pièces du dossier que M. Michel Laborie, secrétaire général de la préfecture du Tarn et signataire de l'arrêté attaqué, a reçu délégation du préfet par arrêté du 8 décembre 2017, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du 11 décembre 2017 et consultable sous sa forme électronique, à l'effet de signer tous actes relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Garonne, à l'exception de matières parmi lesquelles ne figurent pas les arrêtés de transfert d'un demandeur d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ". Pour être suffisamment motivée, afin de mettre l'intéressé à même de critiquer, notamment, l'application erronée du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la décision de transfert doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III ou, à défaut, au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement et, le cas échéant, faire apparaître les éléments pris en considération par l'administration pour appliquer l'ordre de priorité établi entre ces critères, en vertu des articles 7 et 3 du même règlement.
7. L'arrêté litigieux du 27 décembre 2017 vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Convention de Genève du 28 juillet 1951 modifiée, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise également, contrairement à ce qu'allègue l'intéressé, la date de sa demande d'asile en France ainsi que la circonstance que ses empreintes digitales de catégorie 1, chiffre désignant les demandeurs de protection internationale, ont été relevées en Norvège le 26 octobre 2015, que les autorités norvégiennes ont été saisies, le 27 novembre 2017, d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18, paragraphe 1 point b) du règlement (CE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, cette mention identifiant expressément le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III de ce règlement. L'arrêté attaqué précise que la situation de M. A...n'entre pas dans le champ d'application des articles 16, 17.1 ou 17.2 du même règlement. La même décision mentionne qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Le préfet du Tarn, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a ainsi énoncé les considérations de droit et de fait qui fondent l'arrêté en litige, permettant à l'intéressé de connaître, à sa seule lecture, les raisons pour lesquelles il a fait l'objet d'une réadmission en Norvège. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
8. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment pas de l'arrêté contesté, qui comporte des mentions précises quant à la situation de M.A..., que le préfet aurait pris sa décision sans avoir procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de l'intéressé.
9. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé, intitulé " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'Etat membre requérant " : " (...) 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que les données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'Etat membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2 ". Selon cet article 20 : " 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible. ".
10. Aux termes de l'article 6, intitulé " Accès à la procédure ", de la directive 2013/32 du 26 juin 2013 dite " procédures " : " 1. Lorsqu'une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande. Si la demande de protection internationale est présentée à d'autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes mais qui ne sont pas compétentes pour les enregistrer, les Etats membres veillent à ce que l'enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande. (...) 4. Nonobstant le paragraphe 3, une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par un demandeur, ou si le droit national le prévoit, un rapport officiel est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat concerné ".
11. Enfin, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément (...) ". Selon l'article R. 741-2 du même code : " Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 741-1, l'autorité administrative compétente peut prévoir que la demande est présentée auprès de la personne morale prévue au deuxième alinéa de l'article L. 744-1. ". Le deuxième alinéa de l'article L. 744-1 auquel il est ainsi renvoyé permet à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de déléguer à des personnes morales, par convention, la possibilité d'assurer certaines prestations d'accueil, d'information et d'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile pendant la période d'instruction de leur demande.
12. D'une part, M. A...soutient que ses empreintes digitales ont été relevées
le 29 août 2017, date à laquelle il s'est présenté au centre d'examen de situation administrative de la Porte de la Chapelle à Paris, et que, dès lors, la saisine des autorités norvégiennes, intervenue le 27 novembre 2017, soit plus de deux mois après cette date, était tardive. Toutefois, l'intéressé n'établit pas la réalité de ses allégations en se bornant à produire une copie de la première page de la brochure CNIL/Ministère de l'intérieur, datée du 29 août 2017 et signée par ses soins. A supposer même que ses empreintes aient été relevées à cette date, il ne justifie pas, en tout état de cause, de la date à laquelle a été reçu le résultat positif Eurodac, laquelle constitue le point de départ du délai de deux mois à partir duquel les autorités norvégiennes devaient être saisies en application de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 précité.
13. D'autre part, le requérant fait valoir qu'il avait fait connaître, le 24 août 2017, son souhait de demander l'asile auprès de l'association Emmaüs Solidarité qui gère le centre humanitaire pour migrants situé au nord de Paris, de sorte que le délai pour saisir les autorités norvégiennes avait expiré le 24 novembre 2017. Cependant, il ne peut être regardé comme ayant valablement introduit une demande de protection internationale à cette date dès lors qu'il n'est pas démontré que le préfet de police de Paris aurait confié le soin à cette association de se voir présenter les demandes d'asile.
14. Ainsi, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier Eurodac, le 19 octobre 2017, à l'occasion de la seconde présentation de M. A...au guichet unique, a révélé que les empreintes décadactylaires de l'intéressé, avaient été enregistrées en Norvège le 26 octobre 2015 et que le préfet a adressé le 27 novembre 2017 une demande de reprise en charge aux autorités norvégiennes, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les autorités norvégiennes n'auraient été saisies dans un délai conforme aux exigences de l'article 23 du règlement n° 604/2013 précité.
15. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (... ) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) ". Selon l'article 22 du même règlement : " 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".
16. Ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, le relevé des empreintes digitales de M. A...a révélé qu'il avait déposé, le 26 octobre 2015, une demande d'asile auprès des autorités norvégiennes. Dans ces conditions, l'autorité préfectorale a pu, à bon droit, estimer que la Norvège était le pays membre responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé et la saisir en vue de sa reprise en charge en application de l'article 18 paragraphe 1 point b) du règlement (CE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. La référence à ce texte permettait à M. A..., à la seule lecture de l'arrêté attaqué, de connaître le critère retenu par l'administration pour s'adresser aux autorités norvégiennes et le mettait à même d'en contester, le cas échéant, la pertinence. La mention, dans cet arrêté, de l'article 22 du règlement, relatif à la réponse à une requête aux fins de prise ou de reprise en charge, qui avait seulement vocation à éclairer le lecteur sur le délai au terme duquel un accord implicite de l'Etat requis était acquis, n'était pas susceptible de créer une ambiguïté sur le critère mis en oeuvre. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet, qui a mentionné l'accord des autorités norvégiennes dans la décision contestée, laquelle a été notifiée à l'intéressé en langue pachto, qu'il a déclaré comprendre, l'a informé de cet accord. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté ordonnant son transfert vers la Norvège est entaché d'une erreur de droit faute de faire apparaître le critère retenu par le préfet du Tarn pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile.
17. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ".
18. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de cette information, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
19. Il ressort des pièces du dossier que, à l'occasion de sa venue au guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture de la Haute-Garonne le 6 octobre 2017, soit avant l'édiction de la décision en litige, M. A...s'est vu remettre, dans leur version rédigée en langue pachto qu'il a déclaré comprendre, le guide du demandeur d'asile ainsi que le document d'information relatif au " relevé d'empreintes digitales des demandes d'asile ", la brochure dite " A " intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et une brochure dite " B " intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ". M. A...doit être regardé comme ayant pris connaissance des informations contenues dans ces documents sur lesquels il a apposé sa signature. De plus, le compte-rendu d'entretien individuel comportant la mention " Je soussigné certifie sur l'honneur que (...) le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires m'ont été remis ", atteste que l'intéressé a été destinataire des informations requises par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'intéressé n'établit pas qu'il aurait déposé une demande d'asile auprès d'un organisme habilité par le préfet de police de Paris. S'il soutient qu'il n'était pas assisté d'un interprète lors de la remise de ces documents, il est patent que ces derniers étaient traduits en langue pachto. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information prévu par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté
20. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
21. Aucune disposition ni aucun principe n'impose la mention, sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En vertu des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, le préfet de la Haute-Garonne était compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. A...et procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande. Par suite, les services de la préfecture, et notamment les agents recevant les étrangers au sein du guichet unique des demandeurs d'asile mis en place dans cette préfecture, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été reçu en entretien par un agent de la préfecture de la Haute-Garonne le 19 octobre 2017. Le compte rendu de l'entretien est revêtu du cachet de la préfecture de la Haute-Garonne ainsi que des initiales de l'agent de la préfecture qui l'a mené et signé, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. Par ailleurs, si M. A... fait valoir qu'il ne s'est pas vu remettre l'intégralité du compte-rendu de son entretien individuel, il ressort des pièces du dossier qu'il est en possession de la page 5 de ce document, sur laquelle figure le résumé de cet entretien, qui seul doit faire l'objet d'une communication impérative au requérant. Dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait méconnu l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
22. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
23. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
24. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800625 du 16 février 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'Intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président rapporteur,
M. D...B..., premier-assesseur,
M. Axel Basset, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 31 décembre 2018
Le premier-conseiller,
Paul-André B... Le président-rapporteur,
Marianne Pouget Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX02727