Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les deux certificats d'urbanisme du 28 juillet 2015 par lesquels le préfet des Deux-Sèvres a considéré que les opérations consistant en la construction sur le territoire de la commune de Sepvret de deux maisons d'habitation et de leurs annexes n'étaient pas réalisables.
Par un jugement n° 1503083 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les certificats d'urbanisme du 28 juillet 2015 et a enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer des certificats d'urbanisme opérationnels.
Procédure devant la cour :
I/ Par une requête enregistrée le 28 novembre 2017 sous le n° 17BX03694, le ministre de la cohésion des territoires demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 27 septembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M.D....
Il soutient que :
- en se bornant à relever que les projets de constructions en litige se situent dans une partie actuellement urbanisée de la commune sans indiquer les motifs l'ayant conduit à porter une telle appréciation, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ;
- en jugeant que les projets litigieux étaient situés dans une partie actuellement urbanisée de la commune sans rechercher si cette partie du territoire communal comportait déjà un nombre et une densité significatifs de constructions, le tribunal a commis une erreur de droit ;
- les parcelles litigieuses sont clairement localisées en dehors d'une partie actuellement urbanisée de la commune ; elles ne sont pas en continuité du bourg de Sepvret, dont elles sont séparées de près d' 1,8 kilomètre ; c'est à tort que le tribunal a considéré que le hameau de Pillac est composé de deux " groupes d'habitations ", situés au Nord et au Sud de chaque côté de la rue de Bellegarde et distants de 50 à 60 mètres entre lesquels s'insèrent les parcelles litigieuses ; en effet, une telle distance, ne permet pas d'établir que ces deux " groupes d'habitations " constitueraient ensemble un hameau, lequel se caractérise par l'existence de plusieurs bâtiments suffisamment proches les uns des autres pour être regardés comme groupés ; les parcelles bâties du hameau de Pillac sont regroupées au Nord et à l'Est de la rue de Bellegarde et de la rue du champ de Pillac, constitutives de coupures d'urbanisation, et sont nettement séparées des constructions situées au Sud de la rue de Bellegarde ; la partie du territoire communal en litige, séparée du hameau de Pillac par la rue de Bellegarde et la rue de champ de Pillac, se trouve dans un compartiment de terrain distinct des parcelles bâties environnantes ; les parcelles litigieuses sont situées dans un compartiment de terrain encadré au Nord par la rue du champ de Pillac et à l'Est par la rue de Bellegarde, lesquelles constituent des coupures d'urbanisation marquant la frontière de la zone urbanisée ; à l'Ouest, les parcelles s'ouvrent sur un vaste espace vierge de construction composé de haies et de plantations qui s'étend très largement jusqu'à la commune voisine de Beauvais-Vitré ; au sud, elles sont délimitées par une bordure de haies qui forme une barrière végétale avec les rares constructions situées sur les parcelles limitrophes C-555 et 556, y compris avec la construction, " en bordure nord " de la parcelle C-556 ; la présence éparse de rares constructions sur les parcelles C 555 et C 556, au sud des parcelles litigieuses, et d'une construction sur la parcelle C 546 ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme un "groupe d'habitations ", et suffire à établir le caractère urbanisé de cette partie du territoire de la commune ; la circonstance que les parcelles soient desservies par les réseaux ne suffit pas à conférer à la zone dont il s'agit un tel caractère ;
- ces projets auront pour effet d'étendre l'urbanisation et favoriseront une urbanisation dispersée et un mitage des espaces naturels environnants, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2018, M. E...D..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a retenu que le hameau de Pillac était composé de groupes d'habitation tant au nord qu'au sud des parcelles litigieuses et ce, de part et d'autre du chemin de Bellegarde qui jouxte également lesdites parcelles ;
- la partie Ouest de la parcelle C1169 ne faisant l'objet d'aucune demande, les zones restant sur C1169-Est et C1167 (anciennement C550 pour C1169 et C547-Sud pour C1167) d'une part et sur C548 et C549 d'autre part n'apparaissent plus hors village puisqu'elles sont essentiellement à l'Est d'une ligne joignant les constructions en dur de Mme A...(parcelle C539 au Nord) et de M. C...(parcelles C555-C556 au Sud) et que par ailleurs les constructions en dur situées au Nord sur la parcelle 546 sont à moins de 12 mètres alors que celles situées au Sud sont en bordure, c'est-à-dire à moins de 50 centimètres ;
- si effectivement la circonstance que les terrains soient desservis par les réseaux d'eau et d'électricité n'est pas suffisante pour qualifier la zone de partie actuellement urbanisée, elle n'en constitue pas moins une condition nécessaire, que la présence des nombreuses constructions voisines vient corroborer.
Par ordonnance du 11 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 octobre 2018 à 12 heures.
II/ Par une requête enregistrée le 22 décembre 2017 sous le n° 17BX04079, le ministre de la cohésion des territoires demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1503083 du 27 septembre 2017, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé les certificats d'urbanisme du 28 juillet 2015 et a enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer des certificats d'urbanisme opérationnels.
Il soutient que :
- la requête d'appel tendant à l'annulation du jugement contient des moyens sérieux tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation ;
- l'exécution de ce jugement, qui a enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer les deux certificats d'urbanisme opérationnels sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, aura des conséquences graves en permettant au requérant d'obtenir un permis de construire en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune en se prévalant des droits acquis qu'il tiendrait de ces certificats d'urbanisme ; une telle délivrance aurait ainsi pour effet d'étendre l'urbanisation et de favoriser une urbanisation dispersée et un mitage des espaces naturels environnants, contraires aux préoccupations inhérentes à une gestion économe du sol.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, M. E...D..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen du ministre tiré de ce que l'exécution du jugement et la délivrance de certificats d'urbanisme opérationnels aura pour conséquence de permettre à l'exposant d'obtenir un permis de construire en se prévalant des droits acquis par lesdits certificats est sans fondement et ne justifie pas que soit prononcé un sursis à exécution ;
- c'est à juste titre que le tribunal a retenu que les terrains d'assiette du projet étaient situés dans les parties actuellement urbanisées de la commune.
Par ordonnance du 25 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D...a sollicité, le 15 janvier 2015, deux certificats d'urbanisme pré-opérationnels au titre du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, en vue de construire, au lieu-dit " Pillac ", sur le territoire de la commune de Sepvret (Deux-Sèvres), d'une part, une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées C 548 et 549 et, d'autre part, une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées C 547 et 550, dans leur partie désormais numérotée C 1167 et 1169. Le préfet des Deux-Sèvres a délivré à M.D..., le 28 juillet 2015, deux certificats d'urbanisme déclarant que ces projets n'étaient pas réalisables. Par jugement n° 1503083 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les certificats d'urbanisme du 28 juillet 2015 et a enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer des certificats d'urbanisme opérationnels. Le ministre de la cohésion des territoires relève appel de ce jugement et en sollicite le sursis à exécution.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 17BX03694 et 17BX04079 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien fondé du jugement :
3. L'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 111-3 et L. 111-4, interdit en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées " en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-1-2, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune.
4. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles pour lesquelles M. D...a sollicité les certificats d'urbanisme litigieux sont situées hameau de Pillac, qui est composé de deux groupes d'habitations au nord et au sud de la rue de Bellegarde, et distant du bourg de Sepvret de plus d'un kilomètre. Si les parcelles C 548 et 549 sont contigües aux parcelles C 555 et C 556 sur lesquelles sont érigées plusieurs constructions, et si le second projet, sur les parcelles C 547 et C 550 devenues C 1166, C 1167 et C 1169 jouxte la parcelle C 546 sur laquelle est érigée une construction, la circonstance que les terrains d'assiette des projets se situent en bordure de parcelles construites ne suffit pas à caractériser une partie actuellement urbanisée de la commune alors que le secteur ne comporte que quelques constructions éparses dans une zone composée d'espaces agricoles et naturels. Par ailleurs, les photographies produites au dossier révèlent que les parcelles bâties du hameau sont regroupées au Nord et à l'Est de la rue de Bellegarde et de la rue du champ de Pillac et sont séparées des constructions situées au Sud de la rue de Bellegarde par des espaces agricoles. Ainsi, les parcelles de M. D...sont situées dans une zone distincte des secteurs les plus densément bâtis du hameau et jouxtent des espaces agricoles. Enfin, les parcelles de M. D...s'ouvrent à l'ouest sur des espaces naturels dépourvus de constructions. Par suite, et nonobstant la circonstance que les parcelles en cause soient desservies par les réseaux, le ministre est fondé à soutenir que les projets de M. D...ne pouvaient être légalement autorisés dès lors qu'ils se situent en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M.D....
6. Si M. D...faisait valoir dans ses écritures de première instance qu'il entend valoriser les biens de son oncle à leur juste valeur, afin de pouvoir moins solliciter l'aide du département pour régler ses frais d'accueil en EHPAD, de tels arguments ne peuvent être utilement invoqués pour contester la légalité des certificats d'urbanisme délivrés le 28 juillet 2015.
7. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que le service instructeur ait modifié son argumentation au cours de l'instruction de son dossier est sans influence sur la légalité des décisions contestées.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de M. D...tendant à l'annulation des certificats d'urbanisme du 28 juillet 2015 et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Deux-Sèvres de délivrer ces certificats.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
9. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions du ministre de la cohésion des territoires, ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement ont perdu leur objet.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1503083 du tribunal administratif de Poitiers du 27 septembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de M. D...présentée devant le tribunal administratif de Poitiers et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans la requête enregistrée sous le n° 17BX04079.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à M. E...D.... Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. David Terme, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 février 2019.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX03694, 17BX04079