Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société de fait du Domaine de la Deymarie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015, l'annulation de l'obligation de payer la somme mise en recouvrement selon procès-verbal d'opposition sur saisie antérieure du 14 septembre 2015 et d'enjoindre à l'Etat de lui restituer la somme de 9 660 euros correspondant aux sommes perçues par l'administration entre 2004 et 2015.
Par un jugement n°1601967-160539 du 15 février 2017, le tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 avril 2017 et le 30 janvier 2019, la société de fait du Domaine de la Deymarie, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 février 2017 ;
2°) d'annuler l'obligation de payer les sommes mises en recouvrement par procès-verbal d'opposition sur saisie antérieure du 14 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de recalculer la cotisation foncière des entreprises et de lui restituer la somme de 9 660 euros correspondant aux sommes perçues à tort par l'administration entre 2004 et 2015, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la valeur locative retenue par l'administration, pour calculer le montant de la cotisation foncière des entreprises due, est erronée ; l'administration aurait dû tenir compte du fait que l'immeuble est resté inhabité entre 1975 et 1995, qu'il n'était alors raccordé à aucun réseau d'équipement public, qu'il était en ruine, qu'il était impropre à toute habitation et assujetti à ce titre à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; ce n'est qu'en 1995 que son propriétaire a entamé des démarches afin que l'immeuble soit raccordé aux réseaux d'équipement ; ce n'est qu'en 1999 qu'une partie de l'immeuble a été restaurée en vue d'une location ; dès lors, en retenant une valeur locative de 1 660 euros en 1980 et en revalorisant celle-ci chaque année pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises, l'administration a commis une erreur ;
- en tout hypothèse, dès lors que son chiffre d'affaires était compris entre 32 601 euros et 100 000 euros pour les exercices 2014 et 2015, le montant de l'imposition de la société devait être compris entre 210 euros et 2 100 euros en application de l'article 1467 D du code général des impôts ;
- elle est fondée à solliciter l'annulation de l'obligation de payer les sommes mises en recouvrement car, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle a bien adressé une réclamation préalablement à sa contestation du procès-verbal d'opposition sur saisie antérieure du 14 septembre 2015.
Par des mémoires en défense enregistrés le 2 novembre 2017 et le 1er février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la société n'est pas recevable à demander la décharge de la cotisation foncière des entreprises due au titre de 2014 dès lors que sa requête de première instance a été présentée plus de six mois après la notification du rejet de sa réclamation préalable ;
- les conclusions de la société tendant à la restitution de la cotisation qu'elle aurait indûment versée depuis 2004 ont été présentées tardivement et ne sont donc pas recevables ;
- la société n'est pas recevable à contester l'acte de poursuite dès lors qu'elle n'a pas au préalable saisi l'administration d'une réclamation préalable ;
- au fond, les moyens soulevés doivent être écartés comme infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société de fait du Domaine de la Deymarie, qui exerce une activité de location de biens meublés, a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2014 et 2015 pour des montants respectifs de 1 737 euros et de 1 752 euros. Elle a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de demandes tendant à la décharge de ces montants, au remboursement d'une somme de 9 660 euros au titre de la cotisation versée entre 2004 et 2015 et à " l'annulation de l'obligation de payer les sommes mises en recouvrement par procès-verbal d'opposition sur saisie antérieure du 14 septembre 2015 ". La société de fait du Domaine de la Deymarie relève appel du jugement rendu le 15 février 2017 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la recevabilité des conclusions à fin de restitution de la somme de 9 660 euros :
2. Aux termes de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration ".
3. Dans les deux réclamations préalables qu'elle a adressées à l'administration le 1er décembre 2014 et le 15 novembre 2015, la société requérante a contesté le montant de la cotisation foncière des entreprises qui lui était réclamée pour 2014 et 2015 mais s'est abstenue de solliciter la restitution des sommes qu'elle a versées, au titre de cet impôt, entre 2004 et 2013. Par suite, ses conclusions à fin de restitution présentées devant le tribunal étaient irrecevables en application des dispositions précitées.
Sur la recevabilité du litige d'assiette concernant la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2014 :
4. En vertu des dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, l'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que la société requérante a reçu le 10 décembre 2015 la décision rejetant, avec la mention des voies et délais de recours, sa réclamation préalable et qu'elle n'a saisi le juge administratif de sa requête à fin de décharge que le 18 mars 2016, soit au-delà du délai de deux mois applicable. Par suite, les conclusions à fin de décharge de la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2014 sont tardives et par suite, irrecevables.
Sur le bien fondé de la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2015 :
5. En premier lieu, au motif qu'elle n'exercerait pas une activité professionnelle, la société requérante fait valoir qu'elle ne relève pas du champ d'application de la cotisation foncière des entreprises défini à l'article 1447 du code général des impôts. Toutefois, l'activité de location de biens meublés exercée habituellement par la société consiste, pour elle, à fournir à des preneurs une prestation d'hébergement de locaux d'habitation. Ce faisant, la société requérante exerce une activité professionnelle au sens des dispositions de l'article 1447 du code général des impôts et le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi fiscale doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478 (...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ". Aux termes de l'article 1494 du même code : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ". Aux termes de l'article 1495 dudit code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes de l'article 1498 de ce code : " La valeur locative de tous les biens (...) est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ". Aux termes de l'article 1518 de ce code : " I. - Dans l'intervalle de deux révisions générales, les valeurs locatives (...) sont actualisées tous les trois ans au moyen de coefficients correspondant à l'évolution de ces valeurs, entre la date de référence de la dernière révision générale et celle retenue pour l'actualisation. (...) III. - L'incorporation dans les rôles d'impôts directs locaux, autres que la taxe professionnelle, des résultats de la première actualisation des valeurs locatives foncières est fixée au 1er janvier 1980. La date de référence est fixée au 1er janvier 1978. (...)". Enfin, l'article 1518 bis du code général des impôts dispose que " Dans l'intervalle de deux actualisations prévues par l'article 1518, les valeurs locatives foncières sont majorées par application de coefficients forfaitaires fixés par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que pour déterminer la valeur locative du bien appartenant à la société, l'administration a eu recours à la méthode de la comparaison avec le local-type n°17. Dans ce cadre, elle a appliqué au bien à évaluer une surface pondérée de 606 m2 puis calculé sa valeur locative par comparaison avec celle du local-type retenu qui était de 2,74 euros/m2. Il en est résulté, pour le bien en cause, une valeur locative de référence de 1 660 euros à laquelle l'administration a appliqué un coefficient de revalorisation forfaitaire de 3,049 concernant l'année 2015 pour aboutir à une base imposable de 5 061 euros au titre de cette année.
8. Alors que la société requérante conteste la pertinence du terme de comparaison retenu, la cour ne trouve au dossier aucun élément, en particulier le procès-verbal du local-type n°17 sur la base duquel l'administration a calculé la valeur locative du bien à évaluer. Il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner un supplément d'instruction en demandant à l'administration de produire le procès-verbal du local-type n°17. Dans l'hypothèse où ce terme de comparaison proposé pour la mise en oeuvre de la méthode comparative prévue au 2° de l'article 1498 du code général des impôts ne serait pas pertinent, les parties sont invitées à présenter tout terme de comparaison qu'elles jugeront pertinents pour la mise en oeuvre de la méthode comparative ou, à défaut, de proposer les modalités d'une appréciation directe de la valeur locative de l'immeuble.
Sur le litige de recouvrement :
9. Comme l'a relevé à bon droit le tribunal administratif, le procès-verbal d'opposition sur saisie antérieure, que l'administration a fait délivrer à la société le 14 septembre 2015 pour le recouvrement de la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2014, n'a pas fait l'objet de la réclamation préalable prévue par les dispositions des articles L. 281, R. 281-1 et R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales à peine d'irrecevabilité de la saisine ultérieure de la juridiction contentieuse. En particulier, la lettre que la société a adressée à l'administration fiscale le 15 novembre 2015 ne saurait être regardée comme la réclamation préalable obligatoire dès lors qu'elle ne comporte aucune contestation de l'acte de recouvrement délivré ni même une mention quelconque de celui-ci. Par suite, les conclusions de la société appelante dirigées contre l'acte de poursuite sont irrecevables.
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête de la société du Domaine de la Deymarie concernant les impositions en litige à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2014 sont rejetées.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête présentée par la société de fait du Domaine de la Deymarie, procédé à un supplément d'instruction dont l'objet est défini dans les motifs du présent arrêt.
Article 3 : Un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt est laissé aux parties pour l'exécution du supplément d'instruction défini à l'article 1er ci-dessus.
Article 4 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société de fait du Domaine de la Deymarie et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 mars 2019.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01202