Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL First Invest a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2015 par lequel le maire de Bordeaux a abrogé le permis de construire qui lui a été délivré le 28 juillet 2014 pour la construction d'une habitation sur un terrain situé 100 rue du Petit Cardinal à Bordeaux.
Par un jugement n° 1504956 du 22 décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 février 2017 et le 17 août 2018, la SARL First Invest, prise en la personne de M. A...C..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 décembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2015 par lequel le maire de Bordeaux a abrogé le permis de construire qui lui a été délivré le 28 juillet 2014 pour la construction d'une habitation sur un terrain situé 100 rue du Petit Cardinal à Bordeaux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont méconnu leur office en attendant que le juge du référé du Conseil d'Etat se prononce sur les conditions du retrait d'un permis délivré sur injonction avant de rendre leur jugement sur le fond et en reprenant intégralement la motivation du juge du provisoire alors même que ce dernier ne préjudicie pas au principal et que son appréciation est dépourvue d'autorité de chose jugée ; en se bornant à reprendre la solution du juge des référés du Conseil d'Etat, les premiers juges ont entaché leur jugement d'un défaut de motivation ; une telle solution ne pouvait être appliquée alors que l'arrêté du 28 juillet 2014 ne mentionnait pas le caractère provisoire du permis accordé ;
- l'arrêté du 8 octobre 2015 n'est pas suffisamment motivé ; cet arrêté abroge purement et simplement l'arrêté accordant un permis de construire du 28 juillet 2014, sans même justifier d'un seul motif d'illégalité ; la remise en cause d'un permis près d'un an plus tard méconnaît l'article L.424-5 du code de l'urbanisme ;
- à compter du 8 septembre 2015, la SCI Lesa devait être regardée comme titulaire du permis de construire en litige délivré initialement le 28 juillet 2014 à la SARL First Invest ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bordeaux, la SCI était bien titulaire d'une décision de transfert de permis de construire tacite en application des dispositions de la loi du 12 avril 2000, le silence gardé par l'administration sur la demande de transfert de permis de construire ayant fait naître au profit du pétitionnaire une décision implicite d'acceptation et la commune ne pouvait retirer le permis de construire sans avoir invité le bénéficiaire du transfert à présenter ses observations ;
- l'arrêté du 16 octobre 2013 portant refus de permis de construire et l'arrêté d'abrogation contesté du 8 octobre 2015 forment respectivement les tenants et aboutissants d'une même opération complexe ; le refus de permis initial du 16 octobre 2013 constitue bien le point de départ d'une opération en chaîne se terminant par l'édiction de l'arrêté d'abrogation contesté du 8 octobre 2015, et elle pouvait donc invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de l'arrêté du 16 octobre 2013 ;
- la cour devra, par l'effet dévolutif de l'appel, constater que ses moyens de première instance sont fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 juin 2018 et le 21 septembre 2018, la commune de Bordeaux, prise en la personne de son maire, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la SARL First Invest une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Bordeaux n'a nullement méconnu son office en rejetant la requête au fond présentée par la SARL First Invest contre l'arrêté du 8 octobre 2015 après avoir rappelé le principe consacré par le Conseil d'Etat dans sa décision du 7 octobre 2016 ;
- la société requérante n'a pas intérêt à contester le permis de construire délivré à titre provisoire le 28 juillet 2014, devenu définitif, qui lui est favorable ; le prétendu défaut de motivation de l'arrêté du 28 juillet 2014 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 8 octobre 2015 ; le caractère provisoire du permis de construire délivré à la suite du réexamen ordonné en conséquence d'une mesure de suspension prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et pour l'exécution de l'ordonnance du juge des référés est régulièrement rappelé par la jurisprudence ; aucun texte ni aucune jurisprudence n'impose de rappeler ce caractère provisoire dans l'arrêté de permis de construire délivré sur injonction du juge des référés ;
- un permis de construire délivré à titre provisoire dans l'attente d'un jugement au fond du tribunal administratif ne saurait constituer une décision créatrice de droits, puisque ses effets dépendent d'une décision future ; l'arrêté du 8 octobre 2015 est suffisamment motivé en droit et en fait ; si l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, qui précise le régime de retrait des permis de construire, prévoit que les permis de construire ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions, le Conseil d'Etat dans son arrêt du 7 octobre 2016 a précisé que les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme n'étaient pas applicables au retrait d'un permis de construire délivré à titre provisoire ;
- le principe selon lequel le silence gardé par l'administration sur une demande vaut accord ne s'applique qu'aux demandes adressées aux collectivités territoriales depuis le 12 novembre 2015 ; par suite, le silence gardé sur une demande de transfert de permis de construire adressée à une collectivité territoriale avant le 12 novembre 2015 ne pouvait pas faire naître au profit du pétitionnaire une décision implicite d'acceptation ; aucune procédure contradictoire ne devait donc être engagée avec le demandeur du transfert de permis ;
- le refus de permis de construire du 16 octobre 2013 est devenu définitif depuis l'ordonnance du 8 août 2015 donnant acte du désistement de la SARL First Invest elle-même ; le refus de permis de construire du 16 octobre 2013 et l'arrêté du 8 octobre 2015 ne font pas partie d'une " même opération complexe " ;
- le projet proposé par la société en 2013 était tout à fait incompatible avec les dernières connaissances du risque inondation sur lequel sera élaboré le futur PPRI, qui classaient la parcelle d'assiette en zone orange de risque fort d'inondation où toute construction est interdite.
Par ordonnance du 26 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 octobre 2018 à 12 heures.
Par lettre en date du 1er février 2019 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré ce que les moyens selon lesquels les premiers juges auraient méconnu leur office et n'auraient pas suffisamment motivé leur jugement ont été soulevés dans un mémoire ampliatif, présenté après l'expiration du délai d'appel et reposent sur une cause juridique distincte, constituant ainsi une demande nouvelle qui, ayant été présentée tardivement, n'est donc pas recevable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;
- et les observations de MeE..., représentant la Sarl First Invest, et de MeD..., représentant la commune de Bordeaux.
Une note en délibéré présentée par Me E...a été enregistrée le 7 février 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Bordeaux a, par un arrêté du 16 octobre 2013, refusé de délivrer à la société First Invest le permis de construire qu'elle avait sollicité pour la construction d'une maison et d'un garage. Cette société a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et a saisi le juge des référés du même tribunal d'une demande de suspension de cet arrêté. Par une ordonnance du 7 mars 2014, le juge des référés a fait droit à la demande de suspension et a enjoint au maire de Bordeaux d'instruire à nouveau la demande de permis de construire et de se prononcer sur cette demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance. Par une ordonnance du 12 juin 2014, rectifiée le 2 juillet 2014, le même juge des référés a refusé de faire droit à la demande de la commune de Bordeaux tendant à la mainlevée de cette suspension, et confirmé l'injonction. Par un arrêté du 28 juillet 2014, pris en visant cette ordonnance, le maire de Bordeaux a délivré un permis de construire à la société First Invest. Par une autre ordonnance du 5 août 2015, le président du tribunal administratif de Bordeaux a donné acte à cette société de son désistement, enregistré le 10 juillet 2015, dans le litige au fond. Par un arrêté du 8 octobre 2015, le maire de Bordeaux a abrogé le permis délivré le 28 juillet 2014. La société First Invest relève appel du jugement n° 1504956 du 22 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans sa requête introductive d'instance, la SARL First Invest s'est bornée à contester la légalité de l'arrêté du 8 octobre 2015. C'est seulement dans un mémoire ampliatif, présenté après l'expiration de délai d'appel, qu'elle a soulevé les moyens selon lesquels les premiers juges avaient méconnu leur office et n'avaient pas suffisamment motivé leur jugement. De tels moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur une cause juridique distincte et constituent une demande nouvelle qui, ayant été présentée tardivement, n'est pas recevable.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 octobre 2015 :
3. Un permis de construire délivré à la suite du réexamen ordonné en conséquence d'une mesure de suspension prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et pour l'exécution de l'ordonnance du juge des référés revêt un caractère provisoire. Un tel permis peut être retiré à la suite du jugement rendu au principal sur le recours pour excès de pouvoir formé contre la décision initiale de refus, sous réserve que les motifs de ce jugement ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à ce que l'administration reprenne une décision de refus. Cette décision de retrait doit toutefois intervenir dans un délai raisonnable, qui ne peut, eu égard à l'objet et aux caractéristiques du permis de construire, excéder trois mois à compter de la notification à l'administration du jugement intervenu au fond. Elle ne peut en outre être prise qu'après que le pétitionnaire a été mis à même de présenter ses observations. Il en est de même lorsque le bénéficiaire du permis se désiste de son recours en annulation, mettant ainsi un terme à l'instance engagée au fond, auquel cas le délai court à compter de la notification à l'administration de la décision donnant acte du désistement. Dans une telle hypothèse, les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables.
4. En premier lieu, la SARL First Invest reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critiques utiles de l'analyse du tribunal, les moyens tirés de ce que l'arrêté du 8 octobre 2015 ne serait pas suffisamment motivé, faute d'invoquer une quelconque illégalité du permis qui avait été délivré le 28 juillet 2014, et de ce qu'il méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme. Il y a lieu d'écarter ces moyens, au regard des principes rappelés ci-dessus, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
5. Par ailleurs, si la société requérante fait valoir que l'arrêté du 28 juillet 2014 par lequel le maire de Bordeaux lui a délivré un permis de construire ne mentionne pas qu'il a été délivré à titre provisoire, l'arrêté vise les ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ayant d'une part, suspendu le refus de permis de construire et d'autre part, rejeté la demande présentée par la commune de Bordeaux sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, demandant la mainlevée d'une mesure de suspension d'exécution prise. Par suite, la SARL First Invest ne peut soutenir qu'elle n'était pas informée du caractère provisoire du permis de construire délivré à la suite d'une ordonnance du juge des référés, quand bien même le permis de construire comporte les mentions pré-imprimés relatives aux conditions dans lesquelles les travaux peuvent débuter.
6. La SARL First Invest soutient en deuxième lieu que le silence gardé par la commune de Bordeaux sur la demande de transfert de permis de construire qui lui a été adressée le 8 juillet 2015 par la SCI Lesa, à laquelle le terrain a été vendu, a fait naître au profit du pétitionnaire une décision implicite d'acceptation en application de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 modifiée par la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 et que la commune ne pouvait procéder au retrait de cette décision tacite sans avoir invité la SCI Lesa à présenter des observations. Toutefois, en application du III de l'article 1er de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013, l'article 21 entre en vigueur dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Par suite, la décision intervenue avant cette entrée en vigueur ne peut être regardée comme une acceptation, et le moyen ne peut qu'être écarté.
7. En dernier lieu, à la suite du désistement de la SARL First Invest dont il a été donné acte par ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux en date du 5 août 2015, l'arrêté de refus de permis de construire opposé le 16 octobre 2013 par le maire de Bordeaux est devenu définitif. Par ailleurs, ce refus de permis de construire initial ne forme pas, avec l'abrogation du permis provisoire du 8 octobre 2015 en litige, une opération administrative comportant entre ces deux décisions un lien tel que les illégalités dont l'arrêté du 16 octobre 2013 serait entaché puissent, malgré le caractère définitif de cet arrêté, être invoquées à l'appui des conclusions dirigées contre l'arrêté de retrait du 8 octobre 2015. Dans ces conditions, les illégalités éventuelles dont serait entaché le refus de permis de construire du 16 octobre 2013 ne peuvent être utilement invoquées pour contester la légalité de l'arrêté du 8 octobre 2015.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL First Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2015.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
9. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL First Invest est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel de la commune de Bordeaux sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL First Invest et à la commune de Bordeaux. Copie en sera adressée à la SCI Lesa.
Délibéré après l'audience du 7 février 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2019.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la région Nouvelle Aquitaine en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX00506