La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2019 | FRANCE | N°18BX02748

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 17 avril 2019, 18BX02748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les arrêtés du 14 juin 2018 par lesquels le préfet des Landes, d'une part, a prononcé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département des Landes pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 1801544 du 11 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau à rejeter sa demand

e.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...B...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les arrêtés du 14 juin 2018 par lesquels le préfet des Landes, d'une part, a prononcé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département des Landes pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 1801544 du 11 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau à rejeter sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juillet 2018 et le 18 septembre 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau en date du 11 juillet 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet des Landes du 14 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Landes de le placer en procédure d'asile normale et de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile afférente et le dossier à envoyer à l'Ofpra dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- le premier juge a omis de statuer sur son moyen tiré de ce que la décision de transfert est entachée d'erreur de droit au regard de l'article 21.1 du règlement (UE) n°604/2013 ;

- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a effectivement reçu des autorités françaises les informations prévues au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement 604/2013 ;

- l'arrêté de transfert a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement 604/2013 dès lors qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel, en présence d'un interprète, effectué par un agent habilité ;

- dès lors que le résultat du relevé d'empreintes " Eurodac " a été reçu par la préfecture le 2 janvier 2018 et que la requête aux fins de prise en charge a été adressée par les autorités françaises à l'Italie seulement le 8 mars 2018, soit après l'expiration du délai de deux mois prévu par le deuxième alinéa de l'article 21.1 du règlement (UE) n° 604/2013, la France aurait dû statuer sur sa demande d'asile, ainsi que l'a rappelé la Cour de justice de l'union européenne dans son arrêt Tsegezab Mengesteab contre Bundesrepublik Deutschland, C-670/16, du 26 juillet 2017 ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 3.2 du règlement 604/2013 et de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté de transfert est également entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L.742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de transfert procède d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 4 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'Italie n'offrant pas de garanties suffisantes dans l'examen des demandes d'asile ;

- la circonstance que postérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel il s'est effectivement vu remettre une convocation à la préfecture de région en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile en " procédure normale ne rend pas la requête sans objet dès lors que le préfet ne produit aucune décision de retrait ;

- la décision d'assignation à résidence est entachée d'un défaut de base légale.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 septembre 2018 et le 13 septembre 2018, le préfet des Landes conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de ses arrêtés du 14 juin 2018 en raison de la délivrance par ses soins, postérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel, d'une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Par une lettre du 12 février 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la solution du litige était susceptible d'être fondée au moins en partie sur le moyen d'ordre public tiré du non lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Landes du 14 juin 2018 portant transfert aux autorités italiennes pour l'examen de la demande d'asile de M. B...(caducité de l'arrêté en raison de l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, ce délai ayant recommencé à courir à la date à laquelle le tribunal administratif a statué en vertu de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A...E...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2018/014556 du 18 octobre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...E...B..., de nationalité irakienne, est entré irrégulièrement en France, selon ses dires, le 20 décembre 2017. Il a déposé une demande d'asile le 2 janvier 2018 auprès des services de la préfecture où le relevé effectué de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait franchi la frontière italienne. M. B...relève appel du jugement du 11 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 14 juin 2018 par lesquels le préfet des Landes, d'une part, a prononcé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département des Landes pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Sur la légalité de l'arrêté portant remise de M. B...aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile :

2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 applicable à la date des arrêtés litigieux : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 de ce code : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. (...) / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". En vertu de l'article L. 743-1 dudit code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". En vertu de l'article R. 743-1 de ce code : " L'attestation de demande d'asile est renouvelée jusqu'à l'expiration du délai fixé à l'article L. 743-1 (...) ".

3. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite de la requête dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le recours contentieux formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

4. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel, le préfet des Landes a délivré le 5 septembre 2018 à M. B...une attestation de demande d'asile selon la procédure normale. Cette attestation, qui, en vertu des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, vaut autorisation provisoire de séjour, a implicitement mais nécessairement rapporté l'arrêté prononçant la remise de M. B...aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de cet arrêté du 14 juin 2018 sont devenues sans objet.

Sur la légalité de la mesure d'assignation à résidence :

5. M. B...se borne à faire valoir que la mesure d'assignation à résidence est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la mesure de transfert qui la fonde. Il résulte cependant de ce qui précède que l'arrêté du 14 juin 2018 portant transfert aux autorités italiennes n'est pas annulé. Par voie de conséquence, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il résulte de ce qui est énoncé au point 4 que les conclusions à fin d'injonction tendant au placement du requérant en procédure d'asile normale sont également devenues sans objet.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 14 juin 2018 du préfet des Landes portant remise de M. B...aux autorités italiennes ainsi que sur les conclusions à fin d'injonction.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. B...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...B...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera transmise au préfet des Landes.

Délibéré après l'audience du 22 maris 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2019.

Le rapporteur,

Caroline D...Le président,

Marianne POUGET

Le greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX02748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02748
Date de la décision : 17/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : PATHER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-17;18bx02748 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award