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17/04/2019 | FRANCE | N°18BX03971

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 17 avril 2019, 18BX03971


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée a quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801695 du 19 octobre 2018 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique e

nregistrés le 19 novembre 2018 et le 11 mars 2019, MmeD..., représentée par MeE..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée a quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801695 du 19 octobre 2018 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 19 novembre 2018 et le 11 mars 2019, MmeD..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 22 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2ème de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- le préfet a insuffisamment motivé cette décision, ce qui révèle une appréciation non sérieuse de sa situation ; il ne fait pas état des violences conjugales graves qu'elle a subies ni de la circonstance que sa belle-soeur, de nationalité française, s'occupe d'elle au quotidien ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation ; elle souffre d'une psychose chronique avec des troubles délirants et un état dépressif ; elle a été hospitalisée à plusieurs reprises au sein de l'unité psychiatrique du centre hospitalier de Montauban ; le traitement des maladies psychiatriques au Kosovo est largement insuffisant ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; le préfet n'a pas pris en compte ses liens étroits avec sa demi-soeur qui l'a toujours accompagnée dans ses démarches en France alors qu'elle est isolée dans son pays d'origine et qu'elle ne pourra y recevoir un traitement approprié ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi :

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation pour le même motif que précédemment.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2019, le préfet de Tarn-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 11 mars 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré présentée pour Mme D...a été enregistrée le 24 mars 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...D..., ressortissante kosovare, est entrée en France en 2011 selon ses déclarations, de manière irrégulière. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 juin 2012. En raison de son état de santé, le préfet de Tarn-et-Garonne lui a délivré un titre de séjour valable du 20 mai 2016 au 19 mai 2017 dont Mme D...a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 22 décembre 2017, le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D...relève appel du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Le 18 février 2018, Mme D...a présenté, pour cette procédure, une demande d'aide juridictionnelle, sur laquelle le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux n'a pas encore statué. Par conséquent, il y a lieu de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la légalité du refus de séjour :

3. En premier lieu, la décision contestée vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que ceux du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de MmeD..., en particulier les articles L. 313-11 11°, L. 511-1 et L. 511-4 à L. 513-4. La décision précise les conditions de son entrée et de son séjour en France, en particulier le fait qu'elle serait entrée sur le territoire national en 2011, qu'elle a été déboutée du droit d'asile par la Cour nationale du droit d'asile et qu'elle a été admise au séjour du 20 mai 2016 au 19 mai 2017 en raison de son état de santé. Par ailleurs, le préfet précise que suite à sa demande de renouvellement de titre de séjour, le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration a estimé que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers le Kosovo. Enfin, le préfet précise que l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine. La seule circonstance que le préfet n'a pas mentionné qu'elle a été victime de violences conjugales de la part de son ex-mari et qu'elle bénéficie en France du soutien de sa demi-soeur n'est pas de nature à caractériser un défaut de motivation de la décision en litige. Dès lors, le préfet du Tarn-et-Garonne, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de l'appelante, a suffisamment motivé en droit et en fait la décision du 22 décembre 2017. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de la décision attaqué que le préfet de Tarn-et-Garonne s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de MmeD....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre l'arrêté en litige, le préfet du Tarn-et-Garonne s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 29 juillet 2017 selon lequel l'état de santé de Mme D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. A cet égard, ni les éléments médicaux produits par MmeD..., notamment les certificats médicaux établis par le docteurB..., médecin psychiatre, dont il résulte qu'elle souffre d'un état dépressif atypique, d'un état d'asthénie extrême avec somatisation multiple et un syndrome de stress post-traumatique, ni la circonstance qu'elle a été hospitalisée en décembre 2017, ni les attestations de proches mentionnant son état dépressif ne permettent de remettre en cause la pertinence de l'appréciation ainsi portée sur la gravité de sa pathologie. Il n'est par ailleurs ni établi ni même allégué qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier au Kosovo du traitement approprié aux pathologies dont elle souffre. Dans ces conditions, le refus de séjour en litige ne repose pas sur une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D...est entrée irrégulièrement sur le territoire français en 2011 afin d'y solliciter l'asile qui lui a été définitivement refusé en 2012. Elle s'est par la suite maintenue irrégulièrement sur le territoire jusqu'à l'obtention d'un titre de séjour en raison de son état de santé le 20 mai 2016. Si elle soutient qu'elle ne peut retourner au Kosovo au motif qu'elle souffre d'un syndrome de stress post-traumatique en relation avec les violences qu'elle a subies dans son pays d'origine de la part de son ex-mari, elle n'apporte pas d'élément probant de nature à tenir pour établis la réalité de ces violences et l'existence d'un lien entre ses troubles et des évènements traumatisants vécus dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche de renseignement remplie par Mme D...lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour, que trois de ses soeurs résident toujours au Kosovo, de sorte qu'elle n'établit pas qu'elle y serait isolée en cas de retour. La seule circonstance que sa demi-soeur l'assiste dans ses démarches en France n'est pas de nature à lui conférer un droit au séjour. Dans ces conditions, la situation de Mme D...ne permet pas de caractériser l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire et la fixation du pays de renvoi :

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant du pays de renvoi doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 22 décembre 2017. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est accordée à Mme A...D....

Article 2 : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressé au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2019.

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2019.

Le rapporteur,

Caroline C...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

18BX03971


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03971
Date de la décision : 17/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-17;18bx03971 ?
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