Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2018 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°1800635 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2018, M. B... représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n°1800635 du tribunal administratif de Pau du 31 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2018 du préfet des Hautes-Pyrénées ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Pyrénées à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les deux mémoires en défense du préfet ne lui ont été communiqués que les 16 et 17 mai 2018 alors que la clôture de l'instruction intervenait le 19 mai. Sa demande de report de la clôture de l'instruction a été rejetée. Il n'a pas disposé d'un délai raisonnable pour répliquer aux mémoires en défense alors qu'ils contenaient une pièce essentielle. Ainsi le droit à la défense, le droit au procès équitable et le droit à l'égalité des armes ont été méconnus ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation en tant qu'elle ne comporte pas suffisamment d'éléments relatifs à la situation personnelle et familiale du requérant en France et au Kosovo ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme en tant qu'il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifestation d'appréciation de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale dès lors que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle est fondée sera annulée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'il ne pourrait mener une vie privée familiale normale dans son pays d'origine. Elle est, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de motivation en l'absence d'indication des risques encourus par le requérant en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale dès lors que l'obligation de quitter le territoire français et le refus de titre de séjour sur lesquels elle est fondée seront annulés ;
- la décision fixant le pays de destination porte atteinte à son droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants tels que prévus par l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant que son retour dans son pays d'origine l'expose à être soumis au kanun.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2019, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- son arrêté contient les éléments de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé ;
- il n'est pas porté atteinte à la vie privée et familiale du requérant dès lors que sa présence en France est de courte durée, sans aucune intensité particulière et que son épouse étant sous le coup d'une mesure similaire, rien ne s'oppose à ce que le foyer puisse mener une vie privée et familiale normale au Kosovo alors qu'il n'est pas intégré en France ;
- en ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, elles ne sont pas dépourvues de base légale ;
- en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination elle est suffisamment motivée ;
- il n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'il ne produit aucun élément probant permettant de constater une atteinte à sa vie ou sa liberté en cas d'éloignement vers le Kosovo.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme D... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud, premier-conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant kosovare né le 1er mai 1975, est entré irrégulièrement avec son épouse en France le 5 février 2015, selon ses déclarations. Sa demande a été rejetée par une décision du 31 août 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 24 mars 2016. Il a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour valable du 13 février 2017 au 12 août 2017 en qualité d'accompagnant d'étranger malade. Le 25 septembre 2017 il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Concomitamment au refus de renouvellement du titre de séjour de son épouse le 24 janvier 2018, le préfet des Hautes-Pyrénées a pris un arrêté du même jour à son encontre portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et fixation du pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 23 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la procédure devant la cour : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence "..Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-4 de ce code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture ".
3. Lorsque, pour les besoins de l'instruction, il invite les parties à produire des observations, le juge administratif doit leur laisser un délai suffisant à cette fin, en tenant compte de l'objet des observations demandées. Lorsque l'affaire est déjà inscrite au rôle d'une audience, il lui incombe, si le respect de cette obligation l'exige, soit de rayer l'affaire du rôle, soit de différer la clôture de l'instruction prévue de plein droit, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant la date de l'audience, en indiquant aux parties quand l'instruction sera close, cette clôture pouvant être reportée au plus tard à la date de l'audience, soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après l'appel de leur affaire.
4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une audience publique en date du 23 mai 2018. En l'absence d'ordonnance précisant la date de clôture de l'instruction, l'instruction a été close, en application des dispositions précitées, trois jours francs avant la date d'audience, soit le samedi 19 mai 2018 à minuit. Le préfet des Hautes-Pyrénées a produit pour la première fois un mémoire en défense le 16 mai 2018 à 12h07 et un second mémoire en défense le 17 mai 2018 à 9h12. Eu égard à la teneur de ces mémoires et à la date de la clôture de l'instruction, M. B... n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre aux mémoires en défense du préfet des Hautes-Pyrénées. Il en résulte que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du respect du caractère contradictoire de la procédure. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé.
5. Il y a donc lieu, pour la cour, de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B... à fin d'annulation de l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 24 janvier 2018.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 janvier 2018 :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
7. M. B... soutient que le refus de délivrance de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé en fait faute de comporter suffisamment d'éléments relatifs à sa situation personnelle en France et au Kosovo. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration que le préfet est tenu de mentionner seulement les considérations de fait sur lesquelles il se fonde et non de manière exhaustive tous les éléments afférents à la situation personnelle et familiale de l'intéressé. En l'espèce, s'agissant de la situation de l'intéressé, l'arrêté rappelle tous les éléments énoncés au point 1, et précise qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en tant qu'accompagnant d'étranger malade, que si l'état de santé de son épouse nécessite une prise en charge médicale, le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il est également précisé que M. B... est entré en France en 2015 avec son épouse sous le coup d'une mesure identique. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté litigieux comporte l'énoncé des considérations de fait fondant le refus de renouvellement de son titre de séjour.
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que si le requérant se prévaut de ce qu'il doit être aux côtés de son épouse, cette dernière fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. En outre, M. B... ne fait état d'aucune autre attache familiale en France et il n'est pas contesté qu'il n'est pas dépourvu, en dehors du frère qui aurait violenté sexuellement son épouse, d'attaches familiales au Kosovo où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces circonstances, et eu égard à la durée du séjour en France, le refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été opposé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. De même, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
11. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation doivent être écartés pour les motifs énoncés au point 9.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, l'arrêté vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il indique le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile Il mentionne que le requérant n'établit pas qu'il serait soumis à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la CEDH en cas de retour dans son pays d'origine, et également qu'il y a vécu jusqu'à l'âge de 46 ans, où il n'est pas dépourvu de liens personnels et familiaux. Dans ces conditions, l'arrêté énonce les considérations de droit et de fait fondant la décision fixant le pays de destination qui est donc suffisamment motivée.
13. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de titre de séjour qui la fondent.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1º A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2º Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3º Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ces dispositions et stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
15. M. B... soutient que son épouse a été victime de violences sexuelles perpétrées par son frère et que leur retour exposerait son épouse de nouveau à de telles violences et que son refusde suivre les règles du Kanun entraînerait la vindicte et la disgrâce sur sa famille. Toutefois il ne produit cependant au soutien de son récit aucun élément permettant d'établir l'existence d'un risque actuel de traitements prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Kosovo. Dans ces circonstances, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être accueillis.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2018 du préfet des Hautes-Pyrénées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetés.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1800635 du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance de M. B... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
M. David-Katz, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 27 août 2019.
Le rapporteur,
Paul-André BraudLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX03804