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03/10/2019 | FRANCE | N°19BX00114

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 03 octobre 2019, 19BX00114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1805424 du 21 novembre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2019, M

. A..., représenté par Me Momasso, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1805424 du 21 novembre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2019, M. A..., représenté par Me Momasso, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français,

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est entré en France en 2006, à l'âge de 12 ans, et a été scolarisé dès 2006 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa mère est titulaire d'une carte de résident de 10 ans, et son père, sa soeur et ses demi frères et soeurs sont de nationalité française ; il est installé dans une relation de couple pérenne depuis six ans ;

S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire, une menace à l'ordre public ne peut se déduire automatiquement du seul fait qu'un étranger en situation irrégulière a commis un délit, et la Cour européenne des droits de l'homme considère que des infractions de cambriolages commises sans violence ne pouvaient être considérées comme particulièrement graves ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi,

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

- elle méconnaît son droit de mener une vie privée et familiale normale ;

S'agissant de l'interdiction de retour,

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire ;

- son délai de deux ans est disproportionné eu égard à ses attaches en France et à l'absence d'attache au Sénégal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2019.

Par décision du 28 mars 2019, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- Le rapport de Mme C...,

- L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité sénégalaise, a fait l'objet, alors qu'il était incarcéré à .... Il relève appel du jugement du 21 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision litigieuse mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et notamment que l'intéressé n'a pas fait suite à la demande d'admission au séjour qu'il a déposée en 2014, qu'il se déclare célibataire et sans enfant et qu'ayant fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, il constitue une menace pour l'ordre public. Elle est par suite suffisamment motivée. Il ressort de cette motivation que le préfet s'est livré à un examen approfondi de la situation de M. A....

3. En deuxième lieu, aux termes L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

4. M. A..., né le 3 novembre 1994, soutient qu'il est entré en France en 2006, à l'âge de 12 ans et qu'il y réside habituellement depuis cette date. S'il produit à l'appui de ses allégations des certificats de scolarité et des attestations de quatre collèges pour les années scolaires 2006-2007, 2007-2008, 2009-2010 et 2011-2012, en revanche, aucune pièce du dossier ne vient attester de sa présence sur le territoire français au cours des années scolaires 2008-2009 et 2010-2011. Dès lors, M. A... ne peut être regardé comme justifiant résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. A... soutient que l'ensemble de sa famille est présente en France, sa mère étant titulaire d'une carte de résident de 10 ans, et son père, sa soeur et ses demi frères et soeurs étant de nationalité française. Il ajoute vivre en couple en France depuis six ans. Toutefois, le premier juge a relevé que le conseil de l'intéressé avait déclaré lors de l'audience " que son adolescence a été marquée par un conflit familial à l'issue duquel il s'est retrouvé sans domicile fixe et que les membres de sa famille se sont détournés de lui en raison de ses multiples condamnations pénales ". Devant la cour, l'appelant n'établit ni même n'allègue avoir renoué avec les membres de sa famille. De même, l'attestation du 18 novembre 2018 produite en première instance ne suffit pas à établir l'existence d'une relation de couple depuis six ans. En outre, M. A... a fait l'objet de nombreuses condamnations, le 28 février 2013 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour recel de biens provenant d'un vol, port prohibé d'arme de catégorie 6 et menace de mort réitérée, le 7 mai 2013 à 300 euros d'amende pour conduite sans permis, le 30 octobre 2013 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de deux ans pour acquisition, détention et usage illicite de stupéfiants, le sursis ayant été révoqué le 15 avril 2014, le 27 février 2014, à deux mois d'emprisonnement pour usage illicite de stupéfiants, le 5 juin 2015, à deux mois d'emprisonnement pour refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, outrage et usage illicite de stupéfiants, le 7 octobre 2016, à six mois d'emprisonnement pour proxénétisme aggravé - pluralité d'auteurs ou de complices, et le 2 novembre 2017, à deux ans et six mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans pour proxénétisme aggravé - victime mineure de 15 à 18 ans. Eu égard au nombre d'infractions ainsi commises, à leur répétition, et à leur gravité croissante, M. A... ne pouvant utilement soutenir, en particulier s'agissant des deux dernières condamnations, qu'il s'agirait d'infractions mineures en rapport avec une " adolescence tumultueuse ", le moyen tiré de ce que la décision litigieuse porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

7. Aux termes du II de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. A... ne peut utilement soutenir que son comportement ne constituerait pas une menace pour l'ordre public.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. En second lieu, pour les motifs énoncés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré par M. A... de ce que la décision attaquée méconnaîtrait son droit de mener une vie privée et familiale normale doit être écarté.

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. En second lieu, pour les motifs énoncés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré par M. A... de ce que le délai de deux ans est disproportionné eu égard à ses attaches en France doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme C..., président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le rapporteur,

Frédérique C...Le président

Éric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX00114
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MOMASSO MOMASSO JOCELYN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-03;19bx00114 ?
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