Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 août 2018 par lequel la préfète de Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par une ordonnance n°1803678 du 24 août 2018, le président du tribunal administratif de Bordeaux a transmis au tribunal administratif de Poitiers, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête présentée par M. B... A....
Par un jugement n° 1802035 du 27 novembre 2018 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2019, M. A..., représenté
par Me Rahmani, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 27 novembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme
de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence de son auteur dès lors que son domicile est situé à Angoulême, en Charente ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnait les dispositions de
l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entré en France en février 2012, à l'âge de 16 ans, avec ses parents ; il a été scolarisé en France, y a suivi et plusieurs formations et y a travaillé ; ses parents résident régulièrement en France, ainsi que les membres de sa fratrie ; il vit en concubinage avec sa compagne ; les faits de violence pour lesquels il a été condamné ont été commis sur une courte période, alors qu'il était jeune, et il a entamé un suivi psychologique durant son incarcération qu'il entend poursuivre ;
- le préfet s'est livré à une appréciation inexacte en estimant qu'il constituait une menace pour l'ordre public ; ladite autorité n'a pas caractérisé, dans son arrêté, la menace actuelle ou future pour l'ordre public, se contentant de rappeler les condamnations ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et lui interdisant de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans sont privées de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et reposent sur une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'édiction de l'arrêté attaqué, compte tenu de la brièveté du délai de recours alors qu'il est incarcéré, méconnaît le principe des droits de la défense.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2019, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par une ordonnance du 29 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée
au 5 septembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 8 décembre 1995, est entré en France en février 2012 selon ses déclarations. Le 8 janvier 2018, il a sollicité le renouvellement de la carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dont il était titulaire. Par un arrêté
du 16 août 2018, la préfète de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement
du 27 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A... était incarcéré au centre de détention de Neuvic, en Dordogne. La préfète de la Dordogne, lieu de sa résidence, était ainsi compétente pour édicter l'arrêté en litige.
4. En deuxième lieu, M. A... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît le principe des droits de la défense compte tenu de la brièveté du délai de saisine du juge administratif. Toutefois, ce délai de saisine étant prévu par la loi, le moyen, tel que formulé, est inopérant.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné à six reprises entre octobre 2015 et janvier 2018, dont cinq fois à des peines d'emprisonnement, pour des faits de violence aggravée, commis en réunion, avec usage ou menace d'une arme. Compte tenu du caractère récent et répété des condamnations et de la gravité des faits délictueux, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence en France de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public au sens des dispositions citées au point 5.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. A l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées,
M. A... fait valoir qu'il est entré en France en 2012 à l'âge de 16 ans, que ses parents et les membres de sa fratrie y résident régulièrement, qu'il entretient une relation avec une ressortissante française, qu'il dispose d'un emploi et justifie d'efforts d'insertion. Toutefois, s'il produit le titre de séjour de son père, il ne justifie pas de la régularité du séjour des autres membres de sa famille sur le territoire français, et n'est pas démuni de toute attache familiale au Maroc, où résident à tout le moins ses oncles et tantes. De plus, l'ancienneté de la relation dont il se prévaut ne ressort d'aucune pièce du dossier, et l'existence d'une vie commune avec sa compagne n'est pas établie. Par ailleurs, si l'intéressé a travaillé comme " opérateur amiante " sous couvert d'un contrat à durée indéterminée à compter du mois de juillet 2017, il a cependant été incarcéré dès le mois d'octobre 2017. Enfin, il a fait l'objet de plusieurs condamnations pour des faits de violences et sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
Dans ces conditions, le refus de séjour en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
9. Aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant fondé, M. A... ne peut exciper de l'illégalité de cette décision pour contester celles portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français.
10. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pour une durée deux ans ne méconnaissent pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne reposent pas davantage sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.
Le rapporteur,
Marie-Pierre C...Le président,
Catherine GiraultLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX00350