Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 avril 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.
Par un jugement n° 1802385 du 17 septembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 4 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en se fondant sur sa situation et non sur celle de son épouse ressortissante communautaire, le tribunal a commis une erreur de droit au regard des articles L. 121-1, L. 121-3 et R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- son épouse remplissait les deux conditions alternatives fixées par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; lui-même exerçait une activité professionnelle à temps plein ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 septembre 2019 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 26 novembre 1987, de nationalité jordanienne, est entré sur le territoire français le 9 janvier 2015 muni d'un visa de court séjour. Il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne. Par arrêté du 4 avril 2018, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé. Il relève appel du jugement du 17 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un État tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions que le titre sollicité par M. B... est subordonné à la situation de son épouse, de nationalité espagnole, laquelle doit remplir les conditions du 1° ou 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à l'exercice d'une activité professionnelle ou au fait de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.
4. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la notion de travailleur, au sens des dispositions précitées du droit de l'Union européenne, doit être interprétée comme s'étendant à toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires.
5. Si l'épouse de M. B..., de nationalité espagnole, exerce une activité de travailleur agricole, il ressort des pièces du dossier, en particulier des bulletins de paie produits par le requérant, que cette activité présente un caractère marginal à la date de l'arrêté en litige. Si le requérant soutient que son épouse a dû interrompre son travail en raison de sa grossesse, il ressort des pièces du dossier que leur dernier enfant est né le 3 juillet 2017. Il ressort encore des pièces du dossier que l'épouse du requérant bénéficie du système d'assistance sociale et que les ressources de l'ensemble du foyer, hors versement du système d'assistance sociale, ne permettent pas de la regarder comme disposant pour elle et pour sa famille de ressources suffisantes. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
7. M. B... est entré en France en 2015, à l'âge de 27 ans et a bénéficié de titres de séjour en qualité de conjoint de citoyen de l'Union européenne, dont le dernier était valable jusqu'au 6 décembre 2017. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, son épouse, de nationalité espagnole, ne disposait plus de droit au séjour sur le territoire français. Si M. B... et son épouse sont parents de deux enfants, l'un né en Jordanie en 2012 et l'autre en France en 2017, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Espagne ou en Jordanie, où résident les parents et la fratrie du requérant. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 4 avril 2018. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00372