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15/10/2019 | FRANCE | N°19BX01955

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 15 octobre 2019, 19BX01955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour pour motifs exceptionnels.

Par une ordonnance n° 1901161 du 26 mars 2019, le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mai 2019, M. B... G..., représenté par Me D..., demande à la cour :
r>1°) d'annuler cette ordonnance n° 1901161 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour pour motifs exceptionnels.

Par une ordonnance n° 1901161 du 26 mars 2019, le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mai 2019, M. B... G..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1901161 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision préfectorale contestée ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité à compter du délai d'une semaine suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, en ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée, que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé sa requête manifestement irrecevable en l'absence de décision faisant grief ; dès lors qu'il a déposé sa demande de titre de séjour par le biais de son avocat, une décision implicite de rejet de sa demande a pris naissance à l'issue d'un délai de quatre mois ; la circonstance qu'il ne se soit pas présenté personnellement en préfecture pour déposer la demande de titre de séjour ne fait pas obstacle à la naissance de la décision implicite de rejet ;

Il soutient, au fond, que :

- la décision en litige n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie en effet avoir signé avec son employeur un contrat à durée indéterminée à temps complet lui procurant une rémunération supérieure au SMIC ; il justifie déjà d'une expérience professionnelle dans son domaine de travail ; la circonstance que l'emploi considéré n'appartienne pas à la liste des métiers sous tension ne saurait lui être opposée dans le cadre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il peut aussi se prévaloir de motifs exceptionnels dans le cadre de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis plus de six ans et qu'il y dispose d'une résidence stable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par une ordonnance du 19 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 août 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre du 24 septembre 2018, reçue en préfecture de Gironde le 28 septembre suivant, M. E..., ressortissant gabonais né en 1990, a sollicité une demande de titre de séjour pour motifs exceptionnels en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aucune réponse n'ayant été apportée à sa demande, M. E... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'un recours en annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé. Par une ordonnance du 26 mars 2019, le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête de M. E... comme irrecevable en l'absence de décision faisant grief. M. E... relève appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans (...) est tenu de se présenter (...) à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. (...) Le préfet peut également prescrire : 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de titre de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions qu'elles prévoient est applicable, que les intéressés se présentent physiquement à la préfecture. Toutefois, à défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, délai fixé par les articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir.

4. Par suite, c'est à tort que le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a jugé, par un motif ayant déterminé son ordonnance, que la présentation par M. E... de sa demande de titre de séjour par voie postale n'a pu faire naître une décision implicite de rejet susceptible de recours devant le juge administratif. Ainsi, en rejetant la demande de M. E... comme manifestement irrecevable en application des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le vice-président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a entaché son ordonnance d'irrégularité. Il y a lieu, dès lors, d'annuler l'ordonnance attaquée et, par la voie de l'évocation, de statuer sur la demande de première instance présentée par M. E....

Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; 7° Refusent une autorisation (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... aurait demandé au préfet de lui communiquer les motifs de la décision implicite de rejet, née le 28 janvier 2019, de sa demande de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

8. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Les dispositions précitées de l'article L. 313-14 laissent enfin à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.

9. M. E... fait valoir qu'il réside en France depuis le début de l'année 2013, soit six ans à la date de la décision attaquée. Toutefois, M. E..., qui est célibataire et sans charge de famille, n'allègue pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a séjourné jusqu'à l'âge de 22 ans. Et il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... aurait tissé en France des liens privés et familiaux tels qu'il serait fondé à invoquer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le refus en litige n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur ce point.

10. M. E... fait valoir qu'il est diplômé dans son pays d'origine en gestion des entreprises et des administrations et se prévaut de son recrutement comme responsable de service par la société E2M (enseigne Domino Pizza) avec laquelle il a signé un contrat à durée indéterminée devant lui procurer un revenu supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Toutefois, alors qu'il justifie seulement avoir travaillé durant de courtes périodes pour des sociétés de restauration ou de propreté, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... disposerait, au regard de la nature de l'emploi qui lui était proposé, d'un niveau de qualification et d'une expérience tels qu'il devrait être regardé comme justifiant de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14. Par suite, le refus litigieux n'est pas non plus entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de première instance présentée par M. E... doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Ces dispositions font obstacle aux conclusions de M. E..., qui doit être regardé comme partie perdante à l'instance, tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1901161 du président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux du 26 mars 2019 est annulée.

Article 2 : La demande de première instance et le surplus des conclusions d'appel de M. E... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., à Me D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. C... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.

Le rapporteur,

Frédéric A...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX01955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01955
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SELARL JURIS TIME

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-15;19bx01955 ?
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