Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges de le décharger des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2010.
Par un jugement n° 1600264 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté à cette demande.
Procédure devant la cour :
1°) Par une requête enregistrée le 30 novembre 2017, M. D..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 octobre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le remboursement des frais engagés, non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- son domicile fiscal ne se situait pas en France mais aux Etats-Unis au cours de l'année 2010 ;
- les trois virements reçus sur son compte bancaire correspondent à un prêt et ne sauraient dès lors être regardés comme des revenus d'origine indéterminée ;
- les remises de chèques en provenance de la SCI Domaine Laplaud sont des remboursements du compte-courant d'associé qu'il détient auprès de cette société ; seule l'administration fiscale était en mesure d'obtenir les éléments permettant de l'établir ;
- ses comptes courants ont été abondés par un prêt consenti par la banque populaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Par ordonnance du 12 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 avril 2019 à 12:00.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... E...,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010. Par proposition de rectification du 6 juin 2013, le service a notamment, d'une part procédé à la taxation d'office, à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, en tant que revenus d'origine indéterminée, des crédits d'un montant de 62 208 euros relevés sur le compte bancaire de l'intéressé au cours de l'année 2010, et, d'autre part, soumis à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, en tant que revenus de capitaux mobiliers, les crédits apparaissant aux comptes courants d'associé ouverts au nom de M. D... dans les écritures de la SARL DDL et de la SCI Château des Vignes, pour un montant total de 183 452 euros, au titre de l'année 2010. M. D... relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a ainsi été assujetti au titre de l'année 2010.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne le principe de l'imposition en France :
2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. ". Les conditions ainsi posées au a, b et c du 1 de l'article 4 B sont alternatives et permettent chacune de déterminer la domiciliation fiscale en France.
3. Pour l'application des dispositions précitées du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, telles qu'éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 dont elles sont issues, le foyer d'un contribuable célibataire, sans charge de famille, s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal de ce contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où il ne dispose pas de foyer en France.
4. Il résulte de l'instruction que M. D..., qui est de nationalité française, célibataire et sans charge de famille, a souscrit ses déclarations de revenus pour les trois années contrôlées à son adresse de La Celle-Dunoise à laquelle il a déclaré résider, qu'il y exploite depuis 2005 une entreprise individuelle de décoration, qu'il est par ailleurs associé à hauteur de 70 %, et gérant, de la SARL DDL, créée le 23 août 2005 et dont l'activité de traiteur et restaurant à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) a démarré à la fin de l'année 2006, à la suite de la réhabilitation, par M. D... notamment, du domaine de Laplaud, qu'il détient un compte courant d'associé auprès de cette société, régulièrement crédité au cours de l'année 2010, qu'il est également associé de la SCI Domaine de Laplaud et de la SCI Château des Vignes, auprès desquelles il détient également des comptes courants d'associé, dont le second a été régulièrement crédité en 2010, qu'il est titulaire en France de plusieurs comptes bancaires sur lesquels des mouvements ont été constatés au cours de l'année 2010.
5. M. D..., qui ne se prévaut d'aucune stipulation précise de la convention fiscale franco-américaine pour contester sa domiciliation fiscale en France, soutient que son foyer se situait, en 2010, non en France mais aux Etats-Unis, où il aurait passé la majeure partie de l'année et où il aurait exercé son activité professionnelle de décorateur. Il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressé n'a, au cours de l'année 2010, été présent aux Etats-Unis que du 28 février au 6 mars, du 30 septembre au 4 octobre et du 27 novembre au 3 décembre, soit au maximum dix-neuf jours. M. D... n'établit ni même n'allègue qu'il aurait disposé d'un logement aux Etats-Unis en 2010 et qu'il y aurait réalisé des projets professionnels, le chiffre d'affaires de la société " Didier D... Inc " ayant été, au cours de cette année, de seulement 4 810 dollars, pour un résultat d'exploitation déficitaire de 12 778 dollars. Si M. D... fait également valoir qu'il a déposé une déclaration fiscale aux Etats-Unis pour l'année 2010, cette allégation est démentie par la réponse apportée sur cette question par les autorités américaines à la suite de la demande d'assistance administrative internationale effectuée par l'administration fiscale le 14 décembre 2012. La circonstance, enfin, qu'il disposerait d'une carte de sécurité sociale américaine, d'un permis de conduire délivré par l'Etat du Massachussetts et d'une carte American Express ne sont pas de nature à établir, contrairement à ce qu'il soutient, qu'il aurait résidé aux Etats-Unis en 2010. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé qu'il disposait en France de son foyer au cours de cette période et qu'il y avait par suite son domicile fiscal, au sens des dispositions précitées du a) du I de l'article 4 B du code général des impôts.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications (...) ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ". Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
7. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus. Dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause.
8. Lors de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. D..., l'administration a constaté, sur le compte bancaire de l'intéressé ouvert à la Banque Populaire, au titre de l'année 2010, trois virements en date des 9 et 10 décembre en provenance d'un tiers pour un total de 49 500 euros et onze remises de chèques en provenance de France pour un total de 12 708 euros. Ayant estimé que les réponses fournies par M. D... aux demandes d'éclaircissements et de justification qui lui ont été adressées le 13 avril 2011 et le 9 juillet 2012 ne permettaient pas de justifier de l'origine des sommes ainsi créditées sur son compte, l'administration a taxé d'office lesdites sommes à l'impôt sur le revenu, en tant que revenus d'origine indéterminée.
9. Dans la mesure où le requérant ne conteste pas la régularité de la procédure de taxation d'office dont il a fait l'objet à raison de revenus regardés comme étant d'origine indéterminée perçus au cours de l'année 2010, il supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions, par application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales.
10. M. D... fait valoir que les trois virements susmentionnés s'expliquent par un prêt qui lui a été consenti par Mme G..., d'un montant de 80 000 euros. L'acte authentique reçu par Me B..., notaire, le 31 mai 2011, aux termes duquel Mme G... aurait consenti au requérant, à une date qui n'est pas précisée, un prêt de 80 000 euros, ce montant ayant été mis à la disposition de l'intéressé à une date qui n'est pas davantage indiquée, ne contient ainsi aucun élément permettant d'établir une corrélation entre le prêt de 80 000 euros consenti par Mme G... et les sommes que celle-ci a transférées sur le compte de M. D..., par virements des 9 et 10 décembre 2010, pour un montant total de 49 500 euros. Les trois bordereaux de virement produits par le requérant ne permettent pas davantage d'établir une telle corrélation.
11. S'agissant des chèques déposés sur son compte émanant de la SCI Domaine de Laplaud, M. D... soutient que les sommes sur lesquelles ils portent correspondent à des remboursements du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de cette société. Il ne produit toutefois aucun élément ou document susceptible d'étayer cette allégation, la circonstance, à la supposer établie, que la gérante de la SCI aurait refusé de lui communiquer les pièces permettant d'établir que les sommes qui lui ont ainsi été versées n'étaient pas des revenus, et le fait que l'administration se serait abstenue d'exercer son droit de communication afin d'obtenir de telles pièces sont sans incidence sur la dévolution de la charge de la preuve telle qu'elle a été rappelée au point 9 ci-dessus.
12. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ".
13. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus distribués, imposables, par suite, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
14. M. D... soutient que les crédits inscrits au cours de l'année 2010 aux comptes courants d'associé ouverts à son nom dans les écritures de la SARL DDL et de la SCI Château des Vignes, pour un montant total de 183 452 euros, trouvent leur origine dans un prêt qui lui a été consenti par la Banque populaire le 24 novembre 2007, pour un montant de 200 000 euros, et ne constituent par suite pas des revenus distribués.
15. Il ressort toutefois du contrat de prêt produit par l'intéressé que le prêt ainsi accordé avait pour objet le " post-financement de l'achat d'un ensemble immobilier (...) donné en location à un tiers ", à savoir des locaux commerciaux situés 20, rue Charles Michel à Limoges, acquis par M. D... le 13 juillet 2007 et dans lesquels a été créé le restaurant " La Garçonnière ", exploité par la SARL DDL. La seule production de ce contrat n'est pas de nature à établir que les crédits inscrits au cours de l'année 2010 sur les comptes courants d'associé ouverts au nom de M. D... dans les écritures de la SARL DDL et de la SCI Château des Vignes ne constitueraient pas des revenus distribués au sens des dispositions précitées de l'article 109 du code général des impôts. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale les a soumis à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, en tant que revenus de capitaux mobiliers.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2010.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
Mme C... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le17 octobre 2019.
Le rapporteur,
Sylvie E...Le président,
Philippe Pouzoulet La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03734