Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet de la Corrèze a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de destination en exécution de l'interdiction définitive du territoire français dont il a fait l'objet.
Par un jugement n° 1900556 du 11 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 mars 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 février 2019 du tribunal administratif de Bordeaux;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et
de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire faute de justification de l'absence ou de l'empêchement de la personne le précédant dans la chaîne des délégations de signature ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté repose sur une peine qui est prescrite, faute de toute diligence à son exécution lors de sa sortie de prison en 2003 ;
- il a la nationalité française ;
- l'arrêté est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la situation en Algérie ;
- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et repose sur une erreur manifeste d'appréciation ; il est né en France, est marié et père de trois enfants.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2019, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par une ordonnance du 1er avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée
au 29 mai 2019 à 12h00.
La demande d'aide juridictionnelle de M. D... a été rejetée par une décision
du 23 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... relève appel du jugement du 11 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet de la Corrèze a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi en exécution de la peine d'interdiction définitive du territoire français dont il a fait l'objet.
2. En premier lieu, la décision a été signée par M. Eric Zabouraeff, secrétaire général de la préfecture de la Corrèze, lequel bénéficie d'une délégation de signature directe du préfet de la Corrèze en date du 2 juillet 2018, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial n° 19-2018-039 du même jour, " à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat (...) ", à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figure pas l'arrêté en litige. Par suite, le requérant ne peut utilement soulever un moyen tiré de ce que le signataire ne justifierait pas de l'empêchement de personnes situées au-dessus de lui dans la hiérarchie préfectorale. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte de manière suffisante les éléments de droit et de fait qui le fondent, ainsi que l'a détaillé à bon droit le tribunal, et le préfet n'avait pas à rappeler l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé pour se borner à fixer son pays de renvoi.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 131-30 du code pénal : " Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. Lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. (...) " .
5. M. D..., qui avait fait l'objet d'une condamnation à cinq ans d'emprisonnement pour trafic de stupéfiants par un arrêt de la cour d'appel de Toulouse
du 22 juillet 1998, a été condamné par la même décision à une peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français. Une telle peine, qui n'exige, en application des dispositions précitées de l'article 131-30 du code pénal, aucun acte d'exécution, n'est pas prescriptible, quand bien même l'intéressé aurait été placé en rétention pour son exécution d'office à sa sortie de prison en 2003. Il s'ensuit que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français aurait été prescrite à la date d'édiction de l'arrêté attaqué.
6. En quatrième lieu, M. D... se borne à affirmer qu'il serait de nationalité française. Le premier juge a relevé que, né en France le 27 janvier 1962 de parents nés dans les anciens départements français d'Algérie, il était réputé avoir perdu la nationalité française au profit de la nationalité algérienne le 1er janvier 1963, en application de la
loi n° 66-945 du 20 décembre 1966 modifiant l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française. Cette question ne soulevant pas de difficulté sérieuse, il n'y a pas lieu d'en saisir l'autorité judiciaire, à laquelle M.D... n'a au demeurant pas demandé la délivrance d'un certificat de nationalité française. Le moyen tiré de qu'il aurait la double nationalité algérienne et française, qui n'est assorti d'aucun élément de preuve nouveau en appel, ne peut donc qu'être écarté.
7. En cinquième lieu, les conséquences d'un éloignement du territoire français sur la vie privée et familiale de M. D... résultent de la décision judiciaire d'interdiction du territoire dont il a été l'objet et non de la décision par laquelle le préfet de la Corrèze s'est borné à fixer le pays de renvoi en exécution de cette décision de l'autorité judiciaire.
Il s'ensuit que le requérant ne peut utilement faire valoir que l'arrêté en litige porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale en France.
8. Enfin, en se bornant à faire état de considérations d'ordre général sur la situation des droits de l'homme en Algérie, M. D... n'établit pas qu'il serait exposé, en cas de retour dans ce pays, au risque de subir des traitements inhumains ou dégradants.
Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut dès lors qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre
des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
Mme E... A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.
Le rapporteur,
Marie-Pierre Beuve A...Le président,
Catherine GiraultLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX00979 2