Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1802993 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 mai 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente du 25 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente de réexaminer sa demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L.313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet et le tribunal administratif ont commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant qu'il ne justifierait pas de son état civil dès lors que si les actes d'état civil qu'il a produits ont reçu un avis négatif de la direction zonale de la police aux frontières, seule une absence de référence au jugement supplétif dans l'acte d'état civil est reprochée ainsi que la communication d'un extrait de jugement au lieu de l'intégralité de l'acte ; les autorités maliennes en France ont admis le caractère probant et suffisant des actes d'état civil qu'il a fournis ;
- il était en classe de 3ème pour l'année scolaire 2017-2018 mais est, depuis septembre 2018, inscrit en première année de CAP peinture applicateur de revêtements.
Par ordonnance du 10 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 10 septembre 2019 à 12h00.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2019/010757 du 29 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 13 mars 2000, de nationalité malienne, est entré en France en novembre 2016, sans passeport et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du département de la Charente. Le 15 mars 2018, il a présenté une demande de titre de séjour. Il relève appel du jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2018 du préfet de la Charente qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de retour.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...). Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil (...) fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire, d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B..., le préfet de la Charente a estimé que l'intéressé ne justifiait pas de son état civil et qu'il ne poursuivait pas de formation qualifiante.
5. En premier lieu, il résulte des pièces du dossier que M. B... est entré en France sans passeport et qu'il a produit deux extraits d'acte de naissance ainsi qu'un jugement supplétif de la République du Mali. Ces documents ont tous reçu un avis technique défavorable de la cellule de fraude documentaire et à l'identité de Bordeaux de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières. Selon les rapports de cette cellule des 15 juin 2017 et 18 janvier 2018, le premier extrait d'acte de naissance fait état de la rédaction d'un jugement supplétif qui n'est pas produit et l'acte qui a été rédigé dans un centre principal ne précise pas la qualité de l'officier d'état civil. S'agissant du deuxième extrait d'acte de naissance produit, il a été relevé qu'aucune référence sur cet acte n'était faite au jugement supplétif alors qu'il est certifié conforme à l'original. Enfin, s'agissant du jugement supplétif produit, il a été relevé, d'une part, que celui-ci est un extrait de jugement qui ne reflète pas l'intégralité de l'acte, et, d'autre part, que les cachets humides qui y sont apposés émanent du tribunal de première instance alors que l'acte porte l'en-tête d'un tribunal de grande instance. Ces éléments permettent de renverser la présomption d'authenticité, résultant des dispositions de l'article 47 du code civil. Si M. B... fait valoir qu'il a obtenu ultérieurement à ces rapports, auprès du consulat général du Mali en France, une carte d'identité consulaire ainsi qu'un passeport, aucune pièce du dossier ni aucune précision ne permet de considérer que ces documents auraient pu être établis au vu d'actes d'état civil autres que ceux mentionnés ci-dessus. Dès lors, en l'absence de force probante des documents produits, l'administration a pu légalement estimer que M. B... ne pouvait être regardé comme justifiant de son état civil et, par suite, comme ayant été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans comme le prévoit l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour le 15 mars 2018, M. B... a produit un certificat de scolarité du collège Pierre Bodet à Angoulême attestant de son inscription, pour l'année scolaire 2017-2018, dans une classe de 3ème en unité pédagogique pour élèves allophones arrivants, qui ne dispense pas une formation destinée à apporter une qualification professionnelle. Si le requérant a produit en première instance un certificat de scolarité faisant état d'une inscription, depuis septembre 2018, en certificat d'aptitude professionnelle " peinture applicateur ", M. B... ne poursuivait pas cette formation depuis au moins six mois à la date de la décision litigieuse. Par conséquent le préfet de la Charente n'a commis ni erreur de fait ni erreur de droit en estimant que l'intéressé ne remplissait pas la condition relative au suivi d'une formation qualifiante que prévoient les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers pour se voir délivrer un titre de séjour.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
Le président-assesseur,
Frédéric Faïck
Le président-rapporteur,
Elisabeth A... Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02015