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06/02/2020 | FRANCE | N°18BX00299

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 06 février 2020, 18BX00299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1700087 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2018, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce j

ugement du tribunal administratif de Pau du 23 novembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de la cot...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1700087 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2018, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 23 novembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SARL Cassagnon était en droit d'exercer l'option prévue par l'article 239 bis AA du code général des impôts ; elle remplissait les conditions requises dès sa constitution dès lors que la condition du lien de parenté directe ou collatérale jusqu'au deuxième degré était remplie ; le régime des distributions des résultats des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ne pouvait donc pas s'appliquer et aucun redressement ne pouvait être effectué dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

- l'administration fiscale a pris formellement position au sens de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales sur l'interprétation de l'article 239 bis AA du code général des impôts en agréant l'option pour le régime des sociétés de personnes exercée par cette société ; cette prise de position est corroborée par l'envoi jusqu'en 2011 de mises en demeure de déposer des déclarations de résultats imposables en BIC, l'acquiescement de l'administration après envoi d'un courrier du 21 juin 2010 par le gérant de la société indiquant qu'elle était une SARL de famille et l'envoi d'une proposition de rectification à la société selon laquelle les bénéfices seraient taxés en BIC ;

- l'option doit être examinée dès la constitution par l'administration dont le devoir est de l'agréer ou de la rejeter, motivation à l'appui ; durant dix ans l'administration n'a pas remis en cause sa position au regard de l'article 239 bis AA du code général des impôts ;

- elle devait bénéficier de la mesure de tempérament instaurée par la réponse ministérielle Tailhades (Sénat 23 juin 1982 p.3070 n°3696) ;

- l'instruction du 15 février 1983 (4 H-1-83 n° 8 et D. adm. 4 H-1221 n° 20, 1er mars 1995) reprise par le bulletin officiel (BOI-IS-CHAMP-20-20-10 n° 50), prévoit que le régime de l'article 239 bis AA est applicable s'il existe des liens de parenté directe ou collatérale jusqu'au deuxième degré, ce qui est le cas en l'espèce ;

- les cotisations d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Cassagnon ont été déchargées par jugement du 24 novembre 2017 du tribunal administratif de Pau ; par conséquent, ses associés ne peuvent être assujettis à des impositions supplémentaires en matière de revenus de capitaux mobiliers ;

- le bénéfice de l'année 2010 de la société Cassagnon ne pouvait être distribué aux associés avant le 1er janvier 2011 ; les impositions mises à sa charge au titre de l'année 2010 doivent dès lors être dégrevées ;

- le bénéfice de l'année 2011 de cette société ne pouvait être réparti avant l'année 2012 ; les impositions mises à sa charge au titre de l'année 2011 doivent dès lors être dégrevées ;

- les distributions du résultat de l'exercice clos en 2011 ont été doublement taxées, car elle a fait l'objet après un second contrôle sur pièce pour 2012 d'une imposition au titre de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme D... n'est fondé.

Par ordonnance du 24 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2019 à 12 heures.

Un mémoire en réplique présenté pour Mme D... a été enregistré le 2 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... J...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... détient 33,33% du capital de la société Cassagnon, société à responsabilité limitée, qui exerce une activité de lotisseur. La société Cassagnon a opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes à sa création le 16 septembre 2003, sur le fondement de l'article 239 bis AA du code général des impôts. À l'issue de la vérification de comptabilité de cette société en 2013, portant sur les exercices clos en 2010 et 2011, l'administration a remis en cause le bénéfice de cette option pour le régime fiscal des sociétés de personnes et a soumis à l'impôt sur les sociétés le bénéfice réalisé sur les exercices clos en 2010 et 2011. L'administration a estimé que ces bénéfices constituaient des revenus distribués au profit des associés et en a tiré les conséquences sur les revenus de Mme D... en sa qualité d'associée de la société à raison de sa quote-part, s'élevant à 33,33 %. À la suite de la réclamation de Mme D..., les impositions émises au titre de l'année 2010 ont été totalement dégrevées. Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Sur le bénéfice de l'option pour le régime fiscal des sociétés de personnes :

2. En premier lieu, en vertu du 1 de l'article 206 du code général des impôts, les sociétés à responsabilité limitée sont passibles de l'impôt sur les sociétés sauf si elles ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes. Aux termes de l'article 239 bis AA du code général des impôts : " Les sociétés à responsabilité limitée exerçant une activité industrielle, commerciale artisanale ou agricole, et formées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et soeurs, ainsi que les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l'article 8. L'option ne peut être exercée qu'avec l'accord de tous les associés. Elle cesse de produire ses effets dès que des personnes autres que celles prévues dans le présent article deviennent associées. ". Il résulte de ces dispositions que l'option pour le régime des sociétés de personnes est soumise à deux conditions, tenant à la nature de l'activité exercée et à l'existence de liens familiaux entre les associés. Ces deux conditions doivent être satisfaites non seulement au moment de la notification de l'option mais aussi pendant toutes les années au titre desquelles la société prétend au bénéfice de ce régime.

3. Il résulte de l'instruction que la société à responsabilité limitée Cassagnon a été constituée le 16 septembre 2003 entre M. B... D..., Mme A... D..., sa fille, M. I... D..., son fils, M. E... de la Bonnimière de Beaumont, son petit-fils (fils de Mme F... D... venant en représentation de sa mère décédée) et Mme H... de la Bonnimière de Beaumont, sa petite fille (fille de Mme F... D... venant en représentation de sa mère décédée), pour exercer une activité de lotisseur. Au décès de M. B... D... en 2008, la répartition du capital de la société est exercée à hauteur de 33,33 % par Mme A... D... et par M. I... D... et à hauteur de 16,665 % par la SCI SORM détenue majoritairement par E... de la Bonninière de Beaumont et par H... de la Bonninière de Beaumont. La société Cassagnon ne peut être considérée comme formée uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et soeurs, tant au moment de sa création, en septembre 2003, qu'au cours des deux années en litige 2010 et 2011, dès lors qu'elle comptait des associés - M. E... de la Bonnimière de Beaumont et sa soeur, Mme H... de la Bonnimière de Beaumont - qui étaient parents au troisième degré de deux autres associés et, au demeurant à compter de 2008, une personne morale, la SCI SORM. Ainsi, la condition tenant à l'existence de liens familiaux directs entre les associés, prévue par l'article 239 bis AA, n'étant pas remplie, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'option exercée en 2003 par la société Cassignon.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

5. La doctrine administrative invoquée par l'appelante (BOI-IS-CHAMP-20-20-10 n° 50, 12-9-2012 ; Inst. 15 février 1983 4 H-1-83 n°8 ; D. adm. 4H-1221 n° 20) ne contient pas une interprétation différente de la loi fiscale dont il est, en l'espèce, fait application au point précédent dès lors qu'elle n'admet les liens de parenté collatérale que jusqu'au deuxième degré. Par ailleurs, si l'appelante fait valoir que M. de la Bonninière de Beaumont était le fils de Mme F... D..., décédée, et qu'elle peut donc bénéficier de la mesure de tempérament prévue par la réponse ministérielle Tailhades (Sén. 23-6-1982 p. 3070 n° 3693) selon laquelle " il est admis que dans le cas où un associé décède et que ses enfants ou son conjoint entrent dans la société, l'application du régime des sociétés de personnes ne soit pas remise en cause quels que soient les liens de parenté unissant les nouveaux associés avec les autres ", ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que Mme F... D... n'a jamais été associée de la société Cassagnon et, au demeurant, que, comme il a été dit, la société Cassignon compte une personne morale parmi ses associés.

6. Enfin, les circonstances que durant dix ans l'administration n'ait pas remis en cause l'option exercée par la société, qu'elle lui ait adressé des mises en demeure de souscrire des déclarations de résultats en matière de bénéfices industriels et commerciaux ou encore qu'un courrier en date du 22 juin 2010 ait été adressé par la société pour solliciter une prise de position sur un régime de TVA, ne sauraient constituer une prise de position formelle de l'administration sur sa situation de fait, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que la société Cassignon ne remplissait pas les conditions pour pouvoir bénéficier du régime fiscal des sociétés de personnes. L'administration était, par suite, en droit de soumettre ses bénéfices à l'impôt sur les sociétés et de regarder la somme de 39 405 euros créditée le 1er janvier 2011 au compte courant de Mme D... comme un revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Sur la prétendue double imposition :

8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

9. Il résulte du 2° du 1. de l'article 109 précité du code général des impôts que les sommes inscrites au crédit du compte courant d'un associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes. Faute pour Mme D... d'apporter cette preuve contraire, c'est à bon droit que l'administration a regardé les sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associé comme des revenus distribués.

10. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : "Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ".

11. Il résulte de l'instruction que l'administration a opéré une compensation légale concernant l'année 2011 entre les droits et pénalités supplémentaires émis sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts au titre de cette année et les droits et pénalités dus en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du même code au titre des distributions opérées le 1er janvier 2011 sur le compte courant de Mme D.... Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit au point 1, les impositions supplémentaires émises au titre de l'année 2010 ont été dégrevées lors de la décision d'admission partielle en date du 16 novembre 2016. Dès lors, les sommes restant en litige après ce dégrèvement concernent les distributions de résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2010 mises à la disposition de Mme D... sur son compte courant d'associé le 1er janvier 2011. Si l'appelante soutient que les sommes figurant au crédit de son compte courant d'associé ont été soumises à imposition au titre de l'année 2012, cette circonstance, au demeurant non démontrée, est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige et n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une double imposition.

12. En dernier lieu, en vertu du principe de l'indépendance des procédures concernant une société ayant exercé l'option pour le régime de l'impôt sur les sociétés et ses associés, l'éventuelle irrégularité de la procédure d'imposition suivie, en l'espèce, à l'égard de la société Cassignon est sans incidence sur les conséquences tirées par l'administration de la vérification de comptabilité de cette personne morale sur les sommes soumises à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au nom de Mme D..., son associée. Ainsi, la circonstance que, par jugement du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Pau ait, pour un motif de forme, déchargé la société Cassignon des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011 ne fait pas obstacle à l'imposition personnelle mise à la charge de Mme D.... Du reste, la seule circonstance que les cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles la société a été assujettie ont été déchargées par le tribunal administratif, en raison d'un vice de procédure, sont sans influence sur la soumission de cette société à l'impôt sur les sociétés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie sera adressée à la direction du contrôle fiscal du Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme K..., présidente-assesseure,

Mme G... J..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2020.

Le rapporteur,

Florence J...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX00299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX00299
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET SIRIEZ - ADVEO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-06;18bx00299 ?
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