Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Logis de Berri et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le département de Paris à verser à la SARL Logis de Berri une somme de 38 219,11 euros et à M. B... une somme de 6 637,31 euros en application des conventions de placement de plusieurs enfants placés au lieu de vie et d'accueil Logis de Berri par le service de l'aide sociale à l'enfance.
Par un jugement n° 1600815 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de la SARL Logis de Berri et de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2018, la SARL Logis de Berri et M. B..., représentés par la SCP Pielberg-Kolenc, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 novembre 2017;
2°) de condamner le département de Paris à verser à la SARL Logis de Berri une somme de 51 085,82 euros et à M. B... une somme de 6 637,03 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 13 février 2012 et capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge du département de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les demandes présentées par la société :
- aux termes de la convention de placement de la jeune C..., il était expressément prévu qu'elle devait être confiée au lieu de vie Logis de Berri à compter du 15 juillet 2010 ; l'appelante s'est donc vue contrainte de lui réserver une place à compter de cette date sans pouvoir l'affecter à un autre enfant ; le département de Paris qui ne lui a confié C... qu'à partir du 4 août a ainsi bloqué une place et doit prendre en charge la perte en résultant ;
- aux termes de la convention de placement de la jeune E..., il était expressément prévu que le placement ne pouvait prendre fin que 30 jours après la réception d'une lettre recommandée avec accusé de réception valant résiliation de la convention ; en l'espèce, le contrat n'ayant jamais été résilié, le département de Paris s'était engagé à maintenir le placement d'E... jusqu'au 31 décembre 2010 ; en effet, même si la SARL n'était pas partie à cette convention, parallèlement à la convention de placement qu'elle avait signée avec la collectivité, lui avait été remis un exemplaire du contrat " jeune majeur " afin qu'elle puisse organiser l'accueil d'E... ; dans ces conditions, elle lui avait réservé une place jusqu'au 31 décembre 2010 ;
- s'agissant de la TVA, il convient de rappeler que, précédemment, la SARL, en tant que prestataire mandaté par l'Etat, n'était pas assujettie à la TVA, l'ensemble des conventions étant régies par le système du prix de journée qui était, par définition, hors taxes ; suite à l'assujettissement à la TVA des activités des lieux de vie et d'accueil par la loi n° 2009-1673 du 13 décembre 2009, les conventions devaient impérativement prévoir un prix HT ou un prix TTC, avec un taux à 5,5 % ; par suite, en considérant qu'il s'agissait de prix TTC, dès lors qu'au moment de la signature du contrat, la TVA n'était pas applicable, le département de Paris a méconnu la commune intention des parties, qui était d'appliquer un prix de journée ; ainsi, en changeant la nature juridique du " prix de journée " en un prix négocié, ce dernier ne pouvait être compris que comme un prix HT, auquel devait s'appliquer la TVA ;
En ce qui concerne la demande présentée par M. B... :
- la somme réclamée ne concerne pas un arriéré de TVA, mais un reliquat de prestations réalisées en 2010 et non intégralement réglé, correspondant à la pris en charge d'enfants confiés à M. B... en tant qu'auto-entrepreneur, et en dehors de toute prise en considération de la TVA, puisqu'il s'agit seulement de l'application du nombre de jours d'hébergement et du prix d'hébergement contractuellement prévus entre M. B... et le département de Paris.
Par une ordonnance en date du 6 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. En vue de l'accueil de jeunes mineurs, le service d'aide sociale (ASE) du département de Paris a conclu un certain nombre de conventions de placement, notamment avec M. A... B..., en sa qualité d'auto-entrepreneur, et avec la société Logis de Berri, lieu de vie et d'accueil. Il s'agissait de conventions individuelles pour chaque mineur, prévoyant la tarification des prestations d'accueil. La SARL Logis de Berri et M. B..., estimant que le département de Paris ne leur avait pas versé toutes les sommes dues en application de ces conventions, font appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 novembre 2017, qui a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de la collectivité à leur verser ces sommes.
S'agissant des demandes présentées par la société Logis de Berri :
Concernant l'accueil de la petite C... :
2. La société Logis de Berri fait valoir que, alors que la convention de placement de cette enfant prévoyait qu'elle devait lui être confiée le 15 juillet 2010, le département ne la lui a adressée que le 4 août, si bien qu'elle a été contrainte de bloquer une place sans pouvoir l'affecter à un autre enfant en difficulté.
3. Cependant, s'il résulte en effet de l'article 1er de la convention de placement conclue entre le lieu de vie Logis de Berri et le département de Paris que l'enfant C... sera confiée au Logis de Berri " à partir du 15 juillet 2010 ", il résulte également de son article 7-14 que : " La facturation du séjour prend effet le jour de l'arrivée du ou de la jeune (...) ".
4. En l'espèce, d'une part, le département de Paris a fait valoir en première instance, sans être contredit, que la petite C..., née le 15 juillet 2010 a dû être prise en charge en service de néonatalogie une quinzaine de jours, ce dont le département dit avoir informé la société en temps utile. Dans ces conditions, ce décalage dans l'arrivée de l'enfant ne peut être regardé comme imputable à une négligence fautive du département. D'autre part, l'article 7 de la convention prévoit que le déclenchement du paiement des frais de séjour était lié à l'arrivée effective de l'enfant dans son lieu d'accueil, l'article 1er de cette même convention ne prévoyant pas expressément que la petite C... arriverait le 15 juillet, mais à partir de cette date.
5. Par suite, les conclusions présentées par la SARL Logis de Berri tendant à ce qu'elle soit indemnisée du montant du prix de journée pour la prise en charge de cette enfant, du 15 juillet 2010 jusqu'au 4 août 2010, doivent être rejetées.
Concernant l'accueil de la jeune E... :
6. Le premier contrat " jeune majeur " conclu le 25 mai 2010 entre la jeune E... et le président du conseil général de Paris prévoyait son accueil au Logis de Berri du 13 mars au 30 septembre 2010. Aux termes d'un second contrat, son séjour dans cette structure était envisagé du 1er octobre au 31 décembre 2010.
7. Il est constant qu'E... a quitté le lieu de vie et d'accueil le 23 août 2010 et que le département a mis fin au paiement de son accueil à compter du 1er septembre suivant. La société Logis de Berri fait valoir qu'en vertu des contrats précités, dont elle a reçu un exemplaire, elle lui a réservé une place jusqu'au 31 décembre 2010. Elle invoque une faute du département, sur le fondement de l'article 11 de la convention de placement concernant la jeune E..., conclue entre la SARL et le département, dont l'avenant était applicable à compter du 1er avril 2010, article prévoyant que : " La présente convention peut être dénoncée par l'une ou l'autre des parties signataires, par lettre recommandée avec accusé de réception./ En aucun cas l'accueil sera interrompu " sauf faute grave du lieu de vie " et cela dans l'intérêt de l'enfant./ Un délai de trente jours doit être respecté (...) ".
8. Cependant, aux termes de l'article 7 de la même convention : " (...) 4. La facturation du séjour prend effet le jour de l'arrivée du ou de la jeune. Le jour de départ sera facturé si le départ du ou de la jeune a lieu après le déjeuner. : 5. Les absences : toute absence, notamment visite en famille, réservations, vacances, fugues, incarcérations... seront facturées, tant que le service utilisateur souhaitera qu'on lui garde la place. ". Ainsi, si la SARL Logis de Berri soutient qu'elle a gardé une place pour cette jeune jusqu'à la fin de l'année 2010, elle ne fait état d'aucune demande en ce sens du département de Paris, la circonstance que le contrat " jeune majeur " conclu entre E... et le département, contrat par rapport auquel la SARL requérante est un tiers, se terminait le 31 décembre 2010 ne permettant pas de caractériser l'existence d'une demande de maintien de place formulée par le département au moment du départ de la jeune fille, et alors en outre que la convention de placement ne fixait aucun terme à l'accueil de cette dernière. Quant à la circonstance que le département n'ait pas tenu la SARL Logis de Berri informée des suites de la prise en charge d'E... n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une faute de la collectivité.
9. Par suite, les conclusions de la SARL Logis de Berri tendant à la condamnation du département à lui verser une indemnisation correspondant au gel d'une place en accueil, du 1er septembre au 31 décembre 2010, en faveur de la jeune E..., doivent être rejetées.
Concernant les arriérés de TVA :
10. La TVA dont est redevable un vendeur ou un prestataire de service est, comme les prélèvements de toute nature assis en addition de cette taxe, un élément qui grève le prix convenu avec le client et non un accessoire du prix. Par suite, dans une affaire soumise à la TVA, un prix stipulé sans mention de la taxe doit être réputé inclure la taxe qui sera due par le vendeur ou le prestataire de service, à moins qu'une stipulation expresse fasse apparaître que les parties sont convenues d'ajouter au prix stipulé un supplément de prix égal à la TVA applicable à l'opération.
11. La société requérante soutient que le département ne lui a pas versé la TVA sur les prestations d'accueil prévues par des conventions de placement conclues au titre des années 2010 et 2011, ainsi qu'au titre d'une " facture ASE de décembre 2011 ", dont il résulte de l'instruction qu'elle correspond au non-paiement de la TVA en plus du prix de journée pour les enfants C... et Kamran, facturée par la société au département en janvier et février 2012. Pour réclamer le paiement de cette taxe, l'appelante fait valoir que les prestations d'accueil fournies par les lieux de vie n'était pas assujettie à la TVA avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, de l'article 17 de la loi de finances pour 2010, de sorte les conventions en cause, établies sous le système du " prix de journée ", fixaient des prix devant nécessairement s'entendre hors taxes. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, l'article 17 de la loi de finances pour 2010 avait seulement pour objet de faire bénéficier l'activité de fourniture de logement et de nourriture dans les lieux de vie et d'accueil du taux de réduit de TVA. Cette activité, qui n'était pas exonérée de TVA avant le 1er janvier 2010, étant donc assujettie à cette taxe au taux normal de 19,6 %. Par suite, la société Logis de Berri n'est pas fondée à soutenir que les conventions conclues avant le 1er janvier 2010, parce qu'elles fondées sur des " prix de journée " et ne font aucune mention de la TVA, prévoyaient nécessairement des prix hors taxe.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que lorsque les conventions conclues entre le département de Paris et la requérante stipulaient un prix de journée sans préciser que celui-ci serait augmenté de la TVA, ce prix de journée doit être regardé comme incluant la TVA. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le département aurait dû lui verser la TVA en plus du prix de journée. Les conclusions présentées par la SARL Logis de Berri au titre des arriérés de TVA pour les années 2010 et 2011 doivent, dès lors, être rejetées.
S'agissant de la demande présentée par M. B... :
13. M. B... fait valoir que la somme de 6 637,31 euros qu'il réclame au département, en tant qu'auto-entrepreneur fournissant des prestations d'accueil, ne correspond en rien, contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, à des arriérés de TVA, mais à un reliquat de prestations réalisées en vertu de conventions de placement d'enfants en 2010 pour le département de Paris, et non intégralement réglées.
14. Cependant, si M. B... invoque, pour réclamer le paiement de la somme en question, le courrier du département en date du 1er août 2012, par lequel le département se reconnaît encore débiteur envers lui, le montant réclamé ne correspond pas à celui figurant dans ce courrier. Au demeurant, à supposer même qu'il s'agirait en partie d'un reste à payer tel qu'admis par le département dans ledit courrier, M. B... ne produit pas les factures correspondant au montant réclamé. Enfin et surtout, en page 4 de la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif, M. B... soutient que cette somme correspond à un arriéré de TVA. Par suite, alors que les conventions de placement en question ne prévoyaient pas que le paiement de la TVA devait s'ajouter au prix de journée stipulé, pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à demander la condamnation du département à lui verser cette somme.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Logis de Berri et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent la SARL Logis de Berri et M. B... sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Logis de Berri et de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Logis de Berri, à M. A... B... et au département de Paris.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme F... D..., présidente-assesseure,
Mme G..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 février 2020.
Le rapporteur,
G...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX00334
2