Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Sodec International a demandé au tribunal administratif de Pau la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010.
Par un jugement n°1502342 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de la société Sodec International.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 février 2018 et le 12 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour d'annuler le jugement n°1502342 du tribunal administratif de Pau du 7 décembre 2017.
Il soutient que :
- il n'est pas établi que la société Sodec International ait réalisé 95 % de son chiffre d'affaires au Turkménistan au cours des années 2009 et 2010 en litige ni qu'elle y ait disposé de bureaux ou d'entrepôts ; la société n'a proposé aucune méthode probante de répartition des bénéfices réalisés en France et au Turkménistan ; elle ne peut dans ces conditions se prévaloir des stipulations de l'article 4.1 de la convention signée le 4 octobre 1985 entre la France et l'ex-URSS selon lesquelles les revenus réalisés dans un Etat par un résident d'un autre Etat ne sont imposables dans le premier Etat que s'ils proviennent d'une représentation permanente qui y est située et uniquement à raison du montant imputable à l'exercice de cette représentation permanente ;
- les stipulations de l'article 4.1 de la convention signée le 4 octobre 1985 ont la même portée que celles de l'article 7 de la convention fiscale " modèle OCDE " ; ainsi, les bénéfices de l'établissement stable ne sont pas déterminés sur la base du montant total du contrat mais seulement sur la part effectivement réalisée par cet établissement stable ; le vérificateur a constaté que la société ne tenait pas de comptabilité distincte de celle du siège social en France ;
- de son côté, l'administration a retenu une méthode fondée sur un panel d'entreprises dont l'activité est comparable à celle de la société Sodec International ;
- les affirmations de la société selon lesquelles la négociation des contrats, le pilotage des chantiers, le suivi administratif et la maintenance, la stratégie et le développement, ainsi que les risques sont assumés par l'établissement stable au Turkménistan ne sont étayées par aucun élément probant.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2018, la société Sodec International, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du tribunal et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre sont infondés.
Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée le 4 octobre 1985 par le gouvernement de la République Française et le gouvernement de l'Union des républiques socialistes soviétiques en vue d'éviter la double imposition des revenus ;
- la loi n°86-1295 autorisant l'approbation de la convention en date du 4 octobre 1985 ;
- le décret n° 87-349 du 22 mai 1987 portant publication de la convention conclue le 4 octobre 1985 ;
- le décret n° 94-988 du 8 novembre 1994 portant publication de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Turkménistan portant confirmation de l'application par la France et le Turkménistan de la convention signée le 4 octobre 1985, signé à Achghabat le 28 avril 1994 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... A...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sodec International, dont le siège est à Bidart (Pyrénées-Atlantiques), a comme domaine d'activité la réalisation de travaux de second oeuvre dans le secteur du bâtiment. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a soumis à l'impôt sur les sociétés une partie des bénéfices qu'elle avait déduits au motif que, ayant été réalisés à l'étranger, ils n'étaient pas soumis à imposition en France. Il en est résulté pour la société, après une proposition de rectification du 27 décembre 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et en 2010 pour un montant, en droits et intérêts, de 634 326 euros. La société Sodec International a demandé au tribunal administratif de Pau la décharge des suppléments d'imposition en litige. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement rendu le 7 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a intégralement fait droit à la demande de la société Sodec International.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
3. Aux termes des stipulations de l'article 4 de la convention signée le 4 octobre 1985 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Union des républiques socialistes soviétiques, applicable au Turkménistan au titre des années d'imposition litigieuses : " 1. Les revenus réalisés dans un Etat par un résident de l'autre Etat ne sont imposables dans le premier Etat que s'ils proviennent d'une représentation permanente qui y est située, et uniquement à raison du montant imputable à l'activité de cette représentation permanente. / 2. L'expression " représentation permanente " désigne toute installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle la personne résidente d'un Etat exerce tout ou partie de son activité dans l'autre Etat. (...) ( .. .) ".
4. Il résulte de l'instruction, comme l'avait d'ailleurs reconnu le vérificateur dans la proposition de rectification du 27 décembre 2012, que la société Sodec International disposait au Turkémistan d'une représentation permanente au sens des stipulations de l'article 4 de l'accord signé le 4 octobre 1985 dès lors qu'elle dispose dans ce pays de locaux fixes et permanents et qu'elle déploie sur place les moyens matériels et humains nécessaires à l'organisation, à l'exécution et au suivi de chantiers de travaux. Ainsi, en application de la convention du 4 octobre 1985, les revenus imputables à l'activité de la représentation permanente au Turkménistan de la société Sodec International ne pas sont imposables en France.
5. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de sa comptabilité, la société Sodec International a adressé à l'administration fiscale les comptes d'exploitation de ses chantiers réalisés au Turkménistan pendant les exercices vérifiés dont les contenus ont été synthétisés dans un tableau " Excel ", également remis au service, présentant une répartition analytique du chiffre d'affaires et des marges par chantier.
6. Il appartient à l'administration, en vertu des principes qui gouvernent la charge de la preuve, d'établir le caractère pertinent de la méthode qu'elle a retenue pour déterminer le montant des revenus de la société issus de l'activité de sa représentation permanente au Turkménistan et qui sont, en vertu des stipulations de l'article 4 de la convention du 4 octobre 1985, imposables dans ce pays.
7. Pour déterminer ce montant, l'administration fiscale a considéré l'établissement turkmène de la société Sodec International comme une entité fonctionnellement indépendante du siège social situé en France agissant dans des conditions de pleine concurrence. L'administration a ensuite appliqué la méthode dite du " partage des bénéfices " consistant à déterminer le bénéfice d'ensemble d'un groupe, à attribuer à chacune des entités le constituant un revenu standard rémunérant leurs fonctions de " routine ", enfin à répartir le bénéfice résiduel entre ces entités selon une clé de répartition appropriée. L'administration a mis en oeuvre les différentes étapes de cette méthode à partir d'un panel d'entreprises qu'elle a sélectionnées après avoir considéré que leurs activités étaient comparables à celle de la société Sodec International.
8. La société Sodec International fait valoir que les entreprises françaises sélectionnées par l'administration ne peuvent lui être comparées compte tenu de leurs activités (location de matériels de travaux publics, gros oeuvre), du montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs capitaux propres ou encore parce que certaines d'entre elles ont fait l'objet de procédures collectives pour insuffisance d'actifs. De plus, la société Sodec International emploie une main d'oeuvre étrangère importante dont le coût n'est pas comparable à celui de la main d'oeuvre employée dans un établissement français. En dépit de ces considérations, l'administration n'a pas constitué son panel d'entreprises en recherchant des entités indépendantes réalisant des activités de second oeuvre au Turkménistan ou, le cas échéant, dans tout autre pays dans lequel le coût de la main d'oeuvre y serait comparable. Dans ces conditions, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère pertinent des éléments de comparaison qu'elle a retenus pour déterminer le montant des revenus imputables à l'activité turkmène de la représentation permanente de la société et, par conséquent, le montant de l'imposition due par celle-ci à l'Etat français.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a déchargé la société Sodec International des suppléments d'impôt sur les sociétés en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Sodec International et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête n°18BX00703 du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société Sodec International la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Sodec International. Copie pour information en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. B... A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 février 2020.
Le rapporteur,
Frédéric A...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00703