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27/02/2020 | FRANCE | N°19BX03353

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 27 février 2020, 19BX03353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2018 par lequel le préfet du Gers a rejeté sa demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 1802394 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Pa

r une requête, enregistrée le 30 août 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2018 par lequel le préfet du Gers a rejeté sa demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 1802394 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 janvier 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Gers du 6 juillet 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gers de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou subsidiairement " salarié " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou de procéder au réexamen de sa demande et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour autorisant l'exercice d'une activité professionnelle le temps de ce réexamen ;

4°) de condamner l'Etat à payer la somme de 1 500 euros à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont commis une erreur de droit en se fondant sur la circonstance qu'il ne justifiait pas avoir suivi une formation adaptée au poste occupé sans prendre en considération ses acquis professionnels ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est également entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît également l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er août 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant tunisien né en 1978, est entré en France en 2014 sous couvert d'un visa de court séjour accompagné, selon ses déclarations, de son épouse et de leur fille née en 2010. Il a déposé, en avril 2017, une demande tendant à l'obtention d'un premier titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ou en qualité de salarié. Par un arrêté du 6 juillet 2018 le préfet du Gers a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. D... relève appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Si M. D... soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en se fondant sur la circonstance qu'il ne justifiait pas avoir suivi une formation adaptée au poste occupé sans prendre en considération ses acquis professionnels, une telle erreur, à la supposer établie, relève du bien-fondé du jugement et n'est pas de nature à entacher sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. D... et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, en précisant notamment qu'il n'était pas en possession d'un visa de long séjour, document qui est exigé à l'appui d'une demande de titre de séjour en qualité de salarié. Ces indications, qui ont permis à M. D... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes alors même que l'arrêté ne mentionne pas l'avis favorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté contesté doit être écarté.

4. Les circonstances que l'arrêté attaqué ne mentionne pas l'avis favorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ni l'ensemble des attaches familiales de l'intéressé en France ne suffisent pas à permettre de considérer que le préfet du Gers n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D..., notamment au regard de son droit à obtenir un titre de séjour en qualité de salarié. Par ailleurs l'arrêté attaqué n'est pas fondé sur une quelconque fraude. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de la situation du requérant doit être écarté.

5. Si M. D... est présent en France depuis l'année 2014 avec son épouse et leurs deux enfants, nés respectivement en Tunisie en 2010 et en France en 2017, et si de nombreux membres de sa famille résident en France, notamment ses parents et ses quatre frères et soeurs, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a vécu en Tunisie jusqu'à l'âge de 36 ans alors que ses parents et ses frères et soeurs résidaient déjà en France depuis de nombreuses années et que son épouse est également de nationalité tunisienne et ne dispose pas de titre de séjour en France. Dans ces conditions, compte tenu notamment de l'âge de ses enfants et dès lors que M. D... n'invoque aucune circonstance particulière faisant obstacle à la reconstitution de sa famille en Tunisie, le refus de titre de séjour contesté ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs du refus alors même qu'il maîtrise la langue française, qu'il a travaillé en France et qu'il ne présente pas une menace pour l'ordre public. Par ailleurs la circonstance qu'il disposerait de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle ne suffit pas à considérer qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour le préfet aurait apprécié de façon manifestement erronée les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D.... Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, les circonstances que M. D... dispose de nombreuses attaches familiales en France, que son couple s'est reconstitué après une séparation temporaire, qu'un de ses enfants est né en France et qu'il a toujours travaillé pour répondre aux besoins de sa famille ne sont pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu ces dispositions en refusant de délivrer à M. D... un titre de séjour " vie privée et familiale " doit être écarté.

7. Enfin, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une activité salariée ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Par ailleurs, si M. D..., qui n'a pas produit à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié le visa de long séjour exigé par les dispositions de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a produit devant le tribunal un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'" employé tous services " conclu avec la société El Habib le 1er avril 2016 ainsi que des bulletins de paye pour les mois d'avril 2016 à août 2018 et s'il se prévaut de l'avis favorable émis le 16 juin 2017 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ces éléments ne permettent pas de considérer qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour " salarié " le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de M. D....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Aucun des moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour n'étant fondé, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit, par suite, être écarté.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

10. Par ailleurs la mesure d'éloignement contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de M. D... de leur père et le requérant n'invoque aucune circonstance faisant obstacle à ce que ses enfants poursuivent leur scolarité hors de France et notamment en Tunisie, pays dont leurs deux parents ont la nationalité. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des enfants de M. D... alors même que les autres membres de sa famille résident en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Aucun des moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant fondé, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, par suite, être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gers du 6 juillet 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gers.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... A..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. David Terme, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2020.

Le président-rapporteur,

Marianne A...Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 19BX03353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03353
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : FRANCOS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-27;19bx03353 ?
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