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10/03/2020 | FRANCE | N°19BX01038

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 10 mars 2020, 19BX01038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2018 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802705 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2019, M. B..., re

présenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1802705 du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2018 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802705 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1802705 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient, en ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour, que :

- cette décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a justifié son état civil par la production d'un passeport authentique et de son acte de naissance ; il a justifié son insertion professionnelle en France dans le cadre de la scolarité qu'il suit depuis l'année 2017/2018 ; le préfet ne pouvait fonder sa décision sur la circonstance qu'il est entré irrégulièrement en France et ne justifie pas de la possession d'un visa de long séjour ;

- cette décision est aussi entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le certificat médical qu'il produit atteste de façon circonstanciée la gravité de son état de santé et l'absence de traitement disponible dans son pays d'origine.

Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :

- cette décision est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2020, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par une ordonnance du 9 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 janvier 2020 à 12h00.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1911 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant libérien, est entré irrégulièrement en France en mai 2016. Il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Charente à compter du 9 mai 2016. Le 14 mars 2017, M. B... a déposé en préfecture une demande de titre de séjour en tant qu'étranger ayant été confié à l'aide sociale à l'enfance entre son seizième et son dix-huitième anniversaire. Il a aussi déposé, le 25 novembre 2017, une seconde demande de titre de séjour en invoquant son état de santé. Par un arrêté du 9 octobre 2018, le préfet de la Charente a rejeté les demandes de titre de séjour sollicitées par M. B..., a fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement rendu le 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 octobre 2018.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Au cours de l'année 2017/2018, M. B... a été scolarisé en classe de 4ème au sein d'une Maison Familiale Rurale, établissement dispensant un enseignement agricole en partenariat avec l'Etat. Pendant cette année scolaire, il a suivi plusieurs stages de formation auprès de différents professionnels. En 2018/2019, M. B... s'est inscrit dans le même établissement en classe de troisième mais il a renoncé à poursuivre cette scolarité en sollicitant, pour la même année, une préinscription à une formation " CAP Boulanger " auprès de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente. Comme l'ont relevé les premiers juges, M. B... n'a pas bénéficié de la validation de sa préinscription pour cette formation. Dans ces circonstances, le requérant ne justifie pas suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle comme l'exigent les dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'absence d'une telle formation, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche auprès d'une boulangerie. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait en rejetant pour ce motif la demande de titre de séjour présentée par M. B... au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte enfin de l'instruction, et notamment des écritures en défense devant le tribunal, que le préfet aurait pris la même décision de refus s'il ne s'était fondé que sur le seul motif tiré de l'absence de suivi d'une formation professionnelle depuis au moins six mois.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. Pour prendre sa décision, le préfet s'appuyant notamment sur l'avis rendu le 5 juillet 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait cependant pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le certificat médical du 20 juillet 2017 que produit M. B... est rédigé en des termes trop généraux pour contredire sérieusement l'avis émis par l'instance collégiale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur lequel le préfet s'est appuyé pour prendre sa décision. Quant au certificat du 14 février 2019 produit en appel, s'il précise que M. B... est atteint d'une hépatite B nécessitant une surveillance régulière, il ne permet pas d'estimer qu'à la date de la décision attaquée, l'absence de prise en charge médicale de l'intéressé entraînerait pour lui des conséquences exceptionnellement graves, alors qu'au 14 février 2019 et a fortiori au 9 octobre 2018, date de la décision contestée, aucun traitement antiviral n'avait encore débuté. Par suite, le préfet, qui n'était pas tenu de vérifier si M. B... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine dès lors qu'il avait estimé que l'absence de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, a pu légalement rejeter la demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. La décision portant refus de séjour n'étant pas entachée des illégalités alléguées, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige est dépourvue de base légale.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 19BX01038 de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. E... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

Frédéric A...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01038 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01038
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : RAHMANI SEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-10;19bx01038 ?
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