Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Groupama Centre Atlantique et Mme G... A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde à verser à la société Groupama Centre Atlantique une somme de 11 982 euros, et à Mme A... une somme de 8 230 euros, en réparation des préjudices résultant de l'incendie signalé le 15 avril 2013 à 6 h 41.
Par un jugement n° 1601890 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le SDIS de la Gironde à verser à la société Groupama Centre Atlantique la somme de 11 982 euros, et à Mme A... la somme de 135 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 avril 2018 et le 8 janvier 2019, le SDIS de la Gironde, représenté par la SCP d'avocats KPDB, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 février 2018 ;
2°) de mettre à la charge in solidum de Mme A... et de la société Groupama Centre Atlantique la somme de 5 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; tous les moyens ont été mis en oeuvre tant pour venir à bout de l'incendie que pour vérifier l'absence de point chaud ; un dispositif de surveillance a été mis en place alors même qu'aucun indice de feu n'était décelable ; le feu présentait un caractère singulier qui rendait un retour imprévisible ; le caractère anormalement chaud du plancher de l'appartement de l'occupant a uniquement été signalé aux services de police qui n'ont pas répercuté l'information ;
- en l'absence de lien de causalité, la perte des biens meubles de Mme A... ne saurait être indemnisée dès lors qu'ils ont été altérés par le premier sinistre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2018, la société Groupama Centre Atlantique et Mme A..., représentées par me F..., concluent au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, elles sollicitent la condamnation du SDIS de la Gironde à verser à Mme A... la somme de 8 230 euros et à ce que soit la mise à la charge du SDIS de la Gironde la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés ;
- Mme A... est fondée à réclamer la somme de 8 230 euros correspondant à la vétusté déduite du montant du mobilier indemnisé et à la franchise demeurée à sa charge.
Par une ordonnance du 17 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2019 à 12 h 00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... D... ;
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;
- et les observations de Me C..., représentant le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde et de Me B..., représentant la société Groupama Centre Atlantiques et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Dans la nuit du 14 avril au 15 avril 2013, un premier incendie, d'origine vraisemblablement accidentelle, s'est déclaré dans l'appartement situé au 1er étage d'un immeuble d'habitation implanté au 107 rue Delbos à Bordeaux. Les pompiers, intervenus à 1 h 36, ont circonscrit l'incendie et, en raison de la présence de fumées toxiques, ont fait procéder au relogement de Mme A... et de son fils, locataires de l'appartement se trouvant au 2ème étage. A 6 h 41, un second incendie a été signalé. Après avoir traversé le plancher du 2ème étage, il a entièrement embrasé l'appartement de Mme A... et détruit la toiture de l'immeuble. A la suite deux expertises amiables remises les 28 avril et 19 août 2013, Mme A... et son assureur, la société Groupama Centre Atlantique, ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux d'une demande de nouvelle expertise. Ordonnée le 3 mars 2014, cette dernière a donné lieu à un rapport d'expertise qui a été déposé le 21 avril 2015. Estimant que le SDIS de la Gironde a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne prenant pas les mesures qui s'imposaient pour éviter une reprise de feu, la société Groupama Centre Atlantique a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, en qualité de subrogée dans les droits de Mme A..., la condamnation du SDIS de la Gironde à lui verser la somme de 11 982 euros correspondant à l'indemnité d'assurance versée à son affiliée. Mme A... a quant à elle demandé le versement de la somme de 8 230 euros correspondant à hauteur de 8 095 euros, au montant de la vétusté de son mobilier déduite par l'expert et, à hauteur de 135 euros, à la franchise d'assurance demeurée à sa charge. Par un jugement du 22 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le SDIS de la Gironde à verser à la société Groupama Centre Atlantique la somme réclamée de 11 982 euros, et à Mme A... la somme de 135 euros. Le SDIS relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la société Groupama Centre Atlantique et Mme A... doivent être regardées comme sollicitant la réformation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 février 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de Mme A....
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde :
2. Aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation. ".
3. Il résulte notamment de ces dispositions qu'il incombe aux services de secours et de lutte contre l'incendie de prendre toute mesure de vérification et de contrôle destinée à prévenir le risque d'une reprise de feu.
4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire déposé le 21 avril 2015, qui corrobore les conclusions des deux rapports d'expertise amiable remis les 28 avril et 19 août 2013, que le 15 avril 2013 à 1 h 36 les pompiers sont arrivés sur les lieux de l'incendie qui s'était déclaré peu de temps auparavant dans l'appartement du 1er étage d'un immeuble d'habitation. Alors que leur intervention s'est terminée à 5 h 42 et qu'ils avaient programmé une visite de contrôle à 8 h du matin, un second incendie a été signalé à 6 h 41. Il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 21 avril 2015 dont les conclusions sont sans équivoque, que ce second incendie qui s'est propagé au 2ème étage de l'immeuble et a provoqué la destruction des deux appartements dont celui de Mme A..., constitue le prolongement direct du premier. Si à l'issue de leur première intervention les services de secours et d'incendie ont procédé à des opérations de déblaiement ainsi qu'à des contrôles par thermographie infra rouge, ces mesures ont été insuffisantes dès lors, d'une part, qu'ils se sont abstenus de purger le plafond en lattis plâtré de la chambre d'où le feu est parti alors qu'il était vraisemblable que des aérosols de combustion portés à haute température étaient à même de migrer dans ce vide de construction et que, d'autre part, aucun piquet de surveillance n'avait été installé et qu'aucune visite de contrôle n'avait été prévue avant 8 h du matin. Si l'expert a relevé qu'il était probablement difficile de déceler des manifestations singulières se développant à l'intérieur des doublages, il a également indiqué que la détection du second foyer aurait probablement été décelable si des brèches avaient été pratiquées au plafond entre chacune des solives voire si ce dernier avait été intégralement purgé. Dans ces conditions, à supposer même que l'information selon laquelle le plancher de l'appartement du 2ème étage était chaud n'a pas été donnée aux pompiers par les services de police qui l'avaient recueillie auprès du fils de Mme A..., c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le service d'incendie et de secours de la Gironde, qui n'a pas pris toute mesure de vérification et de contrôle utiles et mis en place tous les dispositifs de surveillance appropriés, a manqué à ses obligations de prévenir tout risque de feu et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne le lien de causalité :
5. Le SDIS de la Gironde soutient en appel comme en première instance que les dommages subis par les meubles de Mme A... ne sont pas la conséquence du second incendie dès lors qu'ils étaient altérés dès le premier sinistre. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 21 avril 2015, que si à la suite du premier incendie, les meubles de l'intéressée ont pu être endommagés par salissure, leur combustion est la conséquence du second feu, intervenu sur reprise. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont reconnu l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la reprise de feu, imputable à la faute du SDIS de la Gironde, et la destruction des biens meubles de Mme A....
Sur l'appel incident :
6. Par la voie de l'appel incident, la société Groupama Centre Atlantique et Mme A... doivent être regardés, ainsi qu'il a été dit au point 1, comme sollicitant la réformation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 février 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de Mme A... tendant au versement de la somme de 8 095 euros correspondant au montant de la vétusté de son mobilier déduite par l'expert.
7. Toutefois, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, s'il est constant que le montant de la vétusté du mobilier de Mme A... déduit par l'expert s'élève à la somme de 8 095 euros, ni la vétusté du mobilier ni le coefficient de vétusté appliqué n'ont pas davantage été contestés en appel qu'en première instance. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté cette demande.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le SDIS de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à la société Groupama Atlantique Centre la somme de 11 982 euros, et à Mme A... la somme de 135 euros. En outre, l'appel incident présenté par ces dernières doit être rejeté.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du service d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident formées par la société Groupama Centre Atlantique et Mme A... ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à au service d'incendie et de secours de la Gironde, à la société Groupama Centre Atlantique et à Mme G... A....
Délibéré après l'audience du 10 février 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme E... D..., présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mars 2020.
Le rapporteur,
Karine D...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX01629 2