Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2018 par lequel le préfet du Lot lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1805082 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée les 9 et 22 avril et le 11 juin 2019, Mme F... C..., épouse B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Lot du 15 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Lot de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché de nullité dès lors qu'il n'a pas été pris dans le délai de trois mois en méconnaissance du dernier alinéa de l'article R. 776-13 du code de justice administrative ;
- il est également nul du fait de l'erreur des premiers juges qui ont inexactement apprécié les pièces versées aux débats en jugeant que le caractère habituel de sa présence depuis plus de dix ans n'était pas établi ;
Sur le refus de titre de séjour,
- la cour a la possibilité d'inviter le préfet à lui communiquer l'avis du collège de médecins ;
- l'avis du collège des médecins n'a pas été édicté conformément aux orientations générales énoncées par le C de l'annexe II de l'arrêté ministériel du 5 janvier 2017 alors même qu'elle souffre de troubles dépressifs ;
- l'avis n'a pas été rendu de façon collégiale ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet ne s'appuie sur aucun des sites officiels énumérés à l'annexe II ;
- elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et le revirement de la position du préfet n'est pas dû à l'amélioration de son état de santé et son psychiatre atteste qu'un retour dans son pays d'origine risquerait d'aggraver son cas en la privant du seul soutien familial dont elle bénéficie en France en la personne de ses deux fils ;
- une prise en charge médicale, à la supposer disponible en Arménie, ne pourrait y être assurée avec succès compte tenu de l'origine traumatique des troubles ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- en s'abstenant de se prononcer sur le droit au séjour de la requérante au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité préfectorale n'a pas procédé à examen circonstancié de sa situation ; or, elle a explicitement sollicité le bénéfice d'une mesure d'admission exceptionnelle au séjour par télécopie de son conseil en datée du 13 juin 2018 ;
- le préfet s'est abstenu de saisir la commission du titre de séjour alors qu'elle réside habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans ;
- le refus de titre méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son mari et ses deux fils aujourd'hui majeurs se trouvent en France, et la condamnation pénale dont elle a fait l'objet n'est pas rédhibitoire ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français,
- cette décision est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre ;
- elle est protégée de l'éloignement par les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2019, le préfet du Lot conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 11 juin 2019, M. A... B..., représenté par D..., conclut à l'annulation du jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Toulouse et de l'arrêté du préfet du Lot du 15 octobre 2018.
Par ordonnance du 14 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... C..., épouse B..., de nationalité arménienne, est entrée en France le 12 mai 2008, accompagnée de son époux et ses deux fils, et y a sollicité l'asile le 9 juin 2008. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 16 décembre 2009 par la Cour nationale du droit d'asile. Son mari ayant obtenu un titre de séjour en raison de son état de santé, elle a elle-même bénéficié d'un titre mention " visiteur " à compter du 25 juillet 2011, régulièrement renouvelé jusqu'au 30 septembre 2014. Par un premier arrêté du 24 décembre 2014, confirmé par un arrêt de cette cour n° 15BX01689-15BX01692 du 10 novembre 2015, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.
2. Ayant sollicité en 2015 la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet lui a délivré ce titre du 14 juin 2017 au 12 juin 2018. Toutefois, par arrêté du 15 octobre 2018, le préfet du Lot a refusé de lui renouveler ce titre, ainsi que de l'admettre au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Elle relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'intervention :
3. Est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. M. A... B..., fils de la requérante, a intérêt à l'annulation du refus de titre de séjour opposé à sa mère. Son intervention est par suite recevable.
Sur l'arrêté du 15 octobre 2018 :
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., épouse B..., est entrée en France en 2008 et s'est depuis cette date maintenue sur le territoire français, tantôt sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou d'un titre de séjour " visiteur " puis " étranger malade ", tantôt irrégulièrement. Par suite, en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour, en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Lot a privé l'intéressée de la garantie instituée par ces dispositions.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... épouse B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Lot de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de M. A... B... est admise.
Article 2 : Le jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 15 octobre 2018 du préfet du Lot sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Lot de réexaminer la situation de Mme C..., épouse B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Mme C..., épouse B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... épouse B..., au préfet du Lot et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.
Lu en audience publique, 18 juin 2020.
Le président
Éric Rey-Bèthbéder La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01406 2