Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'établissement public SNCF Réseau à lui verser une indemnité de 49 698,09 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'occupation temporaire de ses terres agricoles lors de la construction de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique (LGV SEA).
Par un jugement n° 1502081 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a condamné SNCF Réseau à lui verser la somme de 6 000 euros et rejeté le surplus
de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 12 février 2018 et des mémoires enregistrés
les 23 avril et 9 novembre 2018, M. C..., représenté par la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte- Desbois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité à 6 000 euros l'indemnité due par SNCF Réseau ;
2°) de condamner SNCF Réseau à lui verser une indemnité de 49 698,18 euros,
ainsi que 33 510,95 euros au titre des intérêts et de leur capitalisation tels que prévus à
l'article 1.9 du protocole d'accord sur les indemnisations des dommages de travaux publics ;
3°) de mettre à la charge de SNCF Réseau une somme de 5 000 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement ne comporte pas les mentions permettant de vérifier que la composition
de la juridiction était la même lors de l'audience et lors du délibéré ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas assorti l'indemnité des intérêts qui avaient
été sollicités ;
- l'article 10 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics n'impose aucune procédure de conciliation préalablement à la saisine du tribunal, et la conciliation prévue à l'article 9.3 du protocole d'accord conclu le 25 novembre 2009 entre Réseau ferré de France et les organisations professionnelles agricoles et forestières (OPAF) ne stipule pas que l'absence de mise en oeuvre de la procédure de conciliation qu'il prévoit serait sanctionnée par l'irrecevabilité du recours contentieux ; les conventions d'occupation temporaire qu'il a signées ne prévoyaient aucune obligation de recours administratif préalable ; il a présenté une demande indemnitaire préalable par un courriel du 26 mars 2013 et par un courriel de son conseil du 21 mars 2014, dont il a été accusé réception ; ainsi, ses demandes sont recevables ;
- il a droit à une indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute
en qualité de tiers par rapport aux travaux publics de construction de la LGV SEA, ainsi que
sur le fondement des dispositions de la loi du 29 décembre 1892 ;
- l'article 4.2.3 du protocole d'accord prévoit l'indemnisation des préjudices entraînés par l'occupation temporaire tels que des délaissés, des allongements de parcours
et des difficultés d'exploitation ou autres ;
- l'occupation temporaire de ses parcelles durant trois années a occasionné
des allongements de parcours pour contourner l'espace occupé, des défigurations culturales
en raison de " pointes " et de rétrécissements de parcelles, ainsi que des ruptures d'unité d'exploitation, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il y a lieu de déterminer son préjudice en application des règles d'indemnisation fixées par le protocole d'accord, soit, pour une année d'occupation temporaire, 2 792,79 euros au titre des allongements de parcours, 5 375,68 euros au titre de la défiguration des unités culturales (dont 3 217,57 euros pour les " pointes " et 2 158,11 euros pour les " rétrécissements ") et 8 397,56 euros au titre de la rupture de l'unité d'exploitation ; la circonstance qu'il n'a pas récupéré ses parcelles à la fin de l'occupation temporaire est sans incidence sur le préjudice temporaire subi jusqu'en 2012 ; ainsi,
son préjudice s'élève à 49 698,18 euros pour les trois années d'occupation temporaire ;
- en application de l'article 1.9 du protocole d'accord sur les conditions de réparation des dommages de travaux publics, il a droit à 33 510,95 euros d'intérêts et de pénalités de retard sur l'indemnité de 49 698,18 euros qui lui est due ;
- il justifie, par les pièces produites, de la réalité de ses préjudices en lien
avec l'occupation de ses parcelles jusqu'en 2012, et les indemnités qu'il a perçues portaient
sur d'autres préjudices.
Par des mémoires en défense enregistrés le 28 septembre 2018 et le 29 janvier 2020, SNCF Réseau, représenté par Adden avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, à titre principal d'annuler le jugement et de rejeter les demandes de M. C..., à titre subsidiaire de confirmer le jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation à la somme de 6 000 euros,
et dans tous les cas de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les conventions d'autorisation d'occupation temporaire conclues avec M. C... visent toutes le protocole " occupation temporaire " conclu le 25 novembre 2009 et renvoient nécessairement à l'article de ce protocole imposant une conciliation préalable ; dès lors
que la procédure de conciliation n'a pas été mise en oeuvre et en l'absence de la déclaration
de dommages auprès du maître d'ouvrage prévue à l'article 8.1, ainsi que de la réclamation préalable prévue à l'article 4.1.3 du protocole d'accord, c'est à tort que le tribunal a estimé
que la demande était recevable ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que M. C... pouvait prétendre
à une indemnisation sur le fondement de la loi du 29 décembre 1892 ;
- l'occupation temporaire des terrains exploités par M. C... avait pour objet
la réalisation d'opérations d'archéologie préventive durant les années culturales 2009-2010
et 2010-2011, en amont des travaux, ce qui n'entre pas dans le champ d'application
des préjudices d'allongement de parcours, de défiguration d'unités culturales et de rupture d'unité d'exploitation définis par le protocole d'accord ; au surplus, M. C... avait accès
aux parcelles exploitées, de sorte qu'il n'a pu subir ni un allongement de parcours, ni une rupture d'unité d'exploitation ; enfin, aucun préjudice n'a pu être subi après l'occupation temporaire puisque le concessionnaire Lisea a pris possession des terrains ; ainsi, c'est à tort que le tribunal a retenu des préjudices en lien avec les opérations d'archéologie préventive ;
- la production d'un procès-verbal non signé par SNCF Réseau n'est pas de nature
à établir l'occupation des parcelles Z 8 et ZW 27, lesquelles ne figuraient pas dans les conventions d'occupation temporaire ; l'allongement de parcours concernant la parcelle ZV 8, inférieur à 1 km par hectare, n'ouvrait pas droit à indemnisation en vertu de l'article 4.1 du protocole d'accord du 25 novembre 2009 ; les pièces produites par M. C... sont dépourvues
de valeur probante et ne permettent pas d'établir la réalité des préjudices ; M. C... a perçu
des indemnités pour solde de tout compte pour les parcelles C 276 et ZW 14 ;
- à titre subsidiaire, c'est à bon droit que le tribunal a réduit l'indemnisation à la somme de 6 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code du patrimoine ;
- la loi du 29 décembre 1892 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 17 juillet 2009, le préfet de la région Poitou-Charentes a prescrit
la réalisation d'un diagnostic archéologique sur une surface totale de 7 159 714 m2 constituant l'emprise de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique (LGV SEA), dont Réseau Ferré de France était maître d'ouvrage, sur le territoire de diverses communes des départements de la Charente, des Deux-Sèvres et de la Vienne. Parallèlement, Réseau ferré de France a conclu
le 25 novembre 2009 deux protocoles d'accord avec les organisations professionnelles agricoles et forestières (OPAF) en vue du règlement à l'amiable des dommages causés aux propriétés agricoles lors de la réalisation de la LGV SEA, l'un relatif aux occupations temporaires, l'autre aux conditions de réparation des dommages de travaux publics. M. C..., exploitant agricole sur le territoire de la commune de Rom (Deux-Sèvres), a conclu avec Réseau ferré de France, les 5, 18 et 25 mars 2010, sur le fondement du protocole d'occupation temporaire, quatre conventions d'occupation temporaire de parties des parcelles cadastrées C 276, ZK 17 et
ZW 14 pour une durée de douze mois, en vue de la réalisation des diagnostics d'archéologie préventive. La durée de cette occupation a été prolongée " pour l'année culturale 2010-2011 ", ainsi qu'il est indiqué dans un courrier du 7 mars 2011 de Réseau ferré de France à M. C.... Ces parties de parcelles, parmi d'autres formant une bande de terrain traversant l'exploitation de M. C..., ont fait l'objet d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique au bénéfice de la société Lisea, à laquelle Réseau ferré de France avait concédé la construction de la LGV SEA. Par deux jugements du 24 février 2012, le juge de l'expropriation des Deux-Sèvres a autorisé la société Lisea à prendre possession des terrains expropriés. Le 21 mars 2014,
M. C... a sollicité le versement d'une indemnité de 49 698,18 euros en réparation des préjudices d'allongement de parcours, de défiguration d'unités culturales et de rupture d'unité d'exploitation qu'il estimait avoir subis dans l'exercice de son activité agricole du fait
de l'occupation temporaire des parties de parcelles ultérieurement expropriées. En l'absence
de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande de condamnation de SNCF Réseau, venant aux droits de Réseau Ferré de France, à lui verser cette somme, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation. M. C... relève appel du jugement
du 12 décembre 2017 par lequel ce tribunal a limité à 6 000 euros l'indemnité due par SNCF Réseau. Par son appel incident, SNCF Réseau demande l'annulation du jugement et le rejet de la demande de M. C....
Sur la régularité du jugement :
2. Aucune disposition ne prévoit la nécessité d'une mention permettant de vérifier
que la composition de la juridiction était la même lors de l'audience et lors de la séance
de délibération de l'affaire. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'une telle mention
ne peut qu'être écarté.
3. Ainsi que le relève M. C..., le tribunal administratif a omis de se prononcer
sur sa demande tendant au versement d'intérêts sur les sommes allouées. Il y a lieu d'annuler
le jugement dans cette mesure, d'évoquer cette demande, et de statuer par la voie
de l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. SNCF Réseau fait valoir que les demandes de M. C... étaient irrecevables
faute d'avoir été précédées de la procédure préalable prévue par le protocole d'accord
du 25 novembre 2009. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1, deux protocoles ont été conclus à cette date entre Réseau Ferré de France et les OPAF. Celui relatif aux occupations temporaires, visé par les conventions d'occupation temporaire signées par M. C..., ne porte pas sur les préjudices d'allongement de parcours, de défiguration d'unités culturales et de rupture d'unité d'exploitation, dont l'indemnisation est prévue par le protocole relatif aux conditions
de réparation des dommages de travaux publics. Ce dernier, auquel les conventions d'occupation temporaire ne font pas référence, ne liait pas M. C.... Par suite, la fin de non-recevoir tirée
du non-respect de la procédure préalable prévue par l'un ou l'autre de ces protocoles
doit être écartée.
Sur le droit à indemnisation de M. C... :
5. Le second alinéa de l'article L. 531-10 du code du patrimoine dispose que " l'occupation temporaire pour exécution de fouilles donne lieu, pour le préjudice résultant de la privation momentanée de jouissance des terrains et, éventuellement, si les lieux ne peuvent être rétablis en leur état antérieur, pour le dommage causé à la surface du sol, à une indemnité dont le montant est fixé, à défaut d'accord amiable, conformément aux dispositions de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ". Aux termes de l'article 10 de la loi du 29 décembre 1892 : " Immédiatement après la fin de l'occupation temporaire des terrains et à la fin de chaque campagne, si les travaux doivent durer plusieurs années, la partie la plus diligente, à défaut d'accord amiable sur l'indemnité, saisit le tribunal administratif pour obtenir le règlement de cette indemnité conformément à la loi du 22 juillet 1889. " Aux termes de l'article 13 de la même loi : " Dans l'évaluation de l'indemnité, il doit être tenu compte tant du dommage fait à la surface que de la valeur des matériaux extraits. / (...). " Aux termes de l'article 14 de cette loi : " Si l'exécution des travaux doit procurer une augmentation de valeur immédiate et spéciale à la propriété, cette augmentation sera prise en considération dans l'évaluation du montant de l'indemnité. " Il résulte de ces dispositions que l'indemnité prévue par la loi du 29 décembre 1892 est due à raison des dommages occasionnés par les travaux publics aux terrains temporairement occupés. En l'espèce, la demande
de M. C... ne portait pas sur les dommages occasionnés aux terrains occupés, lesquels
ont été indemnisés, notamment en ce qui concerne les pertes de récoltes, sur le fondement
des conventions d'occupation temporaire, mais sur des préjudices d'allongement de parcours,
de défiguration d'unités culturales et de rupture d'unité d'exploitation résultant de la situation
de la bande de terrain occupée sur son exploitation agricole, caractérisant des contraintes
dans l'exercice de son activité sur les terrains inoccupés du fait des travaux publics en cause. Par suite, SNCF Réseau est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. C... tenait son droit à indemnisation des dispositions de la loi du 29 décembre 1892.
6. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage est responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution de travaux publics, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.
7. Il résulte de l'instruction que l'occupation temporaire pour les besoins de la réalisation des travaux publics de construction de la LGV SEA, même à l'occasion de travaux d'archéologie préventive pris en charge par son maître d'ouvrage, d'une bande de terrain traversant l'exploitation agricole de M. C..., a causé à ce dernier des contraintes dans l'exploitation de ses terres situées de part et d'autre de cette séparation. Le requérant, qui a la qualité de tiers par rapport à ces travaux, est fondé à demander l'indemnisation des préjudices correspondants. Toutefois, il ne peut utilement se prévaloir des modalités d'indemnisation prévues par le protocole sur les conditions de réparation des dommages de travaux publics conclu le 25 novembre 2009 entre Réseau Ferré de France et les OPAF, dès lors que sa demande ne s'inscrit pas dans le cadre de l'application de ce protocole. Il appartient au juge, qui n'est pas lié par la définition des préjudices ou les bases d'indemnisation retenues par Réseau ferré de France dans le cadre des procédures amiables engagées avec les exploitants agricoles, d'évaluer les préjudices subis par M. C... au regard des éléments dont il dispose.
En ce qui concerne les préjudices en lien avec les occupations temporaires autorisées par les conventions des 5, 18 et 25 mars 2010 :
8. Il résulte de l'instruction que l'occupation temporaire d'une partie des parcelles C 276, ZK 17 et ZW 14 a pris effet à compter de la signature des conventions les 5, 18 et 25 mars 2010, et s'est achevée le 24 février 2012, date des jugements autorisant la société Lisea à prendre possession des terres expropriées, soit une durée de près de deux ans. Les extraits de plans cadastraux produits par M. C..., situant ses terres exploitées avant et pendant l'occupation temporaire ainsi que le siège de son exploitation, et précisant les références des parcelles avant et après leur séparation par la bande de terrain occupée, sont suffisamment probants pour apprécier la nature des préjudices subis par l'exploitant. M. C... se prévaut d'allongements de parcours correspondant à la coupure d'une voie ou à une nouvelle configuration du parcellaire de l'exploitation contraignant l'exploitant à un parcours plus long, de défiguration d'unités culturales par la formation d'angles aigus ou de rétrécissements des terres exploitées, et de ruptures d'unité d'exploitation en raison de la scission d'un îlot cultural du reste de l'exploitation. Ces préjudices sont caractérisés pour la parcelle ZW 14, devenue ZW 107 et ZW 108, exploitée en 2010 en prairie temporaire et blé tendre, ainsi que pour la parcelle C 276, devenue C 953 et C 954, exploitée en colza, qui se sont trouvées séparées approximativement en leur milieu par la bande de terrain occupée provisoirement. La parcelle ZK 17 exploitée en blé tendre, coupée à une extrémité permettant de préserver, sur la partie devenue ZK 48, une superficie de 5 hectares 38 ares 8 centiares d'un seul tenant, a subi la formation d'un angle aigu et d'un rétrécissement, tandis que la partie devenue ZK 49 se trouve difficilement exploitable du fait de sa configuration et de sa superficie de 12 ares 89 centiares.
Il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices, caractérisant des difficultés d'exploitation des terres situées de part et d'autre de la bande de terrain occupée, si bien que SNCF Réseau ne peut utilement faire valoir que ces parcelles ou parties de parcelles n'auraient pas été elles-mêmes occupées, en fixant leur indemnisation à la somme globale de 6 000 euros. La circonstance que M. C... a été indemnisé pour d'autres préjudices pour lesquels il a signé des bulletins d'indemnisation pour solde de tout compte ne saurait faire obstacle à ce que ceux qui font l'objet de la présente instance, qui sont distincts, le soient également.
En ce qui concerne les préjudices en lien avec l'occupation d'autres parcelles :
9. Si les pièces produites par M. C... font référence à d'autres parcelles qui auraient subi, notamment, des défigurations d'unités culturales en raison de l'occupation provisoire d'une bande de terrain, aucun document n'établit la nature et les conditions d'une telle occupation, à l'exception d'un constat d'occupation temporaire des parcelles ZV 8 et ZW 27 daté du 5 mars 2010, non signé par le représentant de Réseau ferré de France, ayant pour objet un simple état des lieux dans le cadre des travaux de diagnostics d'archéologie préventive. Ce constat ne saurait suffire, en l'absence de convention, à établir la réalité d'une occupation temporaire d'une durée suffisante pour caractériser un préjudice de difficultés d'exploitation, alors au demeurant que l'exploitant désigné par ce document n'est pas M. C..., qui n'apparaît que comme le propriétaire des parcelles.
10. Il résulte de ce qui précède que l'appel incident de SNCF Réseau ne peut qu'être rejeté et que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a limité à 6 000 euros l'indemnité mise à la charge de SNCF Réseau.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
11. D'une part, lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, à défaut, à compter de la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif des conclusions tendant au versement de cette indemnité. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée, et pourvu qu'à cette date, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.
12. M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de l'article 9.1 du protocole
du 25 novembre 2009 relatif aux conditions de réparation des dommages de travaux publics, prévoyant la majoration de 5 % des intérêts au taux légal. Il a seulement droit aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui a été allouée à compter du 21 mars 2014, date de réception de sa demande préalable par la société Lisea. Il en a demandé la capitalisation dans sa requête enregistrée le 19 août 2015 au greffe du tribunal administratif de Poitiers. A cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts. Par suite, cette capitalisation est due à compter du 19 août 2015 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions présentées à cette fin par les parties doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1502081 du 12 décembre 2017 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur la demande de M. C... tendant au versement d'intérêts.
Article 2 : La somme de 6 000 euros que SNCF Réseau a été condamné à verser à M. C... portera intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2014. Les intérêts au taux légal échus
à la date du 19 août 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date,
seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'appel incident de SNCF Réseau est rejeté.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à l'établissement public SNCF Réseau.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme A... B..., présidente-assesseure,
M. Thierry Sorin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au préfet des Deux-Sèvres en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00590