Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions des 5 octobre 2017 et 31 janvier 2018 du directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) B. Lesgourgues prononçant, respectivement,
sa suspension pour une période de quatre mois et son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par un jugement n° 1702426, 1800673 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle du 31 janvier 2018, a enjoint à l'EHPAD B. Lesgourgues de procéder à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de M. C... à compter du 6 février 2018, a mis à la charge de l'EHPAD B. Lesgourgues une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
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Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 29 mars 2019 sous le n° 19BX01411, l'EHPAD B. Lesgourgues, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2019 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a annulé la décision de son directeur du 31 janvier 2018 portant licenciement pour insuffisance professionnelle de M. C... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Pau ;
3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- par un courrier du 21 octobre 2017, M. C... a été valablement informé de l'engagement d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; l'intégralité des pièces de son dossier lui a été communiquée lors de cet envoi ; l'ensemble des courriers
et l'arrêté en litige lui ont été adressés à l'adresse qu'il avait indiquée comme étant la sienne ;
M. C... a en outre pris connaissance de son dossier sur place, assisté par des délégués syndicaux ;
- la procédure de consultation de la commission administrative paritaire a été valablement effectuée ;
- la décision en litige a été compétemment signée par l'autorité de nomination ;
- la commission administrative paritaire a été saisie sur la base d'un rapport parfaitement circonstancié ;
- la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ne fait pas double emploi avec la procédure disciplinaire initialement engagée ; ces deux procédures ont des fondements juridiques distincts ;
- le requérant ne peut pas se prévaloir de l'autorité de la chose jugée par le jugement du 15 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions infligée à M. C..., s'agissant en l'espèce d'une décision distincte ;
- la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle est justifiée au fond ;
- la demande de M. C... tendant au versement de ses traitements durant la période d'éviction se heurte à la règle du service fait.
Par une ordonnance du 7 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée
au 28 janvier 2020 à 12 heures.
II. Par une requête enregistrée le 11 juillet 2019 sous le n° 19BX02910, l'EHPAD B. Lesgourgues, représenté par Me D..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement ° 1702426, 1800673 du 1er février 2019 du tribunal administratif de Pau et de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative.
Il soutient que ses moyens d'appel sont sérieux et qu'au regard de la situation d'impécuniosité de M. C..., il risque de perdre définitivement les sommes qui seraient versées à ce dernier.
Par un mémoire enregistré le 13 décembre 2019, M. C..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'EHPAD B. Lesgourgues d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision de licenciement est fondée sur une plainte pénale qui a été classée sans suite et sur l'exercice non prouvé d'un droit d'alerte par des agents de l'établissement, et que l'EHPAD refuse d'exécuter financièrement le jugement du tribunal administratif.
Par une ordonnance du 16 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 14 janvier 2020 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces des dossiers ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C..., aide médico-psychologique titulaire au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Bernard Lesgourgues, a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, la décision du 5 octobre 2017 du directeur de cet établissement prononçant sa suspension pour une période de quatre mois, d'autre part, la décision du 31 janvier 2018 par laquelle la même autorité l'a licencié pour insuffisance professionnelle. Par un jugement du 1er février 2019, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle du 31 janvier 2018, a mis à la
charge de l'EHPAD B. Lesgourgues une somme de 1 200 euros sur le fondement de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions
de M. C.... L'EHPAD B. Lesgourgues relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision de son directeur du 31 janvier 2018, et en sollicite le sursis à exécution.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 19BX01411
et 19BX02910 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer
par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 88 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Hormis le cas d'abandon de poste et le cas prévu
à l'article 62, les fonctionnaires ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle. Le fonctionnaire qui fait preuve d'insuffisance professionnelle peut soit être admis à faire valoir ses droits à la retraite, soit être licencié. La décision est prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire ". Aux termes de l'article 83 de la même loi : " Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis ". Aux termes de l'article premier du décret
du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion de ce conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut, devant le conseil de discipline, présenter des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ". Enfin, aux termes de l'article 6 de ce décret : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte en début de séance à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles
le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et du rapport mentionné à l'article 1er. Ce rapport et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance (...) ".
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a, sur sa demande présentée à la suite de la mesure de suspension prise à son encontre le 5 octobre 2017, été mis à même de consulter son dossier le 24 octobre suivant. Toutefois, alors que la commission administrative paritaire
a rendu dès le 23 octobre 2017 un avis favorable au licenciement pour insuffisance professionnelle de l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier que M.C... ait été informé de l'engagement d'une telle procédure et mis à même de consulter les pièces de son dossier, en particulier le rapport de saisine de la commission administrative paritaire. Si l'EHPAD B. Lesgourgues fait valoir qu'il a informé l'intéressé de l'engagement d'une telle procédure par courrier du 21 octobre 2017, le courrier qu'il produit à l'appui de cette affirmation, non seulement mentionne que la commission administrative paritaire a déjà été consultée, mais encore est daté du 24 janvier 2018, et l'avis de réception postal correspondant indique que le pli comportant ce courrier a été déposé le 25 janvier 2018, présenté le 26 janvier 2018 et retourné à l'établissement faute d'avoir été réclamé. Dans ces conditions, M. C... a été effectivement privé de la garantie, résultant des dispositions citées au point 3, de recevoir communication intégrale de son dossier et, notamment, du rapport justifiant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. Par suite, et comme l'a estimé le tribunal administratif, la décision du 31 janvier 2018 par laquelle le directeur de l'EHPAD B. Lesgourgues a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle est intervenue selon une procédure irrégulière.
6. Par ailleurs, et ainsi que l'a jugé le tribunal, l'annulation de cette décision pour irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle elle a été prise, implique nécessairement la réintégration juridique de M. C... à la date de l'éviction ainsi que la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux.
7. Il résulte de ce qui précède que l'EHPAD B. Lesgourgues n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision de son directeur du 31 janvier 2018 et lui a enjoint les mesures mentionnées au point 6, lesquelles n'impliquent nullement le versement à M. C... du traitement dont il a été privé depuis son éviction.
Sur les conclusions à fin de de sursis exécution :
8. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de l'EHPAD B. Lesgourgues,
ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement ont perdu leur objet.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EHPAD B. Lesgourgues enregistrée sous le n° 19BX01411 est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de l'EHPAD B. Lesgourgues enregistrée
sous le n° 19BX02910.
Article 3 : Les conclusions de M. C... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bernard Lesgourgues.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01411,19BX02910