Vu la procédure suivante :
I. - Sous le n° 18BX02537, par une requête, enregistrée le 26 juin 2018, et des mémoires, enregistrés les 13 mai et 21 août 2019, la commune de Muret, représentée par la Selarl DL avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler l'avis émis par la Commission nationale d'aménagement commercial le 29 mars 2018 sur le projet de la société Porte des Pyrénées ;
2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder à une nouvelle instruction de la demande dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'État et des sociétés Urblet, Paibeul et Mursud, solidairement, une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'avis est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- l'avis est entaché d'un vice de procédure qui affecte la compétence de la Commission nationale d'aménagement commercial et a eu une incidence sur le sens de son avis dès lors qu'elle était irrégulièrement composée à la date de la délibération ;
- le motif de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial tiré de la localisation du projet est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'il ne se rattache à aucune des critères mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, et d'erreurs de fait ;
- le motif de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial tiré de l'effet négatif du projet sur l'animation de la vie urbaine est entaché d'erreur de droit, dès lors que le respect de ce critère n'impose pas que le projet soit situé en centre-ville, que la circonstance que la commune connaisse un taux de vacance commerciale de 21 % et ait bénéficié de subventions du Fisac ne peuvent caractériser en eux-mêmes un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine, d'erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où le projet porte sur une offre commerciale diversifiée et conçue pour être complémentaire avec l'activité commerciale du centre-ville, et d'erreur de fait, dès lors que le projet n'est pas " éloigné des lieux de vie " ;
- le motif de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial tiré de l'incertitude affectant la réalisation du projet d'aménagement routier nécessaire au projet est entaché d'erreur d'appréciation ;
- en estimant que le projet portait atteinte aux exigences de l'aménagement du territoire au regard du critère de consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'erreur d'appréciation ;
- en estimant que le projet portait atteinte à l'objectif de développement durable au regard du critère de l'insertion architecturale et paysagère du projet, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'erreur d'appréciation ;
- les sociétés Mursud, Paibeul et Urblet sont irrecevables à demander qu'il soit procédé à une substitution de motifs ; en outre, le projet litigieux est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de la grande agglomération toulousaine.
Le 20 août 2018 et le 5 octobre 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial a transmis à la cour les pièces du dossier d'instruction de la demande de la société Porte des Pyrénées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 janvier et 16 juillet 2019, les sociétés par actions simplifiées Mursud, Paibeul et Urblet, représentées par Me C..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de la somme de 9 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le maire de Muret ne justifie pas de sa qualité pour agir ;
- la requête de la commune et l'intervention volontaire de la société pétitionnaire sont irrecevables dès lors que l'avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial constitue un acte préparatoire insusceptible de recours ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La société Porte des Pyrénées, représentée par la Selas Wilhelm et associés, à qui la procédure a été communiquée par la cour, a présenté des observations par des mémoires enregistrés les 13 mai et 22 août 2019.
II. - Sous n° 18BX02544, par une requête enregistrée le 27 juin 2018 et des mémoires complémentaires enregistrés les 13 mai 2019 et le 22 août 2019, la société Porte des Pyrénées, société civile immobilière, représentée par la Selas Wilhelm et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le maire de Muret a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la construction d'un ensemble commercial au sein de la ZAC Porte des Pyrénées d'une surface de vente totale de 25 295 mètres carrés ;
2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) d'enjoindre, le cas échéant, au maire de Muret de réexaminer, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, cette demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, laquelle devra à nouveau être soumise pour avis, à la commission nationale d'aménagement commercial ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 29 mars 2018 est entaché d'un vice de procédure au regard du principe d'impartialité ;
- il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont satisfait aux obligations de dépôt des déclarations prévues au 6° du I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
- l'avis est entaché d'un vice de procédure qui affecte la compétence de la Commission nationale d'aménagement commercial et a eu une incidence sur le sens de son avis dès lors qu'elle était irrégulièrement composée à la date de la délibération ;
- en se fondant sur la distance du projet par rapport au centre-ville pour estimer que le projet aurait un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'erreur de droit ;
- le motif de refus de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial tiré des caractéristiques du site d'implantation, de sa localisation sur des terrains agricoles et de ce qu'il ne serait pas cohérent avec les perspectives d'urbanisation de la commune de Muret est entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation ;
- le motif de refus de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial tiré de l'effet négatif du projet sur l'animation de la vie urbaine est entaché d'erreur de droit, dès lors que la circonstance que la commune connaisse un taux de vacance commerciale de 21 % et ait bénéficié de subventions du Fisac ne peut caractériser en elle-même un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine, d'erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où le projet porte sur une offre commerciale diversifiée et conçue pour être complémentaire avec l'activité commerciale du centre-ville, et d'erreur de fait, dès lors que le projet n'est pas " éloigné des lieux de vie " et que le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale de la grande agglomération toulousaine ;
- la Commission nationale d'aménagement commercial a encore entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation en estimant que le caractère certain des travaux nécessaires à la desserte du projet n'était pas assuré ;
- le motif de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial tiré de ce que le projet ferait preuve de peu d'efforts en termes de compacité est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;
- le motif de refus de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial tiré de l'insertion architecturale et paysagère du projet est entaché d'erreur d'appréciation.
Le 20 août 2018 et le 5 octobre 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial a transmis à la cour les pièces du dossier d'instruction de la demande de la SCI Porte des Pyrénées.
Par des mémoires, enregistrés les 14 janvier et 16 juillet 2019, les sociétés Mursud, Paibeul et Urblet, représentées par Me C..., concluent au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux invoqués dans la requête n° 18BX02537 et à ce que soit mise à la charge de la société Porte des Pyrénées une somme de 9 000 euros en en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la société Porte des Pyrénées et les observations de Me C..., représentant les sociétés Mursud, Paibeul et Urblet.
Considérant ce qui suit :
1. La société Porte des Pyrénées a déposé, le 27 octobre 2017, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création, au sein de la ZAC Porte des Pyrénées sur le territoire de la commune de Muret (Haute-Garonne), d'un ensemble commercial d'une surface totale de vente de 25 295 mètres carrés comprenant un hypermarché à dominante alimentaire de 6 000 mètres carrés, un magasin de bricolage de 1 952 mètres carrés, une jardinerie de 2 627 mètres carrés, deux moyennes surfaces spécialisées dans la culture, les loisirs et le sport de 1 659 mètres carrés et 1 083 mètres carrés, trois moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement de la maison de 2 585, 1 337 et 732 mètres carrés, deux moyennes surfaces non spécialisées et non alimentaires de 2 432 et 998 mètres carrés, une moyenne surface spécialisée dans l'équipement de la personne de 581 mètres carrés, quatre moyennes surfaces spécialisées, non alimentaires, une galerie marchande comprenant douze boutiques d'une surface de vente totale de 1 959 mètres carrés et la création d'un point permanent de retrait comptant six pistes de ravitaillement et 1 118 mètres carrés d'emprise au sol affectés au retrait des marchandises. Le 30 novembre 2017, la commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Garonne a donné un avis favorable au projet. Les sociétés Urblet, Paibeul et Mursud, Christal ainsi que Pépinières des Tropiques ont formé un recours contre cet avis de la commission départementale d'aménagement commercial et la Commission nationale d'aménagement commercial s'est saisie du projet le 18 janvier 2018 en application de l'article L. 752-17 du code de commerce. Le 29 mars 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial a admis ces recours et émis un avis défavorable au projet. Par un arrêté du 3 mai 2018, le maire de Muret a refusé de délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale correspondant. Sous le n° 18BX02537, la commune de Muret demande à la cour d'annuler l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 29 mars 2018. Sous le n° 18BX02544, la société Porte des Pyrénées demande à la cour d'annuler l'arrêté du 3 mai 2018 du maire de Muret portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Ces requêtes concernent le même projet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur les fins de non-recevoir opposées par les sociétés Mursud, Paibeul et Urblet :
2. Aux termes de l'article L. 4254 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la commission nationale d'aménagement commercial (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial est défavorable, le permis de construire ne peut être délivré. Dès lors, un tel avis, qui limite le pouvoir de décision du maire, fait grief à la commune et est, par suite, susceptible d'être déféré par elle au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir.
4. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 17 avril 2014, le conseil municipal de Muret a notamment chargé le maire, pour la durée de son mandat, d'intenter au nom de la commune toutes les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle. Cet acte a été transmis au contrôle de légalité de la préfecture de la Haute-Garonne qui en a accusé réception le 25 avril 2014 et a été affiché en mairie à compter du
24 avril 2014. Par suite, les fins de non-recevoir opposées en défense à la requête de la commune doivent être écartées.
5. Dans l'instance n° 18BX02537, la société Porte des Pyrénées, à laquelle la cour a transmis la requête de la commune de Muret et qui n'aurait pas qualité pour faire tierce opposition, a la qualité d'observateur. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de son intervention volontaire dans cette instance doit être écartée.
Sur la légalité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 29 mars 2018 et de l'arrêté du 3 mai 2018 portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale :
6. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752 6 du code de commerce.
8. En premier lieu et d'une part, si le terrain d'assiette du projet est distant de 3,7 kilomètres de l'hypercentre de la commune de Muret, il se situe le long de l'avenue des Pyrénées, voie structurante de la commune, à proximité d'une zone d'activité économique existante à l'ouest, à 800 mètres au sud des premières habitations de la commune, et s'insère dans un secteur destiné à accueillir un pôle commercial d'attraction supra communale situé au sein d'une importante zone d'aménagement concerté, dénommée " Porte des Pyrénées ", conformément aux dispositions du projet d'aménagement et de développement durables et du règlement du plan local d'urbanisme applicable et en cohérence avec les orientations du schéma de cohérence de la grande agglomération toulousaine, lequel classe la commune en tant que " centralité sectorielle " de niveau 3 pouvant accueillir 50 000 m² de surface commerciale. Ce projet de ZAC prévoit de réaliser la continuité du projet avec le tissu urbain bâti du centre et doit comporter notamment un nouveau quartier résidentiel mixte comprenant un collège d'une capacité d'accueil de 700 élèves et 400 logements dans le quartier Bellefontaine, situé à proximité et au nord du terrain d'assiette. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet permettra de limiter une évasion commerciale importante vers les pôles de Roques et de Portet-sur-Garonne, évaluée à 33 % pour le secteur alimentaire et à 73 % pour le secteur non alimentaire, due notamment à la faiblesse de l'offre commerciale du centre bourg en matière d'équipement de la personne et de la maison et de loisirs, dans un contexte de forte progression démographique à la fois de la zone de chalandise, de près de 36 % entre 1999 et 2015, et de la commune, de 22 % sur la même période. Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que la commune de Muret connaît un taux de vacance commerciale élevé de 21 %, la société Porte des Pyrénées produit une étude non sérieusement contestée établissant que ce taux de vacance affecte pour un tiers les activités de service ou de restauration, non concernées par le projet, et résulte moins du jeu de la concurrence que de la vétusté des locaux commerciaux du centre-ville, de l'inadéquation de leur taille et des difficultés de stationnement sur la commune. En outre, la société porteuse du projet a conclu avec la commune une convention de partenariat ayant pour objet de limiter l'impact du projet sur l'offre commerciale du centre bourg, par laquelle elle s'engage notamment à favoriser l'installation d'opérateurs locaux souhaitant ouvrir un deuxième point de vente et à participer au financement d'actions marketing et de fidélisation au bénéfice des opérateurs du centre bourg. Enfin, la circonstance que la commune de Muret ait bénéficié d'une subvention au titre du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce en 2017 n'est pas en elle-même de nature à établir l'existence d'un impact négatif du projet sur ces commerces. Par suite, en se fondant, pour émettre un avis défavorable au projet, sur le motif tiré de ce qu'il porterait atteinte à l'animation de la vie urbaine, la Commission nationale de l'aménagement commercial a entaché son avis d'une erreur d'appréciation.
9. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que le maintien d'un niveau de service satisfaisant sur les voies de dessertes du projet, notamment le giratoire desservant l'avenue des Pyrénées et les bretelles d'accès et de sortie de l'autoroute A 64, nécessite, outre les aménagements prévus dans la cadre de la réalisation de la ZAC " Porte des Pyrénées ", l'élargissement de la sortie et de l'entrée de l'avenue des Pyrénées sur le giratoire à 2 voies et l'élargissement de l'anneau central de ce giratoire. A la date à laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial s'est prononcée, figuraient au dossier de demande un courrier du 17 novembre 2017 émanant du directeur de la voirie et des infrastructures du département de la Haute-Garonne, agissant par délégation du président du conseil départemental, une délibération du conseil de la communauté d'agglomération du Muretain du 13 mars 2018 approuvant le projet de convention de délégation de maîtrise d'ouvrage par le département des études et travaux nécessaires, ainsi que l'avis de la direction interdépartementale des routes du sud-ouest. Le courrier du 17 novembre 2017 prenait acte de ce que la communauté d'agglomération s'engageait à financer et réaliser les aménagements projetés et y émettait un avis favorable, le projet de convention approuvé par la délibération du 13 mars 2018 prévoyait le financement de l'ensemble des travaux par la communauté d'agglomération ainsi que la rétrocession ultérieure des ouvrages au département, et l'avis de la direction interdépartementale des routes du sud-ouest était favorable sous réserve d'un réexamen des modalités de réalisation de l'élargissement de l'anneau central du giratoire. Alors même que les conventions de délégation de maîtrise d'ouvrage avec le département et l'Etat n'avaient pas encore été signées, ces différents éléments permettaient d'établir les modalités de financement des travaux et attestaient de la volonté de la communauté d'agglomération de les faire réaliser au plus vite ainsi que de l'accord de principe du département et des services de l'État. Par suite, en estimant que la réalisation des aménagements routiers nécessaires à la réalisation du centre commercial n'était pas suffisamment certaine, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment, de style contemporain, d'une hauteur de façade de 8,50 mètres et comportant une façade principale constituée d'un mur rideau formé de produits verriers et de panneaux opaques surmontée d'un bardage en métal, se trouve à proximité de deux voies de grande circulation, l'autoroute A64 et l'avenue des Pyrénées, et s'insère dans un environnement de type rural sans qualité particulière, hormis la présence à plusieurs centaines de mètres à l'est du château de Cadeillac, laquelle a précisément motivé l'aménagement sur le terrain d'un " cône de vue " afin d'en préserver la perspective. Par ailleurs, le projet a été conçu de manière à en limiter l'impact visuel, notamment depuis l'avenue des Pyrénées, par le maintien d'une marge de recul et l'implantation de haies bocagères le long de celle-ci, la mise en place d'espaces verts sur 54 710 mètres carrés, soit 39 % du foncier, et la plantation de 372 arbres en plus de ceux maintenus sur la parcelle. Au regard de ces éléments, en se fondant sur la faible qualité architecturale du projet pour émettre un avis défavorable, la Commission nationale a entaché son avis d'erreur d'appréciation.
11. En quatrième lieu et d'une part, si le projet prévoit l'aménagement d'un parc de stationnement de plain-pied de 1 105 places, il ressort du rapport d'instruction du dossier de la Commission nationale d'aménagement commercial que le projet générera une moyenne d'environ 7 000 véhicules par jour, dont 760 à l'heure de pointe du vendredi et 990 véhicules à l'heure de pointe du samedi, que ces emplacements doivent accueillir une partie de la clientèle de la salle de spectacle et du centre de loisirs prévus à proximité et dont les stationnements ont été dimensionnés en conséquence, et que 520 places, soit 47 % du total seront traitées de façon perméabilisée. D'autre part, si la surface de plancher des bâtiments représente 32 858 mètres carrés, ce motif ne permet pas à lui seul de caractériser une méconnaissance de l'objectif d'aménagement du territoire, alors que le projet se réalise, ainsi qu'il a été dit, au sein d'une ZAC identifiée par le SCoT comme susceptible d'accueillir une offre commerciale de 50 000 mètres carrés de surface de vente, que l'emprise au sol des constructions proprement dites reste limitée à 24,5 % de l'emprise foncière, que les espaces verts représenteront 39 % du foncier et qu'il ressort des pièces du dossier que la forme unifiée et jointive du complexe immobilier a été imposée afin de diminuer l'effet visuel du front bâti depuis l'avenue des Pyrénées.
12. Si, enfin, les sociétés Urblet, Paibeul et Mursud font valoir en défense qu'un autre motif, tiré de l'incompatibilité du projet avec le SCoT de la Grande agglomération toulousaine, que ceux retenus par la commission nationale justifie la décision attaquée, une telle substitution de motif ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'autorité administrative ayant pris cette décision, laquelle s'est abstenue de produire en défense.
13. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation des actes attaqués.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Muret est fondée à soutenir que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 29 mars 2018 est entaché d'illégalité. De même, la société Porte des Pyrénées est fondée à soutenir que l'arrêté du 3 mai 2018 portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale est également entaché d'illégalité.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Aux termes de l'article L. 9112 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
16. Le présent arrêt implique nécessairement que le maire de la commune de Muret statue à nouveau sur la demande de permis de construire de la SCI Porte des Pyrénées, après un nouvel examen par la Commission nationale d'aménagement commercial, laquelle se trouve à nouveau saisie de ce dossier. Il y a lieu d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder à ce réexamen dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Muret dans l'instance n° 18BX02357 et de la société Porte des Pyrénées dans l'instance n° 18BX02544, qui ne sont pas les parties perdantes, les sommes réclamées par les sociétés Urblet, Paibeul, et Mursud au titre des frais exposés par elles dans chacune de ces instances et qui ne sont pas compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font obstacle, dans l'instance n° 18BX02544, à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas partie à l'instance, la somme réclamée au même titre par la société Porte des Pyrénées.
18. La société Porte des Pyrénées n'ayant pas la qualité de partie au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 18BX02357, les conclusions présentées par elle à ce titre dans cette instance doivent être rejetées.
19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des sociétés Urblet Paibeul et Mursud, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme demandée par la commune de Muret au titre des frais exposés par elle dans l'instance n° 18BX02537 et non compris dans les dépens. Il y a lieu dans cette même instance de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Muret à ce titre.
DECIDE :
Article 1er : L'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 29 mars 2018 et l'arrêté du maire de Muret du 3 mai 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Muret de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire présentée par la SCI Porte des Pyrénées après réexamen de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale par la Commission nationale d'aménagement commercial, laquelle devra rendre un nouvel avis dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera une somme de 1 500 euros à la commune de Muret au titre des frais exposés et non compris dans les dépens dans l'instance n° 18BX02537.
Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Muret, à la société civile immobilière Porte des Pyrénées, aux sociétés par actions simplifiées Urblet, Paibeul et Mursud, aux sociétés à responsabilité limitée Christal et Pépinières des Tropiques et au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial).
Délibéré après l'audience du 28 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Salvi, président,
M. A... B..., premier conseiller,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2020.
Le président,
Didier Salvi
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18BX02537,18BX02544