Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme M... B... A..., M. C... F..., Mme L... F..., M. D... I... et Mme N...-M... B... A... ont demandé au tribunal administratif de Cayenne de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon à leur verser diverses indemnités en réparation du préjudice causé par le décès de l'enfant E... H... le 27 mai 2005 dans le service de réanimation, à la suite d'un choc septique.
Par un jugement n° 1201248 du 12 novembre 2013, le tribunal administratif de Cayenne a condamné le centre hospitalier Andrée Rosemon à verser à Mme M... B... A..., mère de l'enfant, et à Mme N...-M... B... A..., sa tante, les sommes respectives de 27 303 euros et 4 000 euros, majorées des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2010, capitalisés au 16 avril 2013, et a rejeté le surplus des conclusions présentées devant lui.
Par un arrêt n° 14BX00011 du 7 avril 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a d'une part, porté l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier Andrée Rosemon au bénéfice de Mme M... B... A... à la somme de 28 303 euros, majorée des intérêts échus au 16 avril 2013 capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, d'autre part réformé le jugement en tant qu'il avait accordé à la tante de l'enfant l'indemnisation d'un préjudice moral, et rejeté le surplus des demandes des parties.
Par une décision du 23 décembre 2016, le Conseil d'État n'a pas admis le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt n° 14BX00011 de la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Procédure devant la cour :
Par lettre du 20 septembre 2017, Mme B... A... a demandé à la cour l'ouverture d'une procédure en exécution de l'arrêt n° 14BX00011.
Par une ordonnance du 10 avril 2018, la présidente de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle à l'effet d'assurer si nécessaire l'exécution de l'arrêt susvisé.
Par des mémoires, enregistrés le 16 juin 2018, les 10 et 29 octobre 2019, le 4 février 2020, et le 10 février 2020, Mme M... B... A..., M. C... F..., Mme L... F..., M. D... I... et Mme N...-M... B... A... demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de condamner le centre hospitalier (CH) Andrée Rosemon à leur verser la somme de 5 832,17 euros au titre des intérêts dus, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ;
2°) de mettre à la charge du CH une somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- le centre hospitalier restait devoir à Mme M... B... A... les sommes de 5 000,06 euros outre les intérêts et 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, et à Mme N...-M... B... A... une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, qu'il n'a réglés qu'en janvier 2020 après plus de sept ans ;
- les sommes restées dues après un premier règlement par l'assureur doivent être majorées de l'intérêt au taux légal majoré de cinq points en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;
- une réorganisation interne ne saurait justifier un retard de paiement de près de six ans ;
- le calcul d'intérêts est erroné car le centre hospitalier s'est permis d'arrondir la somme principale à 5 000 euros et a omis les intérêts du 1er janvier au 6 avril 2016. Le total dû au titre des intérêts s'élève à 5 832,17 euros.
Par des mémoires, enregistrés les 15 novembre 2018 et 28 janvier 2020, le CH Andrée Rosemon conclut au non-lieu sur le versement des sommes principales et les frais irrépétibles, à la fixation des intérêts dus au montant de 3 749,10 euros, à la limitation à 800 euros du montant alloué au titre des frais irrépétibles, et au rejet de la demande d'astreinte.
Il soutient que :
- après compensation non contestée par les requérants et règlement du principal, seuls demeurent en cause les calculs des intérêts, qui doivent être limités à la somme de 3 749,10 euros arrêtée au 28 janvier 2020, date de paiement du principal ;
- la cour ayant réformé le jugement du tribunal administratif qui l'avait condamné à payer 4 000 euros et 1 000 euros de frais irrépétibles à Mme N...-M... B... A..., le solde dû à Mme M... B... A... pour l'exécution du jugement était ramené par compensation à 5000,06 euros et les intérêts n'ont pu courir sur 9 000,06 euros ;
- le jugement n'avait pas prévu que les intérêts courraient sur les sommes allouées au titre des frais irrépétibles ;
- la demande d'astreinte n'est pas justifiée alors que son assureur a réglé la plus large part de la condamnation et qu'une réorganisation interne l'avait empêché de s'acquitter du surplus correspondant à la franchise ;
- la demande au titre des frais irrépétibles, qui ne saurait compenser la réformation prononcée par l'arrêt du 7 avril 2016, devra être ramenée à de plus justes proportions, soit 800 euros.
Par ordonnance du 3 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mars 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Catherine Girault,
- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me Menuel, avocat, représentant le CH Andrée Rosemon.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt définitif, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution (...). Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. (...) ". Aux termes de l'article R. 921-6 du même code : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. (...) Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet ".
2. Par un jugement du 12 novembre 2013, le tribunal administratif de Cayenne a retenu deux fautes médicales et une faute d'organisation du service au sein de l'hôpital Andrée Rosemon, de nature à faire perdre à l'enfant E... H... 80 % de chances de survivre à la maladie dont il était atteint, qui n'avait pas été correctement diagnostiquée et traitée. Il a alloué à sa mère Mme M... B... A... une somme de 27 303 euros au titre de l'ensemble de ses préjudices résultant du décès de l'enfant le 27 mai 2005, et à sa tante Mme N...-M... B... A... une somme de 4 000 euros au titre de son préjudice d'affection, majorées des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2010, date de réception de la demande préalable indemnitaire, avec capitalisation au 16 avril 2013. Il a en outre condamné le centre hospitalier à verser à chacune des bénéficiaires de ces condamnations une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il a enfin rejeté le surplus de leurs conclusions et l'ensemble des conclusions de M. I..., ex-mari de Mme B... A..., et de M et Mme F..., oncle et tante du jeune E..., au titre de préjudices d'affection.
3. Par un arrêt n° 14BX00011 du 7 avril 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que c'était à tort que le tribunal a estimé " au motif de la seule circonstance, au demeurant non établie, que Mme N...-M... B... A... aurait cohabité avec son neveu, qu'il était justifié de l'existence entre eux de liens affectifs particulièrement intenses de nature à lui ouvrir droit à indemnisation au titre d'un préjudice moral " , et a donc réformé le jugement en tant qu'il avait accueilli cette demande, et confirmé le surplus du jugement en ajoutant la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle depuis le 16 avril 2013.
4. M. I... et M. et Mme F... ne s'étant vus allouer aucune somme par l'arrêt dont l'exécution est demandée, les conclusions présentées doivent être regardées comme celles de Mmes B... A... exclusivement.
Sur le règlement de la dette :
5. Il résulte de l'instruction que l'assureur du centre hospitalier a réglé le 17 décembre 2013 une somme de 19 615,42 euros à Mme M... B... A..., comprenant 312,48 euros au titre des intérêts, et une somme de 4 046,77 euros à Mme N...-M... B... A..., comprenant 46,77 euros au titre des intérêts. Le centre hospitalier a estimé qu'il y avait lieu de compenser la somme principale restant due à Mme M... B... A..., qui s'élevait à 9 000,06 euros après revalorisation par la cour de l'indemnité, avec la somme en principal indument versée à Mme N...-M... B... A... de 4 000 euros, laissant un solde dû de 5 000,06 euros, qu'il a finalement réglé le 28 janvier 2020 à hauteur de 5 000 euros. Mme B... A... ne conteste ni la compensation, ni l'effectivité du règlement. Le centre hospitalier a en outre versé les 2 000 euros que le tribunal avait alloués aux deux bénéficiaires du jugement, alors que la réformation par la cour de la condamnation au bénéfice de Mme N...-M... B... A... n'avait pas supprimé expressément l'allocation de frais irrépétibles à son profit.
6. Le centre hospitalier reconnaît ne pas s'être acquitté de l'intégralité des sommes dues mais conteste les calculs d'intérêts proposés par les requérantes. Il appartient à la cour de se prononcer sur l'application intégrale de l'arrêt nonobstant les demandes des parties, qui portent toutes sur des méthodes de calcul erronées.
7. L'article L. 313-3 du code monétaire et financier dispose : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. (...) Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant. " L'article L. 11 du code de justice administrative prévoit que les jugements sont exécutoires, ce qui implique que l'appel n'est pas suspensif d'exécution, sauf s'il en est ordonné autrement, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.
8. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis, en application des dispositions précitées, au taux majoré s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification. En application de l'article 1343-1 du code civil, tout paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts.
9. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal a été notifié au centre hospitalier de Cayenne le 12 novembre 2013, et que celui-ci ne conteste pas n'avoir pas assuré entièrement l'exécution à la date du 13 janvier 2014, à laquelle ont donc commencé à courir des intérêts moratoires au taux majoré.
10. L'indemnité due à Mme M... B... A... ayant été portée à 28 303 euros par l'arrêt de la cour du 7 avril 2016, qui a effet rétroactif, les intérêts doivent d'abord être calculés au taux de l'intérêt légal sur cette somme pour la période du 23 décembre 2010, date de réception de la demande préalable, jusqu'à la capitalisation du 16 avril 2013, soit une somme de 316,88 euros. La nouvelle dette de 28 619,88 euros portera ensuite intérêts du 17 avril 2013 jusqu'au paiement partiel par l'assureur du centre hospitalier le 17 décembre 2013, soit 7,68 euros. A la somme de 28 627,56 euros doivent être ajoutées les indemnités de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, qui sont productrices d'intérêts sans que le tribunal ait besoin de l'ordonner, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, et conformément aux principes rappelés au point 7, ce qui portait la dette en décembre 2013 à 30 627,56 euros.
11. Le paiement partiel intervenu le 17 décembre 2013 à hauteur de 19 615,42 euros à Mme M... B... A... s'impute d'abord sur les intérêts. En outre, Mme B... A... a accepté que la somme versée à Mme N...-M... B... A..., et devenue indue à la suite de l'arrêt de la cour, s'impute également sur la somme lui restant due. Le solde restant dû en capital après imputation de tous les intérêts et des 4000 euros ainsi compensés s'établit à 7 012,14 euros. Les intérêts sur ce solde seront calculés, toujours au taux de l'intérêt légal, jusqu'au 13 janvier 2014, puis au taux majoré de cinq points, soit 5,04% du 14 janvier au 16 avril 2014.
12. Les intérêts courus depuis la précédente capitalisation seront à nouveau capitalisés au 16 avril 2014, et courront au taux de l'intérêt légal majoré de cinq points sur l'ensemble de la nouvelle dette jusqu'au 1er janvier 2015, date à laquelle le taux de l'intérêt légal devient différent lorsque le créancier est un particulier, puis à ce nouveau taux majoré de cinq points jusqu'à la capitalisation suivante le 16 avril 2015. Il en ira de même jusqu'aux capitalisations suivantes au 16 avril 2016, 2017, 2018, et 2019.
13. Le paiement partiel intervenu au 28 janvier 2020 sera imputé en priorité sur les intérêts échus à cette date, et le solde impayé constituera à compter du 28 janvier 2020 une nouvelle créance, sur laquelle les intérêts courront jusqu'au jour du paiement.
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au Centre hospitalier de Cayenne de verser à Mme B... A... les sommes calculées selon les principes fixés aux points précédents dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu de prononcer l'astreinte demandée par Mme B... A.... En revanche, il y a lieu de mettre à la
charge du centre hospitalier Andrée Rosemon à son profit une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'exécution de l'arrêt n° 14BX00011 à hauteur des versements partiels intervenus en cours d'instance.
Article 2 : Le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne règlera le solde de sa dette à l'égard de Mmes B... A... selon les principes fixés aux points 8 à 13 du présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier Andrée Rosemon versera à Mme M... B... A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M... B... A..., à Mme N...-M... B... A..., à M. D... I..., à M et Mme F... et au centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
M. Thierry Sorin, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 30 juin 2019.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX01261 2