Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme A... F... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers, par deux requêtes distinctes, d'annuler les arrêtés du 3 décembre 2019 par lesquels le préfet de la Charente leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par deux jugement n° 1903119 et n° 1903118 du 27 janvier 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté ces demandes.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 17 février 2020, Mme F..., représentée par la SCPA Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en date du 27 janvier 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente en date du 3 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de droit en exigeant un visa ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est mariée et vit avec ses trois enfants dont l'aîné est scolarisé et bénéficie d'un accompagnement en raison de son handicap ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnait les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine où encourt des risques sur lesquels elle dispose d'éléments nouveaux.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2020, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.
II - Par une requête enregistrée le 17 février 2020, M. E..., représenté par la SCPA Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en date du 27 janvier 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente en date du 3 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de droit en exigeant un visa ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est marié et vit avec ses trois enfants dont l'aîné est scolarisé et bénéficie d'un accompagnement en raison de son handicap ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnait les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine où encourt des risques sur lesquels il dispose d'éléments nouveaux.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2020, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2020.
Vu les autres pièces des dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention signée à New York le 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... et Mme F..., de nationalité géorgienne, nés respectivement 27 avril 1989 et 25 décembre 1986, sont entrés en France le 29 janvier 2019, accompagnés de leurs deux enfants. Par arrêtés en date du 3 décembre 2019 le préfet de la Charente leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par la requête n° 20BX00561, M. E... relève appel du jugement du 27 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente du 3 décembre 2019 le concernant. Par la requête n° 20BX00555, Mme F... relève appel du jugement de la même date par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente du 3 décembre 2019 la concernant. Ces deux requêtes présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité des jugements attaqués :
2. M. E... et Mme F... soutiennent les jugements attaqués ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet de la Charente avait commis une erreur de droit en indiquant dans la motivation des arrêtés attaqués que les requérants étaient entrés sans visas et s'étaient maintenus sur le territoire français sans les visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a écarté, au point 8 des jugements attaqués, les moyens tirés du défaut de motivations des décisions portant obligation de quitter le territoire et du défaut d'examen de la situation personnelle des requérants. Ce faisant, le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués, a suffisamment motivé ses décisions et n'a donc pas entaché son jugement d'une omission à statuer ou d'un défaut de motivation.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne les arrêtés pris dans leur ensemble :
3. En premier lieu, M. E... et Mme F... reprennent en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que les arrêtés contestés auraient été pris par une autorité incompétente. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne les décisions portant obligations de quitter le territoire français :
4. En deuxième lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire contestées visent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8 ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels elles se fondent. Par ailleurs, ces décisions mentionnent les conditions d'entrée et de séjour de M. E... et Mme F..., les éléments relatifs à leurs situations personnelles, et notamment la présence de leurs trois enfants âgés respectivement de cinq ans, deux ans et trois mois. Enfin, ces décisions relèvent que les demandes d'asiles présentées par les requérants ont fait l'objet de décisions de refus de la part l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), statuant en procédure accélérée, en date du 10 octobre 2019. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé ses décisions portant obligation de quitter le territoire français.
5. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes des arrêtés contestés, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet se serait cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation des intéressés pour prendre les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le préfet pouvait sans commettre d'erreur de droit relever dans son arrêté que M. E... et Mme F... étaient entrés en France " par oblitération " de leur passeport et, qu'en tout état de cause, ils se maintenaient en France " sans les visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur " dès lors qu'à la date des décisions contestées ils séjournaient en France depuis plus de trois mois. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit qu'aurait commise le préfet à cet égard ne peut être accueillie.
6. En quatrième lieu, M. E... et Mme F... font valoir qu'ils sont mariés et vivent ensemble en France avec leurs trois enfants dont l'aîné est scolarisé et bénéficie d'un suivi en raison de son handicap. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'ils sont entrés récemment en France où ils ne justifient pas avoir tissés des liens d'une particulière intensité. En outre, ils n'invoquent aucun obstacle sérieux à la poursuite de leur vie privée et familiale dans leurs pays d'origine, ni à la poursuite de la scolarité de leurs enfants et à la prise en charge de l'état de santé de leur fils aîné en Géorgie. Dans ces conditions, les décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté au droit de M. E... et de Mme F... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises, par conséquent ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs elles ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. E... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de renvoi seraient dépourvues de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
8. En deuxième lieu, les décisions fixant le pays de renvoi visent l'articles 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre elles relèvent que les intéressés sont des ressortissants de nationalité géorgienne faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qu'ils n'établissent pas être exposés à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées fixant le pays de renvoi doit être écarté.
9. En dernier lieu, M. E... et Mme F... dont les demandes tendant au bénéfice de l'asile ainsi que celle tendant au réexamen de leurs demandes d'asile ont été étés rejetées par des décisions de l'OFPRA du 10 octobre 2019 et de la Cour national du droit d'asile (CNDA) du 24 janvier 2020, font valoir qu'ils seraient particulièrement isolés dans en Géorgie et qu'ils détiennent de nouveaux éléments à l'appui de leurs allégations sur les risques encourus en cas de retour dans ce pays. Toutefois les requérants n'apportent aucun élément probant permettant d'établir qu'ils encourraient des risques personnels réels et actuel en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, M. E... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées méconnaîtraient les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 3 décembre 2019 du préfet de la Charente. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. E... et Mme F... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... E... et Mme A... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre G..., président,
Mme D... C..., présidente assesseure
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.
Le président,
Pierre G...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°s 20BX00555, 20BX00561