Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Soc Commerciale Industrielle Immobilière a demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1701229 du 4 avril 2018, le tribunal administratif de Poitiers a intégralement fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour d'annuler le jugement n° 1701229 du tribunal administratif de Poitiers.
Il soutient que :
- pour la détermination de la marge en application de l'article 268 du code général des impôts, la règle est que le prix de revient doit être calculé en divisant le prix total d'acquisition, y compris celui des surfaces non vendables, par toute la surface du terrain, y compris également celle des surfaces non vendables car occupées par des voies de circulation ou des équipements collectifs ;
- c'est à tort que la société, et le tribunal à sa suite, ont calculé le prix de revient en divisant le prix d'achat global du terrain par la superficie des seules surfaces commercialisables, à l'exclusion de la superficie totale du terrain ; ce mode de calcul entraîne un prix d'acquisition des lots plus élevé et, par suite, une marge soumise à la taxe sur la valeur ajoutée d'un moindre montant ;
- lorsque le terrain acquis donne lieu à une division en plusieurs lots, le prix d'achat de chaque lot est déterminé en proportion de sa surface rapportée à la surface totale de l'acquisition d'origine ; quant aux opérateurs, ils conservent toute liberté pour fixer le prix de vente des terrains à bâtir, et notamment pour céder des fractions d'un même lotissement à des prix différenciés ;
- demeure ainsi sans incidence sur l'application lot par lot du régime de la marge le fait que la surface effectivement commercialisée par l'aménageur soit inférieure à celle des terrains acquis initialement, notamment à raison des surfaces utilisées pour la voirie et à titre de parties communes qui peuvent être cédées à un tiers ou intégrées dans le patrimoine communal ;
- dans une opération de lotissement, le lotisseur est en droit de déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée qui a porté sur les opérations de viabilisation et d'équipement des parties communes aux différents lots commercialisés ; il serait dès lors inéquitable de ne pas retenir, dans le calcul de la marge, le prix d'acquisition de ces parties communes, pour déterminer le prix de revient de chaque lot mis en vente, dès lors que leur aménagement est nécessairement inclus dans le prix de vente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par ordonnance du 16 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 3 octobre 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... A...,
- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de son activité de lotisseur, la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière achète des terrains à bâtir sur lesquels elle fait réaliser des travaux d'aménagement et de viabilisation avant de les revendre à des particuliers. La société a fait l'objet, en 2014, d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. À l'issue de son contrôle, l'administration a remis en cause le mode de calcul de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge que la société a effectué en application de l'article 268 du code général des impôts, au motif que cette dernière ne pouvait intégrer dans le prix de revient des terrains vendus une quote-part du prix de revient des parcelles non commercialisables du fait qu'elles sont occupées par les équipements collectifs du lotissement. Il en est résulté pour la société des compléments de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 qui ont fait l'objet d'une proposition de rectification du 15 décembre 2014 suivie d'un avis de mise en recouvrement émis le 31 décembre 2015. La société Soc Commerciale Industrielle Immobilière a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande de décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement rendu le 4 avril 2018 par lequel le tribunal a intégralement fait droit à la demande de la société.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 257 du code général des impôts : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Par dérogation aux dispositions des articles 266 et 267 du code général des impôts, en vertu desquelles la base d'imposition des opérations de livraisons d'immeubles est constituée par les sommes et valeurs reçues par le vendeur de la part de l'acheteur à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée, l'article 268 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi n° 2010-237 transposant le droit communautaire, dispose que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, (...) la base d'imposition est constituée par la différence entre : 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; 2° D'autre part (...) les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble. (...) ". Le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ainsi défini par l'article 268 précité s'applique aux livraisons de terrains à bâtir pour lesquelles l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ce cas, la base d'imposition est constituée de la seule marge dégagée par l'assujetti au titre de l'opération d'achat-revente, c'est-à-dire la différence entre le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent et les sommes que le cédant a versées pour l'acquisition du terrain.
3. Faisant application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière a intégré au prix de revient de chaque lot vendu une quote-part du prix de revient des parcelles non commercialisables destinées aux équipements collectifs du lotissement. Il en est résulté, pour la société, une majoration du prix d'acquisition des terrains, ce qui a réduit la marge soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que celle-ci inclut le coût de revient des lots non commercialisables.
4. En cas de revente par lots d'un immeuble acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lot constitue une opération distincte, en raison de laquelle le vendeur doit acquitter une taxe calculée sur la base de la différence entre, d'une part, le prix de vente de ce lot et, d'autre part, son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d'achat global de l'immeuble. Il appartient au contribuable de procéder à cette imputation par la méthode de son choix, sous réserve du droit de vérification de l'administration et sous le contrôle du juge de l'impôt. Toutefois, dans le cas où la vente d'un lot s'effectue à un prix inférieur au prix de revient, le contribuable n'est pas en droit de déduire la moins-value résultant de cette vente de la base d'imposition dégagée par d'autres ventes.
5. Ainsi qu'il a été dit, la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière acquiert des terrains dont une partie, en raison du fait qu'ils sont aménagés pour recevoir des équipements collectifs, ne sont pas commercialisables. Bien que non commercialisables, ces surfaces ont représenté pour la société un coût qui doit être pris en compte dans le prix de revient des lots vendus aux particuliers. A cet égard, le prix dont les particuliers, qui contractent avec la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière, s'acquittent pour l'achat des lots réalisés intègre aussi les tantièmes des parties communes et l'usage des équipements collectifs réalisés par le lotisseur que celui-ci cède gratuitement à la collectivité publique.
6. Il appartient alors à l'aménageur d'élaborer une méthode permettant de tenir compte de la quote-part des coûts qui ont grevé l'acquisition de chaque terrain revendu. Ainsi qu'il a été dit, la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière a imputé à chaque lot une quote-part du prix des espaces communs au prorata de la superficie propre à chacun de ces lots. Il ne résulte pas de l'instruction que cette méthode, que l'administration ne conteste pas, ne serait pas pertinente pour la détermination du prix de revient des lots vendus ni que la société aurait cédé des lots à un prix inférieur à leur coût de revient en déduisant, par la méthode qu'elle a retenue, la moins-value subie de la base d'imposition dégagée par les autres ventes.
7. Dans ces conditions, le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a accordé à la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. La requête du ministre de l'action et des comptes publics doit, dès lors, être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. En application des dispositions précitées, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 18BX02878 est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Soc Commerciale Industrielle Immobilière. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. C... A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02878