Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.
Par un jugement n° 1903828 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2020, Mme D... F..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 avril 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de délivrance du certificat de résidence algérien :
- la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi, d'une part, que le médecin ayant rédigé le rapport sur l'état de santé de son fils n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, d'autre part, que l'avis a été rendu de façon collégiale, en méconnaissance des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors que son fils ne peut bénéficier d'un traitement médical approprié en Algérie où il a assisté aux violences qu'elle a subies de la part de son second compagnon et a lui-même subi des violences ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans son appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision litigieuse méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- le préfet a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision litigieuse méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
s'agissant de décision fixant le pays de renvoi :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante algérienne née le 21 novembre 1975, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 10 avril 2014. Elle a sollicité, le 1er février 2018, son admission au séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade en se prévalant de l'état de santé de son fils E... G..., né à Oran le 26 août 2002. Mme F... relève appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 5 avril 2019, portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.
Sur la légalité du refus de certificat de résidence algérien :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...)./. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...)./. Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...)./. L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a pris sa décision au vu de l'avis émis le 20 juin 2018 par un collège de trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au sein duquel ne siégeait pas le médecin ayant établi le 1er mars 2018 le rapport qui a été transmis au collège le 28 mai précédent. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5°) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
5. Si Mme F... fait valoir que son fils, entré en France à l'âge de 12 ans et désormais âgé de 17 ans, présente des troubles de l'apprentissage et fait l'objet d'une prise en charge psychologique et orthophonique, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'est pas contredit sur ce point par les attestations produites par l'appelante, que cet enfant peut bénéficier d'une prise en charge pluri-disciplinaire appropriée en Algérie. Par ailleurs, Mme F... est entrée irrégulièrement en France à l'âge de 39 ans et bien qu'elle fasse valoir que deux de ses soeurs, dont l'une française, et un frère résident en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toutes attaches familiales en Algérie où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Enfin, si elle soutient, sans d'ailleurs l'établir, avoir subi, ainsi que son fils, des violences de la part de son second compagnon dont elle est séparée, rien ne fait obstacle à ce que sa vie familiale se poursuive ailleurs qu'en France, notamment en Algérie où ses deux filles en bas âge pourront poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, le préfet n'a pas, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a ainsi méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme F....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ".
7. S'il résulte des stipulations précitées que, dans son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, la décision litigieuse n'implique pas, par elle-même, une séparation entre l'intéressée et ses enfants. Le père du premier enfant de Mme F... réside en outre en Algérie et rien ne fait obstacle à la poursuite dans ce pays de la scolarité des deux plus jeunes. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance ses stipulations précitées doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien doit être écarté.
9. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés aux points 5 et 7 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, Mme F... n'établit pas les risques personnels et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. B... A..., président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
Didier A...
Le président,
Marianne HardyLe greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01453