Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 avril 2019 du préfet de la Haute-Garonne portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le Maroc comme pays de renvoi.
Par un jugement n° 1902671 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. E..., a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mars 2020 et un mémoire en réplique, enregistré le 4 septembre 2020, M. E..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2019 du préfet de la Haute-Garonne portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le Maroc comme pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision en litige n'est pas suffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. En effet, elle ne vise pas l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les motifs sont insuffisamment précis et elle omet de mentionner deux éléments factuels tenant à la mention " étudiant " apposée sur le visa de long séjour et la délivrance de la vignette Ofii du 25 juin 2014 ;
- cette insuffisance de motivation révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen attentif et particulier de sa situation ;
- la décision en litige porte atteinte à son droit à être entendu ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il remplit les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 212-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : il est entré en France sous couvert d'un visa de long séjour, la circonstance qu'il n'ait pas déclaré son entrée en France ne peut pas lui être opposée dès lors que l'Ofii lui a délivré sa vignette le 25 juin 2014 ce qui vaut régularisation de son entrée en France. Par ailleurs, il justifie d'un mariage avec une ressortissante française et d'une communauté de vie de six mois ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- le préfet aurait pu faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation dès lors qu'il justifie de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige porte atteinte à son droit à être entendu ;
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entraînera par voie de conséquence l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- l'illégalité de la décision portant refus de séjour entraînera par voie de conséquence l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- l'illégalité de la décision portant refus de séjour entraînera par voie de conséquence l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire enregistré le 24 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de rejeter la requête de M. E....
Il soutient que :
- la décision est motivée ;
- c'est à juste titre qu'il lui a refusé la qualité de conjoint d'une ressortissante française dès lors qu'il ne justifie pas d'une entrée régulière en France ;
- il ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sur les autres moyens, il s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 19 mai 2009 relatif aux formalités que doivent accomplir auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration les titulaires de certaines catégories de visa pour un séjour en France d'une durée supérieure à trois mois ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant marocain, né le 17 mai 1993, déclare être entré en France le 25 août 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " étudiant " valable du 10 août 2013 au 10 août 2014. Par un arrêté et une décision du 31 décembre 2015, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et l'a placé en rétention administrative. Par un jugement du 4 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions portant refus de délai de départ volontaire et placement en rétention administrative et a rejeté les conclusions de M. E... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. A la suite de son mariage avec une ressortissante française le 27 avril 2018, M. E... a sollicité le 25 septembre 2018 son admission au séjour en qualité de conjoint de ressortissant français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande, a fait obligation à M. E... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Toulouse et relève appel du jugement du 6 février 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions en annulation
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ". En vertu de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Lorsque la demande de visa long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. / Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". Aux termes de l'article R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La déclaration d'entrée sur le territoire français est souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. / A cette occasion, un récépissé est remis à l'étranger. Il peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. / L'étranger assujetti à l'obligation de déclaration doit être en mesure de justifier, à toute réquisition des agents de l'autorité, qu'il a satisfait à cette obligation, par la production de ce récépissé. (...). " Enfin, aux termes de l'article R. 211-32 de ce code : " La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-6, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. ". Sont toutefois dispensés de cette formalité, en vertu de l'article R. 212-6 du même code, les étrangers qui ne sont pas astreints à l'obligation de visa pour un séjour inférieur à trois mois et ceux qui sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-3 du même code dans sa version alors applicable : " Sont dispensés de souscrire une demande de carte de séjour : / (...)6° Les étrangers mentionnés à l'article L. 313-7 séjournant en France sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et au plus égale à un an et portant la mention " étudiant ", pendant la durée de validité de ce visa. / (...) Les visas mentionnés aux 6° (...) permettent à leur titulaire de séjourner en France au-delà d'une période de trois mois et dans les limites de durée susmentionnées, à la condition que l'intéressé, dans un délai de trois mois à compter de la date de son entrée en France, ait présenté à l'Office français de l'immigration et de l'intégration les indications relatives à son état civil et à son domicile en France ainsi qu'une photographie tête nue et se soit fait délivrer le certificat médical mentionné au 4° de l'article R. 313-1. L'Office français de l'immigration et de l'intégration atteste de l'accomplissement de ces formalités selon des modalités fixées par arrêté ministériel. La délivrance d'un titre de séjour par le préfet du département de résidence de l'étranger autorisé à séjourner en France sous couvert d'un titre de voyage revêtu du visa requis pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et au plus égale à un an est subordonnée à la présentation de l'attestation remise par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 19 mai 2009 relatif aux formalités que doivent accomplir auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration les titulaires de certaines catégories de visa pour un séjour en France d'une durée supérieure à trois mois, alors en vigueur : " l'accomplissement de l'ensemble des formalités (...) est attesté (...) au moyen d'une vignette et d'un cachet dateur apposés sur le passeport du bénéficiaire ".
5. Pour rejeter la demande de M. E..., le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé qui n'avait pu justifier la régularité de son entrée en France, ne pouvait présenter sur place une demande de visa de long séjour en vue de l'obtention du titre de séjour mentionné au 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré en France le 25 août 2013 sous couvert d'un visa de long séjour valable du 10 août 2013 au 10 août 2014, valant titre de séjour, en qualité " d'étudiant ", délivré sur le fondement du 6° de l'article R. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a par ailleurs procédé aux formalités requises par l'article précité auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui lui a délivré une vignette le 25 juin 2014. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a ensuite continûment séjourné en France. Par suite, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 211-2-1, la condition de régularité de l'entrée en France était remplie. En conséquence, le préfet de la Haute-Garonne ne pouvait pas lui opposer son entrée irrégulière en France en 2013 pour refuser de lui délivrer un visa de long séjour sur le fondement de ces dispositions et ensuite lui opposer l'absence d'un tel visa pour rejeter sa demande. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision du préfet de la Haute-Garonne du 18 avril 2019 portant refus de titre de séjour doit être annulée, ainsi que par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois et celle fixant le pays de renvoi.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 18 avril 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. En l'espèce, compte tenu du motif d'annulation de l'arrêté en litige, le présent arrêt implique que le préfet de la Haute-Garonne réexamine la demande de titre de séjour présentée par M. E... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il lui délivre pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à M. E... au titre de ses frais d'instance.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 février 2020 et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 18 avril 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. E... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il lui délivre pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme D... F..., présidente-assesseure,
Mme B... A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2020.
Le rapporteur,
Déborah A...Le président,
Didier ARTUSLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00930