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03/11/2020 | FRANCE | N°18BX03355

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 03 novembre 2020, 18BX03355


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009.

Par un jugement n°1601204 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018, M. et Mme B... E..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°160

1204 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009.

Par un jugement n°1601204 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018, M. et Mme B... E..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1601204 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de leur verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que l'administration a regardé M. E... comme un consultant indépendant ayant fourni une prestation de services à la société Egis BCEM International ; il a travaillé exclusivement pour cette société comme salarié depuis 1980 jusqu'à son départ à la retraite en 2003 ; il a accepté, à la demande de cette société, de continuer à exercer ses fonctions à temps partiel dans le cadre d'un portage salarial avec une société choisie par cette dernière ; les discussions relatives à son contrat de travail ont eu lieu avec la société Egis ; les modalités d'accomplissement de sa mission sont identiques à celles qui étaient en cours avant son départ à la retraite ; il reçoit des instructions de la société Egis qui fixe unilatéralement les conditions d'exécution de ses prestations ; il n'a aucun lien avec la société Expat qui se borne à lui verser un salaire ; le recours à une société de portage salarial établie à l'Ile Maurice relève de la seule décision de la société Egis en vue de minimiser ses coûts salariaux ;

- ces éléments montrent que la société Expat réalise un portage salarial pour la société Egis et qu'elle n'est en aucun cas une société choisie par M. E... pour dissimuler une prétendue activité libérale ;

- l'existence d'un contrat de portage salarial ne fait pas obstacle à l'application de l'article 81 A du code général des impôts ; la société Egis est bien établie en France et elle est l'employeur de M. E... ; le recours à un contrat de portage salarial a relevé de la seule initiative de la société Egis ;

- c'est à tort que l'administration a requalifié les salaires qu'il a perçus au cours de l'année d'imposition en litige en bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts ; elle ne pouvait retenir l'absence de lien de subordination entre M. E... et la société Expat Management Ltd ; si le principe du portage salarial, effectué ici par la société Expat Management Ltd, est d'exclure tout lien de subordination, la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 est venue poser une présomption légale selon laquelle les travailleurs portés relèvent du salariat ; ainsi, l'administration a méconnu la loi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 19 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2009, M. E..., domicilié en France, a effectué des missions d'assistance technique sur des chantiers situés au Rwanda et en Guinée. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a estimé que les revenus versés en 2009 à M. E... dans le cadre de ses activités étaient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux qui, en l'absence de déclaration, ont été évalués d'office ainsi que l'intéressé en a été informé par une proposition de rectification du 17 octobre 2012. Il en est résulté pour M. E... des cotisations d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 qui ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement du 31 juillet 2015 pour un montant, en droits, intérêts et majorations de 28 788 euros. M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge de ces impositions et majorations. Ils relèvent appel du jugement rendu le 26 juin 2018 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur l'application de l'article 155 A du code général des impôts :

2. Aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : (...) soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. II. (...) III. La personne qui perçoit la rémunération des services est solidairement responsable, à hauteur de cette rémunération, des impositions dues par la personne qui les rend. ".

3. Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour 1'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une autre personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.

4. Les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel dans une décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010. Si le Conseil Constitutionnel a assorti sa décision d'une réserve d'interprétation, celle-ci concerne l'hypothèse où la prestation rémunérée a été réalisée en France. Elle ne saurait en conséquence bénéficier à M. E... qui, en l'espèce, a perçu des rémunérations pour des activités qu'il a exercées en 2009 à l'étranger.

5. M. E... a accompli ses prestations en Afrique dans le cadre d'un contrat de travail signé avec la société Expat Management Ltd, dont le siège social est situé à l'Ile Maurice, pays soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts auquel renvoie l'article 155 A, précité, du même code. La société Expat Management Ltd a conclu avec la société Egis BCEOM International, laquelle est basée en France, un contrat de mise à disposition de personnel. M. E... a perçu des rémunérations de la société Expat Management Ltd qui, de son côté, a reçu de la société Egis BCEOM International des sommes correspondant au montant de ces rémunérations augmenté d'une commission.

6. M. E... n'établit pas que la société Expat Management Ltd exerçait de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que les prestations de services fournies à la société Egis BCEOM International, notamment par M. E.... Il n'établit pas non plus que les rémunérations versées par la société Egis BCEOM International à la société Expat Management Ldt auraient trouvé leur contrepartie dans une intervention propre de cette dernière, dont la seule activité de portage salarial ne saurait être regardée comme constituant cette contrepartie. Par suite, les sommes versées par la société Egis BCEOM à la société Expat Management Ltd doivent être regardées comme des rémunérations liées aux missions d'assistance technique effectuées par M. E... imposables au nom de ce dernier à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts.

Sur la qualification des revenus imposables :

7. M. E... soutient que les rémunérations en litige, reçues en exécution d'un contrat de portage salarial, ne doivent pas être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux mais dans celle des traitements et salaires, ce qui lui permet de bénéficier de l'exonération d'impôt prévue à l'article 81 A du code général des impôts.

8. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".

9. Il ne résulte pas de l'instruction que M. E... se serait trouvé dans une relation de subordination vis-à-vis de la société Egis BCEOM International en l'absence de production au dossier d'éléments, tels que son contrat de travail, permettant d'établir que cette société lui adressait des instructions pour l'organisation et l'exécution de son travail. Ce lien de subordination ne saurait être déduit de la seule circonstance que la société Egis BCEOM choisisse elle-même les experts et consultants chargés des prestations et qu'elle assure le suivi des missions qui leur sont confiées. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a qualifié les rémunérations litigieuses de bénéfices non commerciaux et il en résulte que le moyen de M. E..., selon lequel il est en droit de bénéficier de l'exonération d'impôt prévue pour les salaires par l'article 81 A du code général des impôts, doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de base légale présentée par l'administration à titre subsidiaire, que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n°18BX03355 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. D... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

Le rapporteur,

Frédéric A...

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX03355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03355
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : ECHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-03;18bx03355 ?
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