Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Guadeloupe entretien maintenance (GEM) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe d'ordonner une expertise en vue d'établir, d' une part, le pourcentage d'avancement des travaux qu'elle a réalisés au 25 octobre 2016 et le montant du solde du marché lui restant dû compte tenu de l'avancement des travaux, de dresser, d'autre part, la liste des réserves imputables aux travaux qu'elle a réalisés en chiffrant le coût des travaux nécessaires à la levée de ces réserves et de proposer, enfin, un décompte de liquidation.
Par une ordonnance n° 2000091 du 30 juillet 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à la demande de la société GEM.
Procédure devant la cour :
I°) Par une requête, enregistrée le 7 août 2020, sous le n° 20BX02583, le centre hospitalier gérontologique Jacques Salin, représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler l'ordonnance n° 2000091 du 30 juillet 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a, à la demande de la société GEM, prescrit une mesure d'expertise ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer l'ordonnance du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 juillet 2020 en tant qu'elle a désigné M. A... B... en qualité d'expert et désigner en remplacement M. C... D... ;
3°) à ce que soit mis à la charge de la société GEM le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'action en contestation du décompte de liquidation étant forclose, l'expertise est dépourvue de caractère utile, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge ;
- en effet, l'absence de notification d'un mémoire en réclamation de la société GEM dans le délai de 45 jours suivant la notification de ce décompte de liquidation rend ses prétentions irrecevables ; à cet égard le premier juge a commis une erreur de droit en considérant que la notification du décompte de liquidation au-delà du délai de deux mois après résiliation, d'ailleurs due au comportement de la société GEM, ne permettait pas à ce document de tenir lieu de décompte de liquidation ;
- à titre subsidiaire, la spécialité de l'expert désigné par le premier juge est inadéquate au regard de l'ouvrage concerné, soit un système de climatisation solaire, qui constitue plus une oeuvre d'ingénierie que d'architecture ; or, l'expert désigné, inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Basse-Terre en qualité d'architecte et non d'ingénieur, n'est pas en mesure de fournir des appréciations techniques pertinentes sur les prestations de la société GEM ; il est donc nécessaire de désigner M. D..., expert dans le domaine du génie climatique inscrit sur la liste experts près la cour administrative d'appel de Bordeaux en lieu et place de l'expert actuellement désigné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2020, la société GEM, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier gérontologique Jacques Salin le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et déclare s'en remettre à la cour quant à la désignation d'un nouvel expert.
Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier gérontologique Jacques Salin ne sont pas fondés.
Un mémoire en réplique a été produit le 29 octobre 2020 pour le CH Gérontologique Raizet.
II°) Par une requête, enregistrée le 7 août 2020, sous le n° 20BX02584, le centre hospitalier gérontologique Jacques Salin, représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution de l'ordonnance n° 2000091 du 30 juillet 2020 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe
Elle présente les mêmes moyens que dans la requête n° 20BX02583 et soutient en outre que le caractère frustratoire de l'expertise et le caractère inadéquat de la spécialité de l'expert désigné justifient qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance litigieuse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2020, la société Guadeloupe entretien maintenance (GEM), représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier gérontologique Jacques Salin le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier gérontologique Jacques Salin ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. G... en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la construction du nouveau centre hospitalier gérontologique Jacques Salin du Raizet, la société GEM s'est vu confier, le 24 janvier 2012, le lot " CVC ". Elle a ainsi été chargée de concevoir et de réaliser les travaux de construction d'une installation de climatisation solaire. Ayant été placée en procédure de sauvegarde, son mandataire judiciaire a décidé de ne pas poursuivre l'exécution d'un tel marché, qui a dès lors fait l'objet d'une résiliation le 25 octobre 2016. La société GEM, estimant ne pas pouvoir parvenir à obtenir le règlement du solde du marché lui restant dû au titre des travaux qu'elle a réalisés antérieurement à la réalisation du marché, de même que la restitution de sa retenue de garantie, a demandé au juge des référés du tribunal de la Guadeloupe de prescrire une expertise.
2. Le centre hospitalier gérontologique Jacques Salin relève appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a ordonné cette expertise.
Sur la jonction :
3. Les requêtes enregistrées sous les n° 20BX02583 et n° 20BX02583, présentées pour le centre hospitalier gérontologique Jacques Salin, concernent la même ordonnance et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule ordonnance.
Sur la requête n° 20BX02583 :
4. Aux termes de de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. À ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription.
5. Aux termes de l'article 47.1.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux : " En cas de résiliation, il est procédé, le titulaire ou ses ayants droit, tuteur, administrateur ou liquidateur, dûment convoqués dans les conditions prévues par les documents particuliers du marché, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations dans les conditions prévues à l'article 12. Ce procès-verbal comporte l'avis du maître d'oeuvre sur la conformité aux dispositions du marché des ouvrages ou parties d'ouvrages exécutés. /Ce procès-verbal est signé par le maître de l'ouvrage. Il emporte réception des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, avec effet de la date d'effet de la résiliation, tant pour le point de départ du délai de garantie défini à l'article 44 que pour le point de départ du délai prévu pour le règlement final du marché à l'article 13.3.2 ". Aux termes de l'article 47.2.1 du même CCAG travaux : " En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire ". L'article 47.2.2 de ce CCAG travaux stipule : " Le décompte de liquidation comprend : / a) Au débit du titulaire : / - le montant des sommes versées à titre d'avance et d'acompte ; / - la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; / - le montant des pénalités ; / - le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d'un marché aux frais et risques du titulaire dans les conditions fixées à l'article 48. / b) Au crédit du titulaire : / - la valeur contractuelle des travaux exécutés, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; / - le montant des rachats ou locations résultant de l'application de l'article 47.1.3 ; / - le cas échéant, le montant des indemnités résultant de l'application des articles 46.2 et 46.4. ". Aux termes de l'article 47.2.3 du même CCAG travaux : " Le décompte de liquidation est notifié au titulaire par le pouvoir adjudicateur, au plus tard deux mois suivant la date de signature du procès-verbal prévu à l'article 47.1.1 (...) ". L'article 50.1.1 de ce CCAG prévoit : " Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ".
6. Le centre hospitalier gérontologique Jaques Salin se prévaut de la notification d'un décompte de liquidation du marché le 24 septembre 2019. Cependant ce document, notifié trois ans après la résiliation du marché à la société GEM, par conséquent au-delà du délai de deux mois prévu par l'article 47.2.3 du CCAG, et sans qu'ait été établi au préalable le procès-verbal prévu par l'article 47.1.1 du même CCAG, ne peut tenir lieu de décompte de liquidation, lui seul étant de nature à déterminer les droits et obligations des parties en cas de résiliation du marché. La société GEM ne pouvait donc se voir opposer les délais prévus par le CCAG Travaux pour former une réclamation. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a, à bon droit, estimé que le document notifié ne constituait pas un décompte de liquidation faisant courir le délai pour former un mémoire en réclamation, et, en conséquence, qu'une action au principal de la société GEM pouvait être regardée comme recevable.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la mesure d'expertise présentait un caractère utile. Par suite, le centre hospitalier gérontologique Jacques Salin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à la mesure d'expertise sollicitée par la société GEM.
8. Enfin, il n'appartient pas au juge d'appel de contrôler l'appréciation de la compétence technique de l'expert à laquelle le premier juge, en le désignant, s'est livré, ni l'opportunité de cette désignation, laquelle, au demeurant, ne paraît pas en l'espèce encourir la critique. Dès lors, la demande du centre hospitalier gérontologique Jacques Salin de désignation d'un autre expert ne peut être accueillie.
Sur la requête n°20BX02584 :
9. Aux termes de l'article R. 533-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'appel est interjeté d'une ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué en application de l'article R. 532-1, le président de la cour administrative d'appel, ou le magistrat désigné par lui, peut immédiatement et à titre provisoire suspendre l'exécution de cette ordonnance si celle-ci est de nature à préjudicier gravement à un intérêt public ou aux droits de l'appelant ".
10. La présente ordonnance statue sur la requête, enregistrée sous le n° 20BX02583, tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 2000091 du 30 juillet 2020 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe. Par suite, la requête, enregistrée sous le n° 20BX02584, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance est devenue sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier gérontologique du Raizet la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société GEM et non compris dans les dépens.
12. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient accueillies les conclusions de même nature présentées par le centre hospitalier appelant.
ORDONNE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20BX02584.
Article 2 : La requête n° 20BX02583 est rejetée.
Article 3 : le centre hospitalier gérontologique Jacques Salin versera à la société GEM une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier gérontologique Jacques Salin, à la société par actions simplifiée Guadeloupe entretien maintenance (GEM), et à M. A... B..., expert.
Fait à Bordeaux, le 4 novembre 2020.
Le juge d'appel des référés,
G...
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
6
N° 20BX02583, 20BX02584