Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 29 mars 2020 par laquelle la préfète de Lot-et-Garonne l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois.
Par un jugement n° 2002022 du 15 mai 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 15 mai 2020 ;
2°) d'annuler la décision de la préfète de Lot-et-Garonne du 29 mars 2020 ;
3°) de condamner la préfète de Lot-et-Garonne à verser à son conseil la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête devant le tribunal administratif de Bordeaux était recevable ;
- les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues en l'absence d'interprète lors de la notification de l'arrêté portant assignation à résidence ;
- le signataire de la décision portant assignation à résidence était incompétent ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur un arrêté portant obligation de quitter le territoire français qui fait état d'une identité erronée et qui est assorti d'un délai de trente jours ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que la préfète s'est méprise sur son identité et qu'elle n'a pas pris en compte sa situation personnelle ;
- sa situation personnelle n'a pas été sérieusement examinée dès lors qu'elle a été prise à l'encontre de M. C... B... alors qu'il se nomme B... C... et que la décision n'indique pas les éléments de sa situation personnelle ;
- la mesure d'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2020, la préfète de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain né en 1995, déclare être entré en France au mois de janvier 2016. Il a fait l'objet, le 12 septembre 2019, d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans qu'il n'a pas contesté et qu'il n'a pas exécuté. A la suite de son interpellation le 29 mars 2020, la préfète de Lot-et-Garonne l'a, par une décision du même jour, assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. M. C... relève appel du jugement du 15 mai 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, comme tardive et donc irrecevable, sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes du premier alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification, suivant la procédure prévue à la section 1 du chapitre II du titre V du présent livre et dans une audience commune aux deux procédures, sur lesquelles le juge statue par ordonnance unique lorsqu'il est également saisi aux fins de prolongation de la rétention en application de l'article L. 552-1. Le juge des libertés et de la détention informe sans délai le tribunal administratif territorialement compétent, par tout moyen, du sens de sa décision. La méconnaissance des dispositions de l'avant-dernière phrase du présent alinéa est sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé de procédures ultérieures d'éloignement et de rétention "
3. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions administratives, dans sa rédaction applicable à la date d'enregistrement de la requête devant le tribunal: " I.- Les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif. II. - Par dérogation au I : 1° Le point de départ du délai des recours suivants est reporté au lendemain de la cessation de l'état d'urgence sanitaire mentionné à l'article 2 : a) Recours prévus à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception de ceux prévus au premier alinéa du III de cet article ; (...) ".
4. Les décisions portant assignation à résidence ne figurent pas au nombre des décisions visées par les dispositions du premier alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, ces décisions ne relèvent pas des exceptions aux règles de prorogation des délais prévues par les dispositions précitées de l'ordonnance du 25 mars 2020 alors même que l'assignation à résidence bénéficie du même régime de recours que celui prévu au III de l'article L. 512-1 du code de justice administrative. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 29 mars 2020 portant assignation à résidence a été enregistrée le 12 mai 2020 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, soit avant l'expiration du délai fixé par les dispositions précitées de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme irrecevable en raison de sa tardiveté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. C....
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat les frais liés au litige exposés par M. C....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 15 mai 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions de M. C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
Le président-rapporteur,
Marianne A... Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 20BX01734