Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Midi-Aquitaine a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part d'annuler la décision en date du 16 février 2016 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine et, d'autre part, d'annuler les titres de perception émis le 15 mars 2016 par l'OFII en vue du recouvrement, respectivement, de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur mise à sa charge d'un montant de 17 600 euros et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mise à sa charge d'un montant de 2 124 euros.
Par un jugement n° 1601583, 1604946 et 1604948 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les titres de perception émis le 25 février 2016 et rejeté le surplus de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 31 juillet 2018 et 13 mai 2020, la SARL Midi-Aquitaine, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2018 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) d'annuler la décision en date du 16 février 2016 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ;
3°) de prononcer la décharge des contributions en litige ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle n'a elle-même pas embauché le salarié concerné qui était présent sur le chantier en lieu et place d'un autre salarié, qui avait été régulièrement embauché et qui s'était fait remplacer sans en informer la société ou son gérant ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article R. 8253-1 II 1° du code du travail en vertu desquelles le montant de la contribution spéciale devait être fixé à 7 040 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Midi Aquitaine sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par la SARL Midi-Aquitaine n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;
- le décret n° 2004-1085 du 14 octobre 2004 relatif à la délégation de gestion dans les services de l'Etat ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... J...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la société Midi Aquitaine.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 août 2015, à l'occasion d'un contrôle d'identité des personnes présentes sur le chantier d'une école primaire à Colomiers, les services de police, ont relevé la présence de M. B... G..., de nationalité tunisienne, démuni d'autorisation d'exercer une activité salariée. Par une décision du 16 février 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la SARL Midi-Aquitaine une somme de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement. Deux titres de perception ont été émis le 25 février 2016 en vue du recouvrement de ces sommes. La SARL Midi-Aquitaine relève appel du jugement du 6 mars 2018 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2016 ainsi qu'à la décharge des contributions en litige.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ". Enfin, aux termes des dispositions de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ".
3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de permettant d'établir que le salarié non muni de titre de travail l'autorisant à exercer une activité salariée en France a été embauché, employé, directement ou indirectement par une personne quelconque ou encore, qu'il a été conservé au service direct ou indirect d'une personne.
4. Il résulte de l'instruction que M. E... H..., né le 10 janvier 1969, de nationalité tunisienne, et M. K... I..., né le 19 septembre 1975, également de nationalité tunisienne, ont été recrutés à compter du 27 juillet 2015 par la SARL Midi-Aquitaine, dont le siège est situé 10, impasse de Vitry à Toulouse. Les deux intéressés, qui résidaient alors à Angoulême, étaient chacun titulaire d'une carte de résident, valable du 27 janvier 2015 au 27 janvier 2025 pour le premier et du 27 janvier 2008 au 26 janvier 2018 pour le second, lequel aurait par ailleurs été naturalisé français au cours de l'année 2014, selon le procès-verbal de police établi le 4 août 2015 à 10h15.
5. Selon la SARL Midi-Aquitaine, M. K... I... et M. E... H... sont arrivés à Toulouse en provenance d'Angoulême le mardi 28 juillet 2015 afin de travailler, pour son compte, sur un chantier de construction d'une école primaire à Colomiers. Ils y ont travaillé jusqu'au jeudi 30 au soir. La semaine suivante, M. E... H... devait revenir sur ce chantier à compter du lundi, M. K... I..., qui avait dû s'absenter en raison d'un décès survenu dans sa famille, ne devant reprendre le travail que le mercredi 5 août. Lors d'un contrôle effectué sur le chantier le mardi 4 août au matin par des officiers de police qui patrouillaient en compagnie des services de l'URSSAF et de la DIRECCTE de la Haute-Garonne, il a été constaté que M. E... H... travaillait en compagnie d'une personne qui s'est présentée comme étant M. K... I..., ce qu'a corroboré M. E... H.... Néanmoins, après vérifications, il s'est avéré que cette personne se dénommait en réalité Lofti G..., de nationalité tunisienne et dépourvu de titre de séjour. Celui-ci serait arrivé à Toulouse en provenance d'Angoulême le lundi 3 août, en compagnie, notamment de M. E... H..., pour remplacer M. K... I... pendant une semaine.
6. La société requérante soutient que son gérant, qui avait procédé au recrutement de M. K... I... et de M. E... H... et adressé à l'URSSAF de Midi-Pyrénées, le 22 juillet 2015, une déclaration préalable à l'embauche pour chacun d'eux, n'était pas informé de ce que M. K... I... aurait décidé de se faire remplacer sur le chantier pendant une semaine par un compatriote, en situation irrégulière. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de remettre en cause la situation de travail pour le compte de la SARL Midi-Aquitaine dans laquelle se trouvait M. G... au moment du contrôle et constitutive d'un lien de subordination à l'égard de cette société, même si aucun contrat de travail n'a été conclu et aucune rémunération versée. La SARL Midi-Aquitaine ne peut utilement invoquer ni l'absence d'élément intentionnel, ni sa bonne foi, ces circonstances étant sans effet sur la matérialité de l'infraction. Par suite, l'OFII n'a pas commis ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en appliquant à cette société, s'agissant de ce salarié, la contribution spéciale et la contribution forfaitaire des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ;(...) ".
8. Il résulte de l'instruction et, plus particulièrement du procès-verbal de saisine du 18 août 2015 que la SARL Midi-Aquitaine a, en sus de l'infraction tirée de l'emploi d'un salarié étranger démuni d'autorisation de travail, été également poursuivie pour des faits d'exécution de travail dissimulé. Ces manquements constituent deux infractions distinctes, respectivement prévues par les articles L. 8251-1 et L. 8221-5 du code du travail. Ainsi, la société requérante ne saurait prétendre au bénéfice de la minoration du montant de la contribution spéciale mise à sa charge en application du 1° du II de l'article R. 8253-2 de ce code.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Midi Aquitaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas entièrement fait droit à sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SARL Midi Aquitaine au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SARL Midi Aquitaine une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Midi-Aquitaine est rejetée.
Article 2 : La SARL Midi Aquitaine versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Midi-Aquitaine et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera transmise à la direction régionale des finances publiques de l'Occitanie.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme F... J..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2020
Le rapporteur,
Sylvie J...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX03029