Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 30 novembre 2016 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne a refusé de lui délivrer un agrément en vue de son détachement au sein de la police municipale de Matoury.
Par un jugement n° 1700057 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces et un mémoire, enregistrés le 7 septembre 2018, le 1er octobre 2018 et le 22 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 31 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 30 novembre 2016 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne a refusé de lui délivrer un agrément en vue de son détachement au sein de la police municipale de Matoury ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat ou du ministère de la justice une somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 19 octobre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... E...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 10 octobre 2016, Mme A..., alors surveillante principale de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice, a été placée en détachement auprès de la police municipale de la commune de Matoury (Guyane) dans le grade de gardien de police municipale. Toutefois, par une décision du 30 novembre 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne a refusé de lui délivrer l'agrément nécessaire à l'exercice de la fonction de policière municipale. Mme A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de la Guyane et elle relève appel du jugement du 31 mai 2018 rejetant sa demande.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, les policiers municipaux : " sont (...) agréés par le représentant de l'État dans le département et le procureur de la République, puis assermentés (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7 Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2o de l'article L. 311-5 (...)". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". L'article L. 121-1 de ce code dispose que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'agrément prévu par l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure a pour objet de vérifier que l'intéressé présente les garanties d'honorabilité requises pour occuper l'emploi d'agent de la police municipale. Lorsque le procureur de la République refuse de délivrer l'agrément à un agent de la police municipale, la décision de refus, d'une part, doit être motivée, d'autre part, si elle est prise en considération de la personne, ne peut légalement intervenir sans que l'intéressé ait pu présenter ses observations.
5. La décision du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne du 30 novembre 2016, portant refus d'agrément, se borne à indiquer que celui-ci refuse de délivrer l'agrément " compte tenu de la situation judiciaire de l'intéressée ". Une telle motivation, qui ne permet pas à Mme A... de comprendre les faits qui lui sont reprochés et ne la met pas en mesure de les contester, ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 211-5 précité du code des relations entre le public et l'administration. Si le ministre fait valoir que la communication des motifs de la décision aurait porté atteinte au déroulement de la procédure pénale en cours au sens du f de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme A... avait déjà été mise en examen par le juge d'instruction, lequel avait rendu son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel le 28 novembre 2016. Ainsi il n'est pas établi par le ministre que la communication des motifs de la décision contestée aurait porté atteinte au bon déroulement de la procédure pénale en cours à l'encontre de Mme A.... Par ailleurs, il est constant que Mme A... n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations préalablement à cette décision en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du même code. Par suite, la décision du 30 novembre 2016 contestée doit être annulée.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement contesté du 31 mai 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 novembre 2016 du procureur de la République près le tribunal de grande instance Cayenne.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane et la décision du 30 novembre 2016 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au garde des sceaux, ministre de la justice et à la commune de Matoury.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme D... E..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2020.
La rapporteure,
Fabienne E... Le président,
Didier ARTUS Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03403