Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de le décharger du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2013 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1601098 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 février 2018 et le 11 juin 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 décembre 2017 ;
2°) de le décharger du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2013 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration n'a pas respecté son devoir de loyauté, en revenant sur son engagement de conclure une transaction avec lui à condition qu'il renonce à saisir la CDIDTCA, alors qu'il a renoncé à cette saisine ;
- de plus, l'avis de mise en recouvrement qui lui a été adressé était irrégulier en ce qu'il ne renvoyait pas au dernier document mentionnant les impositions demeurant en litige, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales et se référait à des montants erronés ;
- par ailleurs, il n'a pu respecter ses obligations déclaratives en raison d'un cas de force majeure et, en conséquence, il n'aurait pas dû faire l'objet d'une procédure d'imposition d'office ;
- en ce qui concerne le bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur le revenu litigieux, le service était en capacité, compte tenu des documents qui ont pu lui être présentés, de reconstituer sa comptabilité mais a préféré s'en tenir aux seuls relevés bancaires, ce qui a abouti à mettre en oeuvre une méthode radicalement viciée dans son principe ; en effet, cette méthode a été établie en violation des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts et notamment de celles selon lesquelles les créances acquises et les dettes certaines doivent être retenues quelles que soient leur date de paiement ou d'encaissement effective ;
- s'agissant des pénalités, il n'était pas possible d'appliquer simultanément les majorations fiscales prévues par l'article 1729 du code général des impôts et les sanctions pénales prévues par l'article 1741 du même code ; en outre, l'administration n'établit pas l'existence d'une intention d'éluder l'impôt ;
Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 26 octobre 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 8 août 2018 et les 10 septembre et 12 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut, dans le dernier état de ses écritures, à ce qu'il soit constaté qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur du montant du dégrèvement prononcé le 7 octobre 2020 et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- pour la première fois en appel M. A... a produit, au titre de la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, l'ensemble des documents comptables, ainsi que des factures fournisseurs et clients et des relevés bancaires afin de confirmer le règlement des factures et, au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, les factures fournisseurs et les relevés bancaires ;
- il a été tenu compte, pour déterminer le montant du dégrèvement accordé, des charges et de la taxe déductible qui avaient déjà été justifiées ; il en a découlé l'admission d'un total de charges supplémentaires à retenir de 67 293 euros au titre de l'exercice clos en 2010, de 83 217 euros au titre de l'exercice clos en 2011 et de 24 032 euros au titre de l'exercice clos en 2012 ; de même, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les montants supplémentaires de taxe admise en déduction s'établissent à 29 984 euros au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 et à 39 007 euros au titre de la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
- la décision n° 2016-546 QPC du Conseil constitutionnel du 24 juin 2016 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'activité individuelle de terrassement exercée par M. A... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 juin 2013, à l'issue de laquelle le service lui a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire, le 23 décembre 2013, une proposition de rectification portant sur l'ensemble de ses revenus afférents aux années 2010 à 2012, aux bénéfices industriels et commerciaux des mêmes années et à la taxe sur la valeur ajoutée relative à la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2013.
2. M. A... relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2013 et des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, complément et suppléments trouvant leur origine dans le contrôle précité.
Sur l'étendue du litige :
3. Par décision du 7 octobre 2020, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques de la région Occitanie a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui a été réclamé à M. A... au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2013, à hauteur d'une somme de 88 224 euros, et, d'autre part, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. A... a été assujetti à concurrence des sommes de 34 842 euros au titre de l'année 2010, de 51 322 euros au titre de l'année 2011 et de 19 250 euros au titre de l'année 2012. Par suite, les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le complément et les suppléments d'impositions demeurant en litige :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
4. En premier lieu et aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'État. À cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". L'administration fiscale, qui est tenue à un devoir de loyauté, ne saurait induire en erreur les contribuables auxquels elle adresse des demandes en application de ces dispositions.
5. Si M. A... soutient, pour la première fois en appel, que le service lui aurait proposé de conclure une transaction en échange de son renoncement à saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires mais n'aurait pas honoré son engagement alors même qu'il a renoncé à saisir cette commission, il n'apporte au soutien de ses allégations aucun élément de nature à en établir l'exactitude. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu son devoir de loyauté en ne respectant pas son engagement à son encontre ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu et aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'avis de mise en recouvrement (...) indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ".
7. L'appelant soutient que l'avis de mise en recouvrement émis le 18 août 2014 serait irrégulier en ce qui ne renvoyait pas au dernier document mentionnant les impositions demeurant en litige, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales et se référait à des montants erronés.
8. Toutefois, il résulte de l'instruction que si l'avis de mise en recouvrement précité comporte une erreur quant à la date de la proposition de rectification, datée du 20 décembre 2013 au lieu du 23 décembre 2013, et se réfère à une réponse aux observations du contribuable du 11 juillet 2014, date qui correspond en réalité à celle du dernier document adressé à M. A..., l'informant d'une réduction du montant du complément d'imposition envisagée, ces simples erreurs matérielles n'ont pas privé l'intéressé de la possibilité de contester utilement le complément de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement. Par conséquent, le moyen, soulevé par la première fois en appel, tiré de l'irrégularité de cet avis de mise en recouvrement ne peut qu'être écarté comme manquant en droit.
9. En troisième lieu, l'appelant soutient que l'existence d'un cas de force majeure est établie s'agissant de la période antérieure au 15 mars 2012, de sorte qu'aucune procédure d'imposition d'office ne pouvait être mise en oeuvre. Cependant et à supposer établie l'existence d'un cas de force majeure ayant empêché le contribuable de produire ses documents comptables, le complément de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt sur le revenu litigieux ont été établis à l'issue d'une procédure de redressement contradictoire, de sorte que le moyen susanalysé est sans influence sur la régularité de la procédure et, du reste, sur le bien-fondé des impositions concernées.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :
Quant à la charge de la preuve :
10. En vertu du dernier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales la charge de la preuve incombe au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu.
11. À supposer même que l'appelant puisse être regardé comme ayant entendu soulever un moyen relatif à la charge de la preuve, il résulte de l'instruction que le service a dressé un procès-verbal pour défaut de présentation de comptabilité, le 16 septembre 2013, dont il n'est pas contesté qu'il a été contresigné par M. A..., que si l'ordinateur portable de Mme B..., sa comptable, a été dérobé et détruit, cette circonstance, à supposer que la comptabilité de l'entreprise de terrassement de M. A... se trouvait uniquement sur cet ordinateur, n'explique pas l'absence de toute comptabilité pour la période postérieure à cet événement ni l'absence de production lors du contrôle de toute pièce justificative de dépense et de recette à l'exception des factures clients et fournisseurs présentées, postérieurement au contrôle, du reste, pour la période allant du mois de janvier 2012 à celui de juin 2013. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il incombait à M. A... d'établir le caractère exagéré des impositions mises à sa charge.
Quant à la reconstitution de recettes :
S'agissant de la méthode mise en oeuvre par l'administration :
12. Au soutien du moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution de ses bénéfices par le service serait radicalement viciée dans son principe en raison de la méconnaissance par l'administration des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts et notamment de celles selon lesquelles les créances acquises et les dettes certaines doivent être retenues quelles que soient leur date de paiement ou d'encaissement effective, M. A... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
S'agissant de la prise en compte des justificatifs des charges exposées :
13. Pour la première fois en appel, s'agissant de la période antérieure au 1er janvier 2012, M. A... a produit, au titre de la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, l'ensemble des documents comptables, ainsi que des factures fournisseurs et clients et des relevés bancaires afin de confirmer le règlement des factures et, au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, les factures fournisseurs et les relevés bancaires. L'administration en a tiré les conséquences en cours d'instance en prononçant les dégrèvements cités au point 3 du présent arrêt, d'un montant total de 193 638 euros, qui tiennent compte des charges déjà admises, lors du contrôle, en déduction des bénéfices ainsi que de la taxe à déduire de la taxe sur la valeur ajoutée collectée.
14. En ce qui concerne le complément de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt sur le revenu restant en litige, M. A... n'a pas produit, avant la clôture de l'instruction, certaines factures représentant 726,88 euros, dont 142,27 euros de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de l'exercice clos en 2010 (facture Chronoflex du 07/09), 4 447,05 euros, dont 872,07 euros de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de l'exercice clos en 2011 (factures Pons pneus, BCBTP et ST2P du 07/10, Molina du 4/11 et Pons du 5/11) et 17 913 euros, dont 3 510 euros de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de l'exercice clos en 2012 (factures Hydrocarbures du 7/11, Pole Mat du 8/11 et Molina du 6/12). Dans ces conditions, il n'est pas fondé à solliciter la prise en compte de ces charges et de la taxe qui les a grevées et, par voie de conséquence, à revendiquer la décharge des impositions demeurant en litige au-delà des montants déjà dégrevés par l'administration.
Sur les pénalités :
15. M. A... soutient, en premier lieu et pour la première fois en appel, que l'amende pénale à laquelle il a été condamné par jugement du tribunal de grande instance de Toulouse statuant en matière correctionnelle du 20 novembre 2017, sur le fondement du premier alinéa de l'article 1741 du code général des impôts, fait obstacle au maintien des majorations de 40 % prévues par le a) de l'article 1729 du même code en cas de manquement délibéré.
16. Le principe de nécessité des délits et des peines ne saurait interdire au législateur de fixer des règles distinctes permettant l'engagement de procédures conduisant à l'application de plusieurs sanctions afin d'assurer une répression effective des infractions. Si ce principe impose néanmoins au juge pénal de n'appliquer les dispositions de l'article 1741 qu'aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l'impôt, il demeure sans effet sur la faculté ouverte à l'administration d'infliger, sous le contrôle du juge administratif, la majoration prévue par les dispositions du a) de l'article 1729 du code général des impôts lorsqu'elle estime que les conditions en sont remplies.
17. M. A... reprend devant la cour le moyen tiré de ce qu'il n'est pas établi qu'il aurait eu l'intention d'éluder l'impôt, sans l'assortir d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande relativement au complément de taxe sur la valeur ajoutée et aux suppléments d'impôt sur le revenu qui demeurent en litige.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 2 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement d'un montant total de 193 638 euros intervenu en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00572