Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.
Par un jugement n° 1600648 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 5 avril 2018, 24 avril 2019 et 21 juillet 2020, M. et Mme A..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 février 2018 ;
2°) de les décharger du supplément d'impôt sur le revenu litigieux ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'exonération prévue par les dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts n'était pas applicable à la plus-value réalisée lors de la cession des actions de la société ATIM 1 que détenait M. A... en raison de ce que celui-ci n'avait pas atteint l'âge légal de départ à la retraite ;
- en effet, il a exercé de manière continue ses fonctions de directeur général au sein de la société cédée pendant les cinq années précédant la cession en percevant une rémunération, en 2010, supérieure à la moitié de ses revenus professionnels ; ainsi en tant que cofondateur de la société cédée, avec M. B..., l'autre co-fondateur - lequel a fait valoir ses droits à la retraite et a également exercé des fonctions de direction dans la société cédée durant les cinq années précédant la cession - il était en droit de bénéficier de l'exonération précitée ;
- par ailleurs, l'autre co-fondateur de la société ATIM, M. B..., qui avait également vu remettre en cause le bénéfice de l'abattement concerné, a obtenu un dégrèvement de la part de l'administration et eu égard à l'atteinte au principe d'égalité qui en découle la cour doit en conséquence également les décharger du supplément d'impôt sur le revenu contesté ;
- l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée, en l'absence de tout élément intentionnel en l'espèce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Un mémoire a été présenté le 30 novembre 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction, par le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 4 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
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Vu :
- le code général des impôts ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte enregistré le 18 novembre 2010, M. D... A... a cédé la totalité des 139 500 parts sociales qu'il détenait de la société ATIM 1, dont il était directeur général et associé à 50 %, au prix de 1 344 039 euros. Il a ensuite déclaré, au titre de l'année 2010, une plus-value de 1 326 833 euros, mais en appliquant un abattement de 100 % en se fondant sur les dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts. À la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a toutefois, par une proposition de rectification du 26 juillet 2013, remis en cause le bénéfice de l'abattement précité, en se fondant, à titre principal, sur la théorie de l'abus de droit, et à titre subsidiaire, sur la méconnaissance des conditions posées au bénéfice de cet abattement par l'article 150-0 D ter du code général des impôts. Cependant, l'administration a, par la suite, renoncé à poursuivre un abus de droit et a maintenu le chef de rectification notifié à titre subsidiaire.
2. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et qui trouve son origine dans la remise en cause du bénéfice de l'abattement de 100 % appliqué à la plus-value réalisée lors de la cession des actions de la société ATIM 1.
Sur la remise en cause de l'abattement de 100 % :
3. Aux termes de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " J. - L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique(...) aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : (...) 2° Le cédant doit : / a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 0 bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1°; (...) c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession ". Et qu'aux termes de l'article 74-0 P de l'annexe II au code général des impôts : " Pour l'application du c du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, la date à laquelle le cédant fait valoir ses droits à la retraite s'entend de la date à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de ses fonctions de direction ou, s'il n'a été affilié auprès d'aucun régime obligatoire de base pour cette activité, dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié au titre de sa dernière activité. /Le contribuable produit à l'administration fiscale, sur sa demande, les pièces que lui a adressées son régime mentionné au premier alinéa, sur lesquelles figure la date prévue audit alinéa ".
4. Il résulte des dispositions citées au point précédent qui, compte tenu de leur caractère dérogatoire, doivent être interprétées strictement, que le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, tenant notamment à l'exercice effectif de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés et à ce qu'il ait cessé toute fonction au sein de cette même société et fait valoir ses droits à la retraite au cours d'une période de quatre années allant de deux ans avant à deux ans après la cession. La date à laquelle l'intéressé est admis à faire valoir ses droits à la retraite s'entend de la date à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de ses fonctions de direction ou, à défaut, dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié au titre de sa dernière activité, cette date étant fixée, pour les personnes relevant des assurances sociales du régime général, sous réserve que les conditions d'octroi de la pension de vieillesse soient effectivement remplies, le premier jour du mois suivant le dépôt de la demande ou, si l'assuré en fait la demande, à une date ultérieure qui sera nécessairement le premier jour d'un mois.
5. Il est constant que, comme l'a relevé le tribunal, M. A... n'avait pas atteint l'âge légal de départ en retraite et ne remplissait donc pas l'une des conditions fixées au bénéfice de l'abattement prévu par l'article 150-0 D ter dont les appelants revendiquent l'application. Par voie de conséquence et alors, en outre, qu'il résulte de l'instruction que M. A... ne pouvait avoir exercé ses fonctions de directeur général de la société ATIM 1 durant cinq ans à la date de la cession des actions de celle-ci, soit le 8 novembre 2010, dans la mesure où cette société n'a été créée que le 9 décembre 2009, c'est à bon droit que le service a remis en cause le bénéfice de l'application de l'abattement revendiqué, sans que les appelants, qui n'ont sollicité ni en première instance ni en appel le bénéfice de la garantie offerte aux contribuables par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, puissent utilement se prévaloir, en tout état de cause, des circonstances, d'une part, que la société dont les actions ont été cédées procédait de la scission d'une société préexistante, la société ATIM, dans laquelle M. A... a exercé les fonctions de directeur général pendant plus de cinq ans et, d'autre part, que l'autre cofondateur des sociétés ATIM et ATIM 1, M. B..., a effectivement fait valoir ses droits à la retraite dans le délai de deux ans après la cession de ses actions de la société ATIM 1, intervenue simultanément à celle des titres détenus par M. A.... Au demeurant et à supposer même que les appelants puissent être regardés comme ayant entendu se prévaloir de la garantie offerte aux contribuables par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales en se référant à l'instruction publiée au bulletin officiel des impôts du 22 janvier 2007, sous la référence BOI 5C-1-07, au motif qu'elle prévoit que l'abattement peut être appliqué aux deux associés co-fondateurs, y compris à celui qui ne part pas à la retraite dans le délai légal, l'invocation de cet tempérament ne saurait être utilement opposée à l'administration dans la mesure où le § 146 de cette instruction dispose que l'autre cofondateur doit respecter lui-même toutes les conditions légales, alors qu'il est constant que la société ATIM 1 n'a été créée qu'en 2009 et qu'en conséquence aucun de ses cofondateurs ne pouvait satisfaire à la condition de durée d'exercice de fonctions de direction de cette société.
6. Par ailleurs, si les appelants paraissent, dans le dernier état de leurs écritures se prévaloir de ce que le principe d'égalité entre contribuables aurait été méconnu du fait que M. B... a bénéficié d'un dégrèvement du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti à la suite de la remise en cause en ce qui le concerne du même abattement, un tel moyen est sans influence sur le bien-fondé du supplément d'impôt sur le revenu mis à la charge des intéressés.
Sur les pénalités :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
8. Il est constant que si les appelants n'ont pas souscrit la déclaration spécifique 2074-DIR, afférente au plus ou moins values de cession de titres par les dirigeants d'une PME européenne, ils ont néanmoins expressément indiqué dans leur déclaration d'ensemble des revenus n° 2042-C qu'ils entendaient bénéficier de l'abattement institué par les dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts. En outre, les intéressés pouvaient être regardés, lors de la souscription de cette dernière déclaration, comme de bonne foi quant au respect par eux des conditions posées à l'application de cet abattement. Dans ces conditions et dans les circonstances de l'espèce, c'est à tort que leur a été infligée la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux ne leur a pas accordé la décharge de la pénalité pour manquement délibéré dont ont été assortis les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à M. et Mme A... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est accordé à M. et Mme A... la décharge de la pénalité pour manquement délibéré dont ont été assortis les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 février 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. et Mme A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.
Le président de la chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01374