Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux recours distincts, la société à responsabilité limitée unipersonnelle (SARLU) Hélène et Yasir a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision en date du 23 mars 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de
17 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, ensemble la décision en date du
12 juin 2017 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'annuler les titres de perception émis le 28 avril 2017 en vue du recouvrement de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mise à sa charge à hauteur de
2 309 euros et de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur mise à sa charge à hauteur de 17 600 euros, ainsi que d'annuler la décision en date du 5 juillet 2017 par laquelle le directeur de l'OFII a rejeté sa réclamation.
Par un jugement n°s 1703728, 1703729 le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé la décision en date du 23 mars 2017 en tant qu'elle met à la charge de la SARLU Hélène et Yasir une contribution forfaitaire d'un montant de 2 309 euros et la décision en date du 12 juin 2017 qu'elle rejette le recours formé contre la décision du 23 mars 2017 mettant à la charge de la SARLU la contribution forfaitaire et, d'autre part, a annulé les titres de perception n° 0008916 et 0008917 émis le 28 avril 2017, ensemble la décision de rejet de la réclamation préalable en date du 5 juillet 2017.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2019, la SARLU Hélène et Yasir, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 23 mars et 12 juin 2017 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en ce qu'il a mis à sa charge la somme de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger ;
2°) de mettre à la charge de l'OFII, outre les entiers dépens, la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le signataire de ces décisions était incompétent ;
- les décisions sont insuffisamment motivées ;
- il n'est pas établi que la procédure prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ait été respectée ;
- les trois critères définissant l'existence d'un contrat de travail sont cumulatifs ; en l'espèce, seul existait le critère de la prestation de travail, le temps de l'absence de la compagne de M. B... ; il ne s'agissait que d'une aide ponctuelle ; surtout, les faits relèvent de l'entraide familiale, occasionnelle et spontanée, dès lors que M. B... était pacsé avec
Mme E... et père de ses deux enfants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SARLU Hélène et Yasir la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 6 septembre 2016, à l'occasion d'un contrôle, les services de police ont relevé la présence en situation de travail dans l'épicerie " Vival by Casino " située 7 place commerciale Jolimont à Toulouse (Haute-Garonne) de M. C... B..., ressortissant pakistanais, né le 1er décembre 1986 à Gurjrat (Pakistan). Par un courrier du 10 octobre 2016, réceptionné le 13 octobre 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a informé l'employeur, la SARLU Hélène et Yasir, qu'un constat d'infraction avait été établi à son encontre pour l'emploi d'un travailleur étranger démuni d'autorisation de travail, qu'il était redevable de la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a invité à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Le 23 mars 2017, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société Hélène et Yasir la somme de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement. La société a formé un recours gracieux, rejeté par une décision du directeur de l'OFII en date du 12 juin 2017, à l'encontre de cette décision. Deux titres de perception ont été émis le 28 avril 2017 en vue du recouvrement de la contribution forfaitaire et de la contribution spéciale. La société requérante a demandé l'annulation des décisions du 23 mars 2017 et du 12 juin 2017 du directeur général de l'OFII et de prononcer la décharge des contributions litigieuses. Par un jugement n° 1703728, 1703729, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé la décision en date du 23 mars 2017 en tant qu'elle met à la charge de la SARLU Hélène et Yasir une contribution forfaitaire d'un montant de 2 309 euros et la décision en date du
12 juin 2017 qu'elle rejette le recours formé contre la décision du 23 mars 2017 mettant à la charge de la SARLU la contribution forfaitaire et, d'autre part, a annulé les titres de perception n° 0008916 et 0008917 émis le 28 avril 2017, ensemble la décision de rejet de la réclamation préalable en date du 5 juillet 2017. La société Hélène et Yasir demande la réformation de ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 23 mars et 12 juin 2017 du directeur général de l'OFII, en ce qu'il a mis à sa charge la somme de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.
Sur les conclusions à fin d'annulation et de décharge :
2. En application des dispositions combinées des articles L. 8251-1, L. 8253-1 et L. 8253-1 du code du travail, les employeurs qui emploient, pour quelque durée que ce soit, des ressortissants étrangers dépourvus de titre les autorisant à exercer une activité salariée en France sont redevables d'une contribution spéciale au bénéfice de l'OFII pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler. L'OFII est chargé de constater et de liquider cette contribution.
3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
4. Il résulte des énonciations du procès-verbal de constatation d'infraction, établi le
6 septembre 2016 à Toulouse par les services de police, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, conformément aux dispositions du premier alinéa des articles L. 8113-7 et L. 8271-8 du code du travail, que M. C... B..., ressortissant pakistanais, a été trouvé dans les locaux d'une épicerie à l'enseigne " Vival by Casino ", seul dans l'épicerie, et s'affairant sur le fonctionnement de la caisse enregistreuse et encaissant les courses de plusieurs clients. M. B... a déclaré spontanément aux policiers " remplacer sa conjointe, E... Hélène, gérante de l'épicerie, mais qu'il n'y travaille pas habituellement ". Ce procès-verbal ajoute que " sa demande de régularisation est en cours d'examen à la préfecture et qu'il se trouve donc en situation irrégulière sur le territoire national ".
5. Cependant, et alors au demeurant que, comme l'ont relevé les premiers juges, il est constant que M. B... était titulaire d'un accusé de réception de sa demande de titre de séjour en date du 17 mai 2016 et qu'en vertu de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si cet accusé de réception ne lui conférait pas un droit au travail, il devait être regardé comme une attestation de demande de délivrance d'un titre de séjour plaçant l'intéressé, qui au demeurant a obtenu un titre de séjour le 14 septembre 2016, en situation de séjour régulier, d'une part, il est également constant que M. C... B... et
Mme F... E... sont liés par un pacte civil de solidarité depuis le 8 janvier 2015, vivent ensemble et ont eu deux enfants, l'aîné né le 17 juillet 2016 et le cadet quelques mois avant le contrôle à l'origine de la sanction en litige. D'autre part, il résulte des procès-verbaux d'audition de M. B... du même jour que celui-ci a déclaré que sa femme subvenait à ses besoins, qu'il l'aidait de temps en temps à la supérette, qu'il l'avait remplacée le jour du contrôle le temps de son absence car elle avait rendez-vous chez son comptable, qu'elle lui donnait un peu d'argent de poche lui permettant de s'habiller et de faire quelques courses, et qu'il n'était ni déclaré ni employé par la société de sa femme. Il résulte du procès-verbal d'audition de Mme E..., en date du 8 septembre 2016, que celle-ci a déclaré que son compagnon la remplaçait " pas souvent mais de temps en temps " à l'épicerie, que le
6 septembre, elle lui avait demandé de la remplacer le temps qu'elle aille déposer des documents chez son comptable, que M. B... n'était ni déclaré ni rémunéré pour le travail qu'il effectuait ainsi à l'épicerie.
6. Ni ces énonciations ni aucune autre pièce du dossier, ne permettent d'établir que l'intéressé, qui mène une vie de famille avec sa compagne, avec laquelle il était pacsé depuis près de deux ans à la date du contrôle effectué, aurait effectué le travail litigieux en échange d'une rémunération, que lui aurait versée Mme E..., ni qu'il aurait été placé sous la direction, la surveillance et l'autorité de cette dernière, alors en outre qu'aux termes de l'article 515-4 du code civil, les partenaires de pacs sont tenus à une aide matérielle et à une assistance réciproques. Au surplus, la société requérante fait valoir sans être contredite qu'aucune convocation en justice n'a à ce jour été adressée à Mme E..., et a fortiori, aucune décision pénale n'a été rendue à son encontre. Par suite, les circonstances énoncées dans les procès-verbaux précités ne suffisent pas à démontrer l'existence d'une relation de travail, qui excèderait le cadre de la simple entraide familiale.
7. Il résulte de ce qui précède que la SARLU Hélène et Yasir est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a laissé à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 17 600 euros. Par suite, elle est également fondée à demander l'annulation des décisions du directeur de l'OFII des 23 mars et
12 juin 2017 en tant qu'elles ont mis à sa charge la contribution spéciale pour ce montant et à être intégralement déchargée du paiement de la somme en cause.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement à la SARLU Hélène et Yasir de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SARLU Hélène et Yasir, qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les décisions du directeur de l'OFII des 23 mars et 12 juin 2017 sont annulées en tant qu'elles mettent à la charge de la SARLU Hélène et Yasir un montant 17 600 euros au titre de la contribution spéciale.
Article 2 : La SARLU Hélène et Yasir est déchargée du paiement de la somme correspondante.
Article 3 : Le jugement n°s 1703728, 1703729 du tribunal administratif de Toulouse du
24 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'OFII versera à la SARLU Hélène et Yasir la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de l'OFII présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARLU Hélène et Yasir et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme G... D..., présidente-assesseure,
Mme I..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2021.
Le président,
Dominique Naves
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01239 2