Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze à lui verser une somme globale de 44 804,81 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2015.
Par un jugement n° 1600151 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 décembre 2018, 21 mars 2019 et 11 mars 2020, Mme F..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 octobre 2018 ;
2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze à lui verser la somme globale de 79 691,70 euros, subsidiairement la somme de 44 804,81 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande indemnitaire présentée devant le tribunal était recevable ;
- la chambre de commerce et d'industrie a méconnu le 3° de l'article 33 du statut des personnels administratifs des Chambres de commerce et d'industrie en ne respectant pas le délai de trois mois de préavis avant sa mise à la retraite d'office ;
- la chambre de commerce et d'industrie a méconnu l'article L. 1237-5 du code du travail dès lors qu'elle n'a pas sollicité son accord avant de la placer en retraite d'office ;
- elle a subi un préjudice moral de ce fait, qui doit être évalué à la somme de 10 000 euros et un préjudice financier, dès lors que la rupture du contrat doit être requalifiée en un licenciement, correspondant à l'indemnité de licenciement qui doit être évalué à la somme de 42 431,80 euros ;
- elle a perdu le bénéfice de la prime d'ancienneté prévue par l'article R. 22 du règlement intérieur du personnel administratif de la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze ; compte tenu de son dernier traitement mensuel brut de base, la chambre de commerce et d'industrie doit être condamnée à lui verser une somme de 6 287,42 euros ;
- la chambre de commerce et d'industrie a commis une faute en la maintenant à une classification pendant la période allant de juillet 2008 à septembre 2015, au cours de laquelle elle a été rémunérée à l'indice de qualification 320 correspondant à un emploi de niveau trois, alors que son emploi de chargé de formalités aurait justifié, depuis 2008, au minimum l'indice de qualification 345 ; des collègues ayant la même ancienneté et exerçant la même activité sont rémunérés depuis longtemps à l'indice 380 ; depuis le mois de janvier 2012, date retenue en raison de l'application de la prescription, elle a subi, en raison de cette classification insuffisante, un préjudice global de 5 972,48 euros ;
- elle a également subi un préjudice résultant de la discrimination, tant au plan salarial qu'au plan de l'organisation du service, dont elle a fait l'objet qui doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 février et 14 juin 2019, la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de Mme F... le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée par Mme F... devant le tribunal est irrecevable pour défaut de liaison du contentieux, en particulier en ce qui concerne sa mise à la retraite ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 1237-5 du code du travail est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de commerce ;
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... C...,
- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... F... a été recrutée le 1er mars 1976 en qualité de secrétaire par la chambre de commerce et d'industrie du pays de Brive, devenue la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze. À la suite d'un avenant du 4 octobre 1991, elle a été affectée au centre de formalités des entreprises et exerçait, en dernier lieu, les fonctions de chargée des formalités sur le site de Brive-la-Gaillarde de la chambre consulaire. Par une lettre du 3 septembre 2015, la chambre de commerce et d'industrie a notifié à Mme F... qu'elle serait mise à la retraite, au lendemain de son soixante-cinquième anniversaire, le 20 décembre 2015. Par un courrier du 3 novembre 2015, Mme F... a saisi la chambre de commerce et d'industrie d'une demande tendant à être indemnisée de préjudices subis en raison d'une discrimination, notamment salariale, et d'un harcèlement dont elle aurait fait l'objet. Dans ce même courrier, l'intéressée demandait également le report de sa mise à la retraite au 1er janvier 2016. Par une décision du 2 décembre 2015, notifiée le 5 décembre suivant, la chambre consulaire a rejeté la demande indemnitaire préalable de Mme F..., tout en reportant au 31 décembre 2015 sa date de départ à la retraite. Mme F... relève appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze à lui verser une indemnité d'un montant global de 44 804,81 euros qu'elle porte dorénavant à la somme de 79 691,70 euros.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d 'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers : " La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle. ". L'article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie dispose que " La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : (...) 3) Par mise à la retraite : tout agent ayant atteint l'âge de 65 ans peut être mis à la retraite par la CCI employeur qui l'emploie à condition de pouvoir prétendre au bénéfice d'une pension de retraite à taux plein sans décote dans le régime général de Sécurité Sociale. À défaut, il peut être mis à la retraite par la CCI de Région dès lors qu'il peut prétendre au bénéfice d'une pension de retraite à taux plein, sans décote, dans le régime général de Sécurité sociale et, ce, au plus tard à 70 ans. / Il perçoit, à ce titre, une allocation de fin de carrière telle que prévue à l'article 24 du présent Statut. / Tout agent est tenu de communiquer à son employeur qui le demande un relevé de carrière. / La CCI employeur informe l'agent concerné de son intention de le mettre à la retraite au moins 3 mois avant la date de départ prévue, par lettre recommandé avec demande d'avis de réception (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'une chambre de commerce et d'industrie a la faculté de mettre à la retraite tout agent titulaire ayant atteint l'âge de 65 ans à la condition que l'intéressé puisse prétendre au bénéfice d'une pension de retraite à taux plein sans décote dans le régime général de sécurité sociale. En outre, la chambre consulaire a l'obligation d'informer l'agent concerné de son intention de le mettre à la retraite au moins trois mois avant la date de départ prévue.
4. Il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze a, par lettre du 3 septembre 2015, notifié à Mme F... sa " mise à la retraite qui prendra effet le 20 décembre 2015 ", date à compter de laquelle elle serait âgée de 65 ans. L'intéressée doit ainsi être regardée comme ayant été informée, dans les délais de prévenance requis par les dispositions précitées, de l'intention de la chambre consulaire de la mettre à la retraite. Par ailleurs, la requérante ne conteste pas qu'à cette date, elle pouvait prétendre au bénéfice d'une pension de retraite à taux plein, sans décote, dans le régime général de Sécurité sociale, ainsi d'ailleurs que cela résultait notamment du relevé de carrière déjà établi au 3 avril 2008 par la caisse régionale d'assurance maladie du Centre-Ouest dans l'hypothèse d'un départ à la retraite de l'intéressée en 2010. Enfin, et alors que la situation de Mme F... est régie par le seul statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, elle ne peut utilement se prévaloir de l'application des dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la chambre de commerce et d'industrie aurait méconnu les dispositions précitées et aurait ainsi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité en décidant sa mise à la retraite au 20 décembre 2015, d'ailleurs reportée au 31 décembre suivant.
5. En deuxième lieu, selon l'article R. 22 du règlement intérieur du personnel administratif de la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze, adopté par la commission paritaire locale du 18 février 2011, une allocation d'ancienneté est allouée à chaque agent aux dates anniversaires de leur début d'activité consulaire, notamment une allocation d'un montant représentant deux mois et demi de salaire pour une période d'activité consulaire de quarante ans.
6. Il est constant que Mme F... a été recrutée par la chambre de commerce et d'industrie le 1er mars 1976 et ne justifiait donc pas, au moment de son admission à la retraite le 31 décembre 2015, de quarante années d'activité consulaire. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la chambre de commerce et d'industrie aurait commis une faute en ne lui allouant pas la prime d'ancienneté en cause.
7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un accord sur la classification nationale des emplois adopté en commission paritaire nationale le 28 mars 2006, la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze a procédé à une nouvelle classification des emplois qu'elle a mise en place à compter du 1er juillet 2008. L'emploi alors occupé par Mme F... a été qualifié d'assistante de centre de formalités des entreprises et a été classé au niveau 3 avec un indice de qualification de 320, tout comme l'emploi similaire occupé par sa collègue sur le même site de Brive, soit, selon l'accord du 28 mars 2006, au nombre des emplois qui participent à un ensemble d'activités relevant d'un champ de qualification professionnelle spécifique, mobilisant un enchaînement de tâches diversifiées et/ou le traitement d'informations multiples. Contrairement à ce que soutient la requérante, la classification de son emploi, qui a été définie selon cinq critères tenant à la responsabilité, la complexité, les connaissances acquises, les exigences relationnelles internes et externes et la latitude d'action, a tenu compte notamment de l'existence de contraintes et d'autonomie de son emploi. Si Mme F... soutient qu'un indice de qualification supérieure a été attribué à des agents au sein d'autres chambres de commerce et d'industrie, cette circonstance se saurait à elle seule caractériser une rupture d'égalité dès lors qu'il n'est pas établi que les emplois en cause au sein d'organisations différentes présenteraient les mêmes caractéristiques que le sien. Par ailleurs, à la suite d'un nouvel accord sur la classification nationale des emplois des chambres consulaires, intervenu après la régionalisation de celles-ci et adopté par la commission paritaire nationale du 20 avril 2015, l'emploi occupé par Mme F... a été rattaché à l'emploi national de chargé de formalités, classé au niveau 4, avec un indice de qualification de 345 et tenait compte de l'évolution des tâches qui lui étaient confiées. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la rémunération qui a été attribuée à Mme F..., que ce soit après l'accord national de 2008 ou après celui de 2015, aurait été entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, ses conclusions tendant à être indemnisée d'un préjudice financier constitué d'un déficit de rémunération subi depuis le mois de janvier 2012 doivent être rejetées.
8. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la discrimination salariale alléguée par Mme F... n'est pas établie. Par ailleurs, Mme F... n'apporte pas d'éléments susceptibles d'établir que son changement de bureau intervenu au cours du mois de mars 2015 aurait été motivé par des considérations étrangères à l'organisation du service. Par suite, la requérante n'est pas plus fondée à demander une indemnisation à ce titre.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande présentée devant le tribunal, que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande indemnitaire.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande Mme F... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions de mettre à la charge de Mme F..., partie perdante à l'instance, la somme de 1 500 euros à verser à la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Mme F... versera à la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... et à la chambre de commerce et d'industrie de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. D... C..., président-assesseur,
Mme Charlotte Isoard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.
Le rapporteur,
Didier C...
Le président,
Marianne HardyLe greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04204