Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1902248 du 20 février 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer un titre de séjour " salarié " ou " travailleur temporaire " ou étudiant dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et de régulariser sa situation dans l'attente de la délivrance d'un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour,
- son droit d'être entendu, qui est un principe général du droit de l'Union, a été méconnu, dès lors qu'il a transmis au préfet de nouveaux éléments, relatifs à un contrat d'apprentissage conclu dans le cadre d'une formation, qui ont été reçus par le préfet le 14 novembre 2019, soit plusieurs jours avant la notification de la décision ; or, c'est la date de notification qu'il convient de retenir et non celle, retenue par le tribunal administratif, de l'édiction de la décision ;
- il a porté à la connaissance du préfet dès le 7 août 2019 sa pré-inscription auprès du CFA du bâtiment ;
- en se bornant à examiner son droit de se voir délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à l'aune de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans rechercher s'il pouvait bénéficier d'un tel titre en application de l'article L. 313-11 du même code, le préfet a commis une erreur de droit ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation à l'aune de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en application de l'article L. 313-7 et du 1° de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est à tort que le préfet a retenu qu'il n'avait pas fait suffisamment diligence pour compléter son dossier de demande de titre de séjour ; c'est également à tort qu'il a estimé qu'il était sans ressources, dès lors qu'il a fourni une attestation de prise en charge avec les pièces nécessaires ; de plus, le 14 novembre, il a fourni une demande d'autorisation de travail signée le 12 novembre 2019 dans le cadre d'une formation en apprentissage, avec une rémunération de 660,05 euros par mois ;
- il est arrivé en France mineur, à l'âge de 16 ans, n'a plus personne dans son pays d'origine, a fait des études et a droit à un titre sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, elle est privée de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2020, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par décision du 16 avril 2020, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., né le 19 février 2000 en Côte d'Ivoire, de nationalité ivoirienne, relève appel du jugement du 20 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré mineur sur le territoire français, a fait l'objet, le 16 mars 2017, d'un jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants F...), le confiant à M. et Mme A..., résidant à Aubazine en Corrèze, pour une durée de trois mois. Par ordonnance du 15 mai 2017, le juge pour enfants du même tribunal a ordonné son placement auprès de M. et Mme A... jusqu'à sa majorité. Scolarisé au sein du lycée René Cassin de Tulle, il a obtenu, en juin 2018, un brevet d'études professionnelles (BEP) des métiers de l'électricité et de ses environnements connectés et, en juillet 2019, un baccalauréat professionnel dans la même spécialité, avec la mention " assez bien ". Il s'est inscrit pour l'année 2019-2020 au centre de formation des apprentis du bâtiment de Tulle dans le but de préparer en alternance un brevet de technicien supérieur (BTS) dans la spécialité fluides, énergies, domotique, option génie climatique et fluidique. Dans ce cadre, il a conclu avec la société Engie énergie un contrat d'apprentissage du 12 novembre 2019 au 30 juin 2021. Enfin, il ressort des bulletins scolaires de l'intéressé, de l'attestation du proviseur du lycée où il a passé son baccalauréat, ainsi que de l'attestation de M. et Mme A..., que M. B... fait preuve d'une grande volonté d'intégration. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Corrèze, en lui refusant le titre de séjour sollicité, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M.B....
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
4. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à M. B... un titre de séjour l'autorisant à travailler. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à cette délivrance, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
5. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle et, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D... renonce à percevoir la part contributive de l'État, de mettre à la charge de ce dernier, pour le compte de Me D..., la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 février 2020 du tribunal administratif de Limoges et l'arrêté du préfet de la Corrèze du 12 novembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Corrèze de délivrer à M. B... un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera une somme de 1 200 euros à Me D... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme G..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.
Le président de chambre
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01737