Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... D... a demandé au tribunal administratif de La Martinique d'annuler la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'association martiniquaise d'éducation populaire (AMEP) à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 12 décembre 2016 refusant d'autoriser son licenciement pour motif disciplinaire, a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 12 décembre 2016 et a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1700715 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de
La Martinique a annulé la décision du 5 octobre 2017 du ministre du travail.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 mars 2019 et le 9 novembre 2020, l'AMEP, représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Martinique du
4 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la requête présentée par M. D... devant le tribunal administratif de La Martinique ;
3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont estimé à tort que M. D... avait été privé de l'entretien préalable au licenciement ;
- son conseil avait qualité pour saisir en son nom et pour son compte le ministre du travail d'un recours hiérarchique ;
- la demande d'autorisation de licenciement pouvait ne pas faire mention du mandat de défenseur syndical de M. D... qu'il a obtenu postérieurement à la saisine de l'inspecteur du travail ;
- les faits reprochés au salarié n'étaient pas prescrits dès lors qu'un fait antérieur à deux mois peut être pris en considération lorsque, comme en l'espèce, le comportement dudit salarié s'est poursuivi ;
- contrairement à ce qu'a soutenu M. D..., l'autorisation de licenciement indiquait que son comportement avait désorganisé l'activité de l'association ;
- aucune modification du contrat de travail de ce salarié ne lui a été illégalement imposée ;
- les absences injustifiées de M. D... sont constitutives d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2020, M. D..., représenté par
Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'AMEP de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par l'AMEP n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2020, le ministre du travail renvoie au mémoire en défense produit devant le tribunal administratif le 10 septembre 2018 dans lequel il s'en remettait à la sagesse de cette juridiction.
Par une ordonnance du 9 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au
12 janvier 2021.
Un mémoire pour M. D... a été enregistré le 13 janvier 2021.
Un mémoire pour l'AMEP a été enregistré le 25 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... A...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant l'AMEP.
Une note en délibéré a été enregistrée le 26 janvier 2021 pour l'AMEP.
Considérant ce qui suit :
1. L'association martiniquaise d'éducation populaire (AMEP), qui gère des activités d'enseignement et des activités parascolaires, a engagé M. G... D... en qualité de formateur dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à compter du 8 octobre 2010 puis en qualité d'assistant en ressources humaines dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2013. Par un courrier en date du 24 octobre 2016, reçu par l'inspecteur du travail le 25 octobre 2016, le président du conseil d'administration de l'AMEP a demandé l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. D... par ailleurs conseiller prud'homal depuis le 9 décembre 1992 et défenseur syndical depuis le 9 novembre 2016. Par une décision en date du 12 décembre 2016, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de ce salarié au motif que les faits qui lui étaient reprochés se trouvaient prescrits. Par un courrier en date du 14 février 2017, reçu le 15 février 2017 par le ministre du travail, l'AMEP a exercé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision. Par une décision expresse en date du 5 octobre 2017, le ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 16 juin 2017 du silence gardé sur la demande de l'AMEP, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 décembre 2016 et a autorisé le licenciement de M. D.... L'AMEP relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de La Martinique a annulé la décision du 5 octobre 2017 du ministre du travail.
2. Pour annuler la décision du 5 octobre 2017 du ministre du travail, le tribunal administratif de La Martinique s'est fondé sur le fait qu'elle était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que M. D... n'a pas bénéficié d'un entretien préalable à la demande d'autorisation de licenciement.
3. Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. ". Aux termes de l'article R. 2421-3 du même code : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail ".
4. Il est constant que, par un courrier en date du 16 septembre 2016, M. D... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 28 septembre 2016 à
8 heures 30 au siège de l'AMEP situé 183 route de la Redoute à Fort-de-France. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'une attestation établie par M. H... qui l'a accompagné, que M. D... s'est rendu aux date, heure et lieu mentionnés dans la convocation et que les grilles de l'établissement abritant le siège de l'association sont restées fermées jusqu'à au moins 9 h 05, heure à laquelle ils ont décidé de quitter les lieux. La fermeture de l'établissement est notamment corroborée par les données météorologiques et les informations de la presse locale produites devant les premiers juges dont il ressort que, le
28 septembre 2016, les établissements scolaires étaient fermés en raison du passage d'une tempête. Si l'AMEP, qui n'avait pas produit d'observations en première instance, soutient pour la première fois en appel que, le 28 septembre 2016, le président du conseil d'administration de l'association était présent dans les locaux de l'établissement où il a en vain attendu M. D... entre 7 h 15 et 11 h, elle se borne à produire une attestation établie le
2 novembre 2020 par le président du conseil d'administration lui-même. Il n'est par ailleurs ni établi ni même allégué que l'entretien préalable, qui ne s'est effectivement pas déroulé le
28 septembre 2016, aurait été reporté à une autre date antérieure à la demande d'autorisation de licenciement présentée le 24 octobre 2016.
5. L'absence d'un entretien préalable est de nature à vicier la procédure suivie par l'employeur et constitue, par suite, une formalité essentielle dont l'omission entache d'illégalité la décision du 5 octobre 2017 par laquelle le ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'AMEP à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 12 décembre 2016 refusant d'autoriser le licenciement de
M. D... pour motif disciplinaire, a annulé cette décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de ce salarié.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'AMEP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Martinique a annulé la décision du ministre du travail du 5 octobre 2017.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'AMEP demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AMEP la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'AMEP est rejetée.
Article 2 : L'AMEP versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association martiniquaise d'éducation populaire (AMEP), à M. G... D... et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Copie en sera adressée au directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... A..., présidente-assesseure,
Mme I..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er mars 2021.
Le rapporteur,
Karine A...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00952