Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de La Réunion demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel L... a délivré à M. C... B... un permis de construire pour une maison d'habitation sur la parcelle EV 1550 sur un terrain situé à Grand-Bois, chemin Parc Cabris, ainsi que la décision par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.
Par un jugement n° 1700660 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19BX02856 le 6 juillet 2019 et le 4 avril 2020, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 16 mai 2019 ;
2°) de rejeter la demande du préfet ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 640,50 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées ;
- le permis de construire du 23 janvier 2017 doit être regardé comme un permis de construire modificatif, dès lors que L... lui avait délivré un premier permis de construire le 4 novembre 2013 dont le préfet de La Réunion n'a pas demandé l'annulation, et alors qu'il avait entrepris des travaux ;
- le permis de construire en litige ne méconnaît pas l'article A1 du plan local d'urbanisme, dès lors que la construction est nécessaire à son activité, que la hauteur du bâtiment est conforme et que, s'agissant d'une dépendance de bâtiments implantés pour les gîtes, la distance minimum ne s'applique pas.
Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2019, la commune de Saint-Pierre, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700660 du 16 mai 2019 du tribunal administratif de la Réunion ;
2°) de rejeter la demande du préfet ;
3°) de mettre à la charge du préfet de La Réunion la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative n'ont pas été respectées ;
- l'auteur du recours gracieux n'était pas compétent ;
- l'auteur de la requête présentée devant le tribunal administratif de La Réunion n'était pas compétent ;
- la notification du déféré préfectoral à M. B... était irrégulière, en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de justice administrative ;
- le classement de la parcelle EV 1550 en zone A par le plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation justifiant que les dispositions relatives à la zone A ne soient pas appliquées.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2020, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 19BX03389 le 16 août 2019, la commune de Saint Pierre, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700660 du 16 mai 2019 du tribunal administratif de la Réunion ;
2°) de rejeter la demande du préfet ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative n'ont pas été respectées ;
- l'auteur du recours gracieux n'était pas compétent ;
- l'auteur de la requête présentée devant le tribunal administratif de La Réunion n'était pas compétent ;
- la notification du déféré préfectoral à M. B... était irrégulière, en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de justice administrative ;
- le classement de la parcelle EV 1550 en zone A par le plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation justifiant que les dispositions relatives à la zone A ne soient pas appliquées.
Par un mémoire, enregistré le 4 avril 2020, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 16 mai 2019 ;
2°) de rejeter la demande du préfet ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 640,50 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées ;
- le permis de construire du 23 janvier 2017 doit être regardé comme un permis de construire modificatif, dès lors que L... lui avait délivré un premier permis de construire le 4 novembre 2013 dont le préfet de La Réunion n'a pas demandé l'annulation, et alors qu'il avait entrepris des travaux ;
- le permis de construire en litige ne méconnaît pas l'article A1 du plan local d'urbanisme, dès lors que la construction est nécessaire à son activité, que la hauteur du bâtiment est conforme et que, s'agissant d'une dépendance de bâtiments implantés pour les gîtes, la distance minimum ne s'applique pas.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme K... E...,
- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 janvier 2017, L... a délivré à M. B..., au nom de la commune, un permis de construire pour la réalisation d'une construction à usage d'habitation sur la parcelle EV 1550 sur un terrain situé à Grand-Bois, chemin Parc Cabris. Dans le cadre du contrôle de légalité, le sous-préfet de Saint-Pierre a adressé au maire une lettre du 22 mars 2017 lui demandant de retirer le permis de construire. Le maire ayant refusé de donner suite à cette demande, le préfet de La Réunion a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'un déféré tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 23 janvier 2017. Par la requête n° 19BX02856, M. B... relève appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal a annulé ce permis de construire. Par la requête n° 19BX03389, la commune de Saint-Pierre relève appel de ce même jugement. Ces requêtes concernant le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions citées ci-dessus. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la commune de Saint-Pierre ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur la recevabilité du déféré du préfet de La Réunion :
4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du même code : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire en litige a été reçu en sous-préfecture de Saint-Pierre le 26 janvier 2017. Le préfet a alors formé un recours gracieux reçu en mairie de Saint-Pierre le 27 mars 2017. Ce recours était signé par M. H..., sous-préfet de Saint-Pierre. En cette qualité, il était compétent, en vertu des dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, pour adresser ce recours gracieux au maire et n'avait pas à justifier d'une délégation pour ce faire. Dans ces conditions, ce recours gracieux a pu régulièrement proroger le délai de recours contentieux contre le permis de construire en litige.
6. En deuxième lieu, par un arrêté du 10 juillet 2017, le préfet de La Réunion a donné délégation à M. D..., secrétaire général de la préfecture, et, en cas d'empêchement, à M. J..., sous-préfet, pour signer notamment tous les recours contentieux administratifs. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... n'aurait pas été absent ou empêché le 27 juillet 2017, date à laquelle le déféré a été signé par M. J.... Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du recours devant le tribunal administratif doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Réunion a informé M. B..., par un courrier du 27 juillet 2018, reçu le 28 juillet suivant, de ce que " Le code de l'urbanisme, et notamment son article R. 600-1 dispose qu'en cas de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme (...), le bénéficiaire soit informé de la procédure engagée. En conséquence, vous trouverez ci-joint copie du déféré que j'ai adressé à M. L... (...) ". Par ailleurs, M. B... ne conteste pas que la copie du recours contentieux du préfet était jointe à ce courrier, alors même qu'il faisait mention d'un déféré adressé au maire, cette erreur matérielle n'entachant pas la régularité de la notification. Dans ces conditions, l'ensemble des éléments à la disposition de l'intéressé lui permettait de comprendre de manière suffisamment claire que le préfet de La Réunion avait formé un recours contentieux à l'encontre de l'arrêté du 23 janvier 2017 lui délivrant un permis de construire. Par ailleurs, la circonstance que " l'autorité " à laquelle le déféré a été transmis n'ait pas été indiquée est sans incidence sur la régularité de la notification. Par suite, le moyen tiré de ce que M. B... n'aurait pas été informé du déféré formé par le préfet en méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.
9. Enfin, aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. (...) ".
10. La circonstance qu'un permis initial n'a pas été contesté ne fait pas obstacle à ce que le préfet puisse contester le permis modificatif de ce permis. Au surplus, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'à la demande de M. B..., L... a constaté que les travaux autorisés par le permis de construire du 4 novembre 2013 n'avaient été pas entrepris dans le délai de trois ans et qu'en conséquence ce permis était périmé. Ainsi, le permis de construire du 23 janvier 2017 ne pouvait être regardé comme un permis modificatif. Par suite, le moyen tiré de l'irrecevabilité du déféré en tant qu'il serait dirigé contre un prétendu permis de construire modificatif doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par le préfet de La Réunion devant les premiers juges étaient recevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
12. En premier lieu, aux termes de l'article Al du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Saint-Pierre, la réalisation de constructions à usage d'habitation est autorisée, dans la zone A à caractère agricole du territoire communal, " dans la limite de 170 m2 de surface de plancher, sous réserve que son implantation soit nécessaire au fonctionnement d'une exploitation agricole répondant aux règles du schéma départemental des structures agricoles. Cette implantation doit être notamment justifiée par la nécessité d'une présence permanente et rapprochée sur le site d'exploitation ".
13. La parcelle EV 1550 sur laquelle porte le permis de construire du 23 janvier 2017 est classée en zone agricole " A " par le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre. Si la commune fait valoir que le plan d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme mentionne la volonté d'ouvrir à l'urbanisation des espaces qui ne présentent aucun intérêt agricole ou qui sont difficiles à reconquérir en raison du mitage à outrance, il ne ressort pas des pièces du dossier que la parcelle en cause présenterait ces caractéristiques. En effet, bien que cette parcelle se situe à proximité d'un secteur urbanisé, elle s'ouvre toutefois, à l'ouest et au nord, sur un espace naturel agricole. La seule circonstance que le terrain de M. B... est desservi par les réseaux et bordé par une route ne permet pas, en l'espèce, de considérer que le plan local d'urbanisme approuvé en 2015, serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il classe cette parcelle en zone agricole.
14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les activités d'exploitation du gîte déjà édifié situé sur cette parcelle, de cultivateur de racines, légumineuses et fruits, d'apiculteur, ou d'éleveur de caprins de M. B... nécessitent la présence permanente de ce dernier sur le site, alors qu'au demeurant le seul document intitulé " bilan sanitaire d'élevage " établi en septembre 2018 versé au dossier ne permet pas d'établir la présence des huit caprins dont il est propriétaire sur le terrain du projet. Dans ces conditions, la construction projetée ne peut être regardée comme nécessaire au fonctionnement d'une exploitation agricole au sens des dispositions de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article A7 § 7.1 du règlement du PLU : " Les constructions doivent être implantées en retrait de toutes limites séparatives. Le recul mesuré horizontalement et perpendiculairement de tout point de la façade de la construction (...) au point le plus proche de la limite séparative, doit être au minimum de 5 mètres (...) ". L'article A7 § 7.2 précise : " Des implantations différentes peuvent être autorisées : - pour les dépendances, la possibilité d'être implantée en limite séparative est autorisée dès lors que le linéaire bâti contigu à la limite séparative n'excède pas 10 mètres (...) ". Enfin, selon l'article A10 § 10.2 du même règlement " la hauteur maximale des constructions mesurée verticalement par rapport au sol naturel avant travaux, est limitée à : / 7 mètres au faîtage, / 4 mètres à 1'égout du toit ou au sommet de l'acrotère ".
16. Il ressort du dossier de permis de construire que la construction envisagée aurait une hauteur à l'égout du toit de 5,03 mètres, supérieure à la limite autorisée par l'article A10 § 10.2 du règlement du plan local d'urbanisme. La circonstance que la hauteur du bâtiment soit inférieure à 7 mètres est sans incidence sur le respect des prescriptions de cet article, dont les conditions sont cumulatives, contrairement à ce que soutient M. B.... Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la maison à usage d'habitation autorisée par le permis de construire du 23 janvier 2017 serait une dépendance du gîte de M. B.... Dans ces conditions, la règle relative à la distance d'implantation en retrait des limites séparatives minimum de 5 mètres, dont il est constant qu'elle n'est pas respectée par le projet, était applicable. Par suite, le projet autorisé par le permis de construire ne respecte pas davantage les dispositions des articles cités ci-dessus du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre.
17. Il résulte de ce qui précède que ni M. B..., ni la commune de Saint-Pierre ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé le permis de construire du 23 janvier 2017. Dès lors, leurs requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 19BX02856 de M. B... et n° 19BX03389 de la commune de Saint-Pierre sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la commune de Saint-Pierre et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au préfet de La Réunion et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme I... A..., présidente,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme K... E..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2021.
La présidente,
Marianne A...
La République mande et ordonne au ministre de ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX02856, 19BX03389 2