Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1800542 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juillet 2019 et 16 octobre 2020, M. B..., représenté par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 juin 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- l'administration a pris position, dans le cadre de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, dans un courrier du 21 juin 2011, sur la situation de la résidence " Les Mas de Compostelle " au regard des dispositions de l'article 261 du code général des impôts ;
- la SARL Saint-Jacques Investissements est en mesure de fournir, en plus de l'hébergement, les services d'accueil, de ménage, de lingerie et de petit déjeuner, et ne peut dès lors être exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 261 D du code général des impôts ;
- il a droit au bénéfice de la réduction d'impôt en faveur des acquisitions de logements destinés à la location meublée de l'article 199 sexvicies du code général des impôts ;
- selon la doctrine administrative, les résidences doivent être occupées par au moins 70 % d'étudiants, sur une période de référence de trois mois, du 1er octobre au 31 décembre.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 février et 12 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J...,
- les conclusions de M. A... F...,
- et les observations de Me C..., substituant Me I..., représentant M. B... D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B... a acquis auprès de la SCI Les Hauts Saint-Michel un appartement en état futur d'achèvement dans un ensemble immobilier dénommé la résidence " Les Mas de Compostelle " à La Souterraine (Creuse), donné à bail commercial à la SARL Saint-Jacques Investissements, chargée de l'exploitation de la résidence. Il a placé cette opération sous le régime fiscal du loueur en meublé non professionnel prévu par les dispositions de l'article 199 sexvicies du code général des impôts et soumis son activité de loueur en meublé à la taxe sur la valeur ajoutée. En 2015, la SARL Saint-Jacques Investissements a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle le service a considéré que son activité de location en meublée était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée et lui a notifié des rappels de taxe. Par proposition de rectification du 8 juillet 2015, M. B... a été informé de ce que la location du logement meublé qu'il consentait à la SARL Saint-Jacques Investissements ne pouvait être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ce qui faisait obstacle à la déduction de la taxe versée en amont, et que l'opération ne respectant pas les conditions posées par les dispositions de l'article 199 sexvicies du code général des impôts, il ne pouvait bénéficier de la réduction d'impôt qu'elles prévoient. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et un complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2012 et 2013 ont alors été mis en recouvrement. M. B... relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions ainsi mises à sa charge.
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...) ".
3. Ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises. Les critères définis par la loi et précisés par la jurisprudence n'exigent pas que les prestations para-hôtelières soient effectivement effectuées, mais seulement que la société dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes de ses clients.
4. La résidence " Les Mas de Compostelle ", qui se présente comme une résidence destinée aux étudiants, comporte six appartements, dont seuls quatre étaient livrés en 2013. Il s'agit d'appartement de type T2 ou T3 meublés, dont un seul était occupé par deux étudiantes colocataires en 2013, deux autres étant loués par des personnes n'ayant pas la qualité d'étudiant et le dernier étant vide. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 8 juillet 2015 adressée à M. B..., que lors de la vérification de comptabilité dont la SARL Saint-Jacques Investissements a fait l'objet, son gérant, M. B..., a précisé au vérificateur que trois services étaient proposés au locataire, la fourniture du petit déjeuner, le nettoyage des locaux et la fourniture du linge de maison. Le vérificateur n'ayant trouvé aucune trace en comptabilité de dépenses afférentes à ces prestations, et constaté que la société ne disposait d'aucun personnel sur place, le gérant lui a expliqué qu'aucun locataire n'était intéressé par le ménage et la fourniture de linge et que, s'agissant du petit déjeuner, un local était mis à disposition et que le café était acheté par M. B... " à titre personnel ". Estimant que la société n'était pas en mesure de fournir aux résidents trois des prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, le service vérificateur a considéré que la société n'était pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et que, dès lors, elle ne pouvait déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée auprès de ses fournisseurs. En conséquence, l'administration a estimé que la location de l'appartement de M. B... était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée.
5. M. B... produit le prospectus de publicité de la résidence de 2013 qui mentionne, au titre des services inclus, l'accueil et le " kit linge " et, au titre des services " à la carte ", le ménage et le petit déjeuner. Il produit également un document qu'il présente comme la publicité pour les services affichée dans les locaux de la résidence, ainsi qu'une affiche, dont il soutient qu'elle est apposée sur la porte de la résidence, qui précise que l'accueil et la réception se font auprès de la société elle-même.
S'agissant du petit déjeuner :
6. Si comme il vient d'être dit, les publicités font état d'un service de petit déjeuner en option, il est constant que les contrats de bail ne le mentionnent pas. M. B... produit un procès-verbal d'huissier dressé le 8 juillet 2015 qui relève l'existence d'une cafétéria, sur les murs de laquelle les conditions du petit déjeuner sont affichées, comportant deux tables et trois chaises, ainsi qu'une kitchenette équipée d'un petit four, d'une machine à café, d'une bouilloire et de café et dosettes de sucre. Toutefois, d'une part, ce procès-verbal est postérieur à la période d'imposition en cause ainsi qu'au contrôle sur place, et, d'autre part, la circonstance qu'un local soit mis à disposition des locataires n'établit pas que la société disposait des moyens nécessaires pour assurer la fourniture du petit déjeuner dans des conditions similaires à celles pratiquées par un établissement hôtelier, alors qu'il est constant que, sur l'ensemble de la période contrôlée, sa comptabilité ne faisait apparaître aucune opération relative à cette prestation, tant en dépenses qu'en recettes.
S'agissant de la fourniture du linge :
7. Il résulte de l'instruction que, si le prospectus de publicité de la résidence de 2013 mentionne un " kit linge " au titre des services inclus, les contrats de bail ne font aucune référence à ce service. Lors de la vérification de comptabilité, le gérant de la SARL Saint-Jacques Investissements a précisé que la mention " kit linge " faisait uniquement référence à la fourniture, en début de location, d'une couette et d'un oreiller, avant d'expliquer que les draps et serviettes étaient fournis en supplément, selon un tarif hebdomadaire de 5 euros la paire de draps et 2 euros les deux serviettes. Si M. B... fait valoir que le constat d'huissier du 8 juillet 2015 fait état d'une " petite pièce en renfoncement " dans laquelle se trouvent oreillers, couettes, draps et taies d'oreiller, il est constant que sur l'ensemble de la période contrôlée, la comptabilité de la société ne fait apparaître aucune opération relative à cette prestation, tant en dépenses qu'en recettes, et en particulier aucun achat de draps et serviettes. Si le requérant fait également valoir que cette prestation était gérée par l'agence de la Marche et du Limousin, agence immobilière dont M. B... est également le gérant, qui a été chargée de la gestion locative de la résidence, il se borne à produire une " convention de mise à disposition " qui ne fait nullement mention d'un service de fourniture de linge que l'agence s'engagerait à prendre en charge. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Saint-Jacques Investissements disposait des moyens nécessaires pour assurer la fourniture du linge dans des conditions similaires à celles pratiquées par un établissement hôtelier.
8. Il résulte de ce qui précède qu'à supposer même établi que la SARL Saint-Jacques Investissements ait été en mesure, au titre des années en cause, d'assurer les prestations de nettoyage régulier des locaux et la réception de la clientèle, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'exonération prévue par le 4° de l'article 261 D du code général des impôts ne lui serait pas applicable.
En ce qui concerne l'existence d'un rescrit :
9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
10. Peuvent se prévaloir de la garantie prévue à l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.
11. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 10 juin 2011, la SCI Les Hauts Saint-Michel, qui a procédé à la création et à la commercialisation de la résidence " Les Mas de Compostelle ", a saisi l'administration d'une demande présentant son projet, et précisant " l'exploitant prendra l'engagement d'assurer 3 services obligatoires (...) : nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison, service petit déjeuner ". Dans sa réponse du 21 juin 2011, l'administration a constaté que " les conditions d'exploitations que vous décrivez permettent de regarder ces opérations d'hébergement comme similaires à celles rendues par les établissements hôteliers exploités de manière professionnelle ".
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que la SARL Saint-Jacques Investissements n'assure pas les trois services mentionnés dans le courrier du 10 juin 2011 et ne se trouve dès lors pas dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation de l'administration a porté. Par suite, M. B... ne peut se prévaloir de la prise de position contenue dans ce courrier.
Sur la réduction d'impôt sur le revenu :
13. En premier lieu, aux termes de l'article 199 sexvicies du code général des impôts : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre de l'acquisition, à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'au 31 décembre 2016, d'un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement ou d'un logement achevé depuis au moins quinze ans ayant fait l'objet d'une réhabilitation ou d'une rénovation ou qui fait l'objet de travaux de réhabilitation ou de rénovation si les travaux de réhabilitation ou de rénovation permettent, après leur réalisation, de satisfaire à l'ensemble des performances techniques mentionnées au II de l'article 2 quindecies B de l'annexe III, qu'ils destinent à une location meublée n'étant pas exercée à titre professionnel et dont le produit est imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux lorsque ce logement est compris dans : (...) 2° Une résidence avec services pour étudiants ; (...) III. Le propriétaire doit s'engager à louer le logement pendant au moins neuf ans à l'exploitant de l'établissement ou de la résidence. Cette location doit prendre effet dans le mois qui suit la date : / 1° d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure, pour les logements acquis neuf ou en l'état futur d'achèvement (...) ".
14. Outre la circonstance qu'il ne résulte pas de l'instruction que la résidence serait une " résidence avec services " au sens de ce texte, il est constant qu'en 2013, seuls quatre logements de la résidence étaient livrés, et trois confiés à bail à la SARL Saint-Jacques Investissements. Sur ces trois appartements, un seul était occupé par des étudiants et les deux autres étaient loués à des locataires n'ayant pas le statut d'étudiant. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la résidence ne pouvait être regardée comme " une résidence avec services pour étudiants ", et que, dès lors, M. B... ne pouvait bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu prévue par les dispositions de l'article 199 sexvicies du code général des impôts.
15. En second lieu, M. B... se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée 5 B-2-10 du 29 décembre 2009, qui précise : " La résidence avec services pour étudiants s'entend d'une résidence occupée par des étudiants à hauteur de 70 % et qui propose un minimum de services. (...) pour permettre à la résidence d'être qualifiée de résidence avec services, celle-ci doit proposer dans des conditions similaires aux établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle au moins trois des prestations suivantes : / - le petit déjeuner ; / - le nettoyage régulier des locaux ; / - la fourniture de linge de maison ; / - la réception, même non personnalisée, de la clientèle. /Ces dispositions sont identiques à celles qui sont retenues en matière d'imposition à la TVA, telles que prévues au b du 4° de l'article 261 D du CGI ".
16. La résidence " Les Mas de Compostelle " ne remplissait pas, pendant les années en cause, les conditions ainsi posées, dès lors, d'une part, que, comme il vient d'être dit au point 14, elle n'était pas occupée par des étudiants à hauteur de 70 % et, d'autre part, comme il a été dit aux points 3 à 8, qu'elle ne proposait pas trois des prestations énumérées par l'instruction du 29 décembre 2009.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme H..., présidente-assesseure,
Mme E... G..., première conseillère.
Rendu public par dépôt au greffe le 11 mars 2021.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03102