Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont il disposait à l'expiration du troisième trimestre de l'année 2015 à raison de l'acquisition d'un bien immobilier, d'autre part, d'annuler la décision du 23 février 2018 par laquelle la direction départementale des finances publiques de la Creuse a rejeté sa réclamation tendant à obtenir le bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu prévu par les dispositions de l'article 199 sexvicies du code général des impôts.
Par un jugement n° 1600384 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Limoges a donné acte du désistement des conclusions dirigées contre la décision du 23 février 2018 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juillet 2019 et 30 octobre 2020, M. G..., représenté par Me K..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 juin 2019 ;
2°) de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont il disposait à l'expiration du troisième trimestre de l'année 2015 à raison de l'acquisition d'un bien immobilier ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. G... soutient que :
- la SARL Saint-Jacques Investissements est en mesure de fournir, en plus de l'hébergement, les services d'accueil, de ménage, de lingerie et de petit déjeuner, et ne peut dès lors être exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 261 D du code général des impôts, comme le précisent la doctrine administrative (BOFIP - TVA - CHAMP-10-10-50-20 -20120912) et la réponse A... ;
- l'administration a pris position, dans le cadre de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, dans un courrier du 21 juin 2011, sur la situation de la résidence " Les Mas de Compostelle " au regard des dispositions de l'article 261 du code général des impôts ;
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 février et 17 novembre 2020, ce second mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme L...,
- les conclusions de M. B... H...,
- et les observations de Me D..., substituant Me K..., représentant M. G... E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... G... a acquis le 14 avril 2015, auprès de la SCI Les Hauts Saint-Michel, un appartement en état futur d'achèvement dans un ensemble immobilier dénommé la résidence " Les Mas de Compostelle " à La Souterraine (Creuse), donné à bail commercial à la SARL Saint-Jacques Investissements, chargée de l'exploitation de la résidence. Il a soumis son activité de loueur en meublé à la taxe sur la valeur ajoutée. En 2015, la SARL Saint-Jacques Investissements a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle le service a considéré que son activité de location en meublé était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée et lui a notifié des rappels de taxe au titre de cette période. Le 19 octobre 2015, M. G... a déposé, au titre du troisième trimestre 2015, une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 16 508 euros, afférent à l'acquisition et à l'aménagement de l'appartement. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet le 20 janvier 2016. M. G... relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont il disposait à l'expiration du troisième trimestre de l'année 2015.
Sur le terrain de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle (...) ".
3. Ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises. Les critères définis par la loi et précisés par la jurisprudence n'exigent pas que les prestations para-hôtelières soient effectivement effectuées, mais seulement que la société dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes de ses clients.
4. Il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
5. La résidence " Les Mas de Compostelle ", qui se présente comme une résidence destinée aux étudiants, comporte six appartements, de type T2 ou T3, meublés. La SARL Saint Jacques immobilier, à qui elle a été donnée à bail commercial, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2012 et 2013, au cours de laquelle son gérant, M. C... a précisé au vérificateur que trois services étaient proposés au locataire, la fourniture du petit déjeuner, le nettoyage des locaux et la fourniture du linge de maison. Le vérificateur n'ayant trouvé aucune trace en comptabilité de dépenses afférentes à ces prestations et constaté que la société ne disposait d'aucun personnel sur place, le gérant lui a expliqué qu'aucun locataire n'était intéressé par le ménage et la fourniture de linge et que, s'agissant du petit déjeuner, un local était mis à disposition et que le café était acheté par M. C... " à titre personnel ". Estimant que la société n'était pas en mesure de fournir aux résidents trois des prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, le service vérificateur a considéré que la société n'était pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et que, dès lors, elle ne pouvait déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée auprès de ses fournisseurs. En conséquence, les propriétaires des appartements ne pouvaient soumettre leur activité de loueur en meublé à la taxe sur la valeur ajoutée.
6. M. G... produit le prospectus de publicité de la résidence de 2013 qui mentionne, au titre des services inclus, l'accueil et le " kit linge " et, au titre des services " à la carte ", le ménage, le petit déjeuner et le service linge. Il produit également un document qu'il présente comme la publicité pour les services affichée dans les locaux de la résidence, ainsi qu'une affiche, dont il soutient qu'elle est apposée sur la porte de la résidence, qui précise que l'accueil et la réception se font auprès de la société elle-même.
S'agissant du petit déjeuner :
7. Si, comme il vient d'être dit, les publicités font état d'un service de petit déjeuner en option, il est constant que les contrats de bail, et notamment celui conclu le 23 août 2015 produit par M. G..., ne le mentionnent pas. M. G... produit un procès-verbal d'huissier dressé le 8 juillet 2015 qui relève l'existence d'une cafétéria, sur les murs de laquelle les conditions du petit déjeuner sont affichées, comportant deux tables et trois chaises, ainsi qu'une kitchenette équipée d'un petit four, d'une machine à café, d'une bouilloire et de café et dosettes de sucre. Toutefois, la circonstance qu'un local soit mis à disposition des locataires n'établit pas que la société disposait des moyens nécessaires pour assurer la fourniture du petit déjeuner dans des conditions similaires à celles pratiquées par un établissement hôtelier.
S'agissant de la fourniture du linge :
8. Il résulte de l'instruction que, si le prospectus de publicité de la résidence de 2013 mentionne un " kit linge " au titre des services inclus, et un " service linge " au titre des services en option, les contrats de bail, et notamment celui produit par M. G..., ne font aucune référence à ce service. Lors de la vérification de comptabilité, le gérant de la SARL Saint-Jacques Investissements a précisé que la mention " kit linge " faisait uniquement référence à la fourniture, en début de location, d'une couette et d'un oreiller, avant d'expliquer que les draps et serviettes étaient fournis en supplément, selon un tarif hebdomadaire de 5 euros la paire de draps et 2 euros les deux serviettes. Le vérificateur a toutefois noté que, sur la période vérifiée, la comptabilité de la SARL Saint-Jacques Investissements ne faisait apparaître aucune dépense, par exemple d'achat de draps ou serviettes, ni aucune recette relative à la fourniture de linge. M. G... produit un ticket de caisse du magasin " stokomani " de Limoges, daté du 17 août 2015, faisant état de l'achat de divers accessoires de salle de bain et d'un drap de bain et d'une serviette de toilette, sur laquelle son nom a été ajouté à la main, ainsi qu'un ticket de caisse de l'enseigne " Carrefour " du 30 juin 2015, portant sur une " parure housse ". Toutefois, à supposer même que ces achats soient destinés à son locataire, la circonstance qu'il lui aurait acheté du linge de maison n'établit pas, bien au contraire, que la SARL Saint-Jacques Investissements serait en mesure de fournir du linge de maison aux locataires de la résidence. Il produit également des factures établies le 7 juillet 2015 par le magasin à enseigne Leclerc de La Souterraine, au nom de l'agence de la Marche et du Limousin, portant sur l'acquisition de deux draps housses, et fait valoir que cette prestation était gérée par cette agence immobilière, chargée de la gestion locative de la résidence, sans toutefois apporter aucun élément au soutien de cette allégation. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Saint-Jacques Investissements disposait des moyens nécessaires pour assurer la fourniture du linge dans des conditions similaires à celles pratiquées par un établissement hôtelier.
9. Il résulte de ce qui précède qu'à supposer même établi que la SARL Saint-Jacques Investissements ait été en mesure, au titre des années en cause, d'assurer les prestations de nettoyage régulier des locaux et la réception de la clientèle, M. G... n'est pas fondé à soutenir que l'exonération prévue par le 4° de l'article 261 D du code général des impôts ne lui serait pas applicable.
Sur le terrain de la doctrine :
10. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
11. En premier lieu, M. G... ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOFIP-TVA-CHAMP-10-10-50-20-20120912, et de la réponse ministérielle à M. A..., député, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 2 juillet 2013, qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont fait application le présent arrêt.
12. En second lieu, peuvent se prévaloir de la garantie prévue à l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.
13. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 10 juin 2011, la SCI Les Hauts Saint-Michel, qui a procédé à la création et à la commercialisation de la résidence " Les Mas de Compostelle ", a saisi l'administration d'une demande présentant son projet, et précisant " l'exploitant prendra l'engagement d'assurer 3 services obligatoires (...) : nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison, service petit déjeuner ". Dans sa réponse du 21 juin 2011, l'administration a constaté que " les conditions d'exploitations que vous décrivez permettent de regarder ces opérations d'hébergement comme similaires à celles rendues par les établissements hôteliers exploités de manière professionnelle ".
14. Il résulte de ce qui précède que la SARL Saint-Jacques Investissements n'assure pas les trois services mentionnés dans le courrier du 10 juin 2011 et ne se trouve dès lors pas dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation de l'administration a porté. Par suite, M. G... ne peut se prévaloir de la prise de position contenue dans ce courrier.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme J..., présidente-assesseure,
Mme F... I..., première conseillère.
Rendu public par dépôt au greffe le 11 mars 2021.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03106