Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... K... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2001121 du 8 octobre 2020, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2020, Mme K..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement n° 2001121 du président du tribunal administratif de Limoges ;
3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 juillet 2020 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- le préfet a insuffisamment motivé sa décision en ne mentionnant pas état de l'état de santé de sa fille ;
- la décision a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa fille est atteinte de tétraplégie à la suite d'un accident de circulation ; le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a reconnu que l'absence de traitement médical aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; de tels soins ne sont pas effectivement disponibles dans son pays d'origine ; elle doit rester en France avec ses parents qui l'assistent quotidiennement.
Elle soutient, en ce qui concerne le pays de renvoi, que :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Mme K... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H... C...,
- et les observations de Me B..., représentant Mme K....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... K... est une ressortissante géorgienne née le 30 mars 1970 qui est entrée sur le territoire français en septembre 2019 avec son époux et sa fille. Elle a formulé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 28 novembre 2019 prise dans le cadre de la procédure accélérée en raison du fait que la Géorgie est considérée comme un pays d'origine sûr. Le recours que Mme K... a formé contre cette décision a été rejeté pour irrecevabilité par la Cour nationale du droit d'asile le 27 février 2020. Mme K... a par ailleurs déposé une demande de titre de séjour en qualité d'accompagnante de sa fille malade, que le préfet de la Haute-Vienne a rejetée par une décision du 24 juin 2020. Après le rejet de la demande d'asile de Mme K..., le préfet a pris à l'encontre de celle-ci un arrêté du 30 juillet 2020 portant retrait de l'attestation de demande d'asile, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi. Mme K... relève appel du jugement rendu le 8 octobre 2020 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 juillet 2020.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, à l'appui de son moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée, la requérante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'il constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme K..., E..., née le 14 novembre 2001, a été victime en juillet 2018 d'un accident de circulation en Géorgie à la suite duquel elle est devenue tétraplégique. Elle a été prise en charge en Géorgie où elle a subi une chirurgie de fixation cervicale puis a bénéficié d'une nouvelle opération et d'une thérapie physique d'entretien en Turquie à Istanbul. En France, la jeune E... a été hospitalisée du 20 au 24 juillet 2020 au centre hospitalier universitaire de Limoges pour un bilan fonctionnel, urodynamique et neurologique.
5. Mme K... fait valoir que l'état de santé de sa fille nécessite la mise à sa disposition d'un fauteuil roulant adapté à sa pathologie, d'un verticalisateur, d'un bracelet métacarpien thermoformé, d'un traitement médicamenteux ainsi que d'une sonde urinaire adaptée qui, selon elle, n'existent pas dans leur pays d'origine. Toutefois, les certificats médicaux produits au dossier, qui décrivent le traitement médical administré à la fille de la requérante, ne permettent pas d'estimer que celle-ci ne pourra effectivement accéder à une prise en charge médicale adaptée dans son pays d'origine. En particulier, le courrier daté du 27 juillet 2020 du ministère géorgien de la santé, selon lequel le modèle de sonde urinaire dont la jeune E... est équipée n'existe pas en Géorgie, ne permet pas de retenir que celle-ci serait dans l'impossibilité de bénéficier d'un modèle de sonde équivalent. De même, cette lettre du ministère géorgien, si elle indique que seuls les mineurs souffrant d'atteintes neurologiques bénéficient en Géorgie de soins de rééducation dans le cadre d'un programme d'Etat et précise par ailleurs les démarches administratives à suivre pour demander un fauteuil médical, ne permet pas d'estimer que la jeune E... ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée à sa pathologie, contrairement à ce qu'a estimé le préfet lors de l'instruction de la demande de titre de séjour, présentée par Mme K... en qualité d'accompagnante de sa fille malade, sur la base de l'avis du collège de médecins de l'OFII. Aucun élément du dossier ne corrobore les affirmations de la requérante selon lesquelles le personnel médical en Géorgie ne disposerait pas de la compétence nécessaire pour prendre en charge l'état de santé de la jeune E.... Enfin, l'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la cellule familiale dès lors que l'époux et la fille de la requérante ont aussi fait l'objet d'une mesure d'éloignement.
6. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme K..., entrée en France en septembre 2019, séjournait depuis moins d'un an sur le territoire français à la date de la décision attaquée. Son séjour en France, depuis qu'elle y est entrée à l'âge de 49 ans, a été rendu possible par le délai nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile et de sa demande de titre de séjour. Mme K... n'a, durant son bref séjour en France, tissé aucun lien privé particulier. Ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que la grave pathologie dont souffre la fille de la requérante depuis son accident ne pourra être prise en charge effectivement en Géorgie. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
7. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, la requérante n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.
8. En deuxième lieu, à l'appui de ses moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision attaquée et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la requérante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents du premier juge.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme K... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 20BX03654 de Mme K... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... K... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme J... D..., présidente,
M. H... C..., président-assesseur,
Mme G... I..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.
La présidente,
Elisabeth D... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX03654 2