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24/03/2021 | FRANCE | N°20BX03442

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 24 mars 2021, 20BX03442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle Biothy a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative de condamner la chambre des métiers et d'artisanat de Guyane à lui verser la somme de 195 000 euros à titre de provision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du neuvième jour suivant le prononcé de l'ordonnance à intervenir, assortie des intérêts moratoires d'un montant de 88

9,30 euros au 30 juin 2020 et une indemnité forfaitaire de recouvrement d'un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle Biothy a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative de condamner la chambre des métiers et d'artisanat de Guyane à lui verser la somme de 195 000 euros à titre de provision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du neuvième jour suivant le prononcé de l'ordonnance à intervenir, assortie des intérêts moratoires d'un montant de 889,30 euros au 30 juin 2020 et une indemnité forfaitaire de recouvrement d'un montant de 40 euros ainsi que la somme de 631,22 euros au titre des frais d'huissiers.

Par ordonnance n° 2000504 du 11 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a condamné la chambre des métiers et d'artisanat de la Guyane à verser à la société Biothy la somme de 195 000 euros à titre de provision, les intérêts moratoires dus sur la somme de 62 500 euros à compter du 5 juin 2020, une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement et la somme de 631,22 euros au titre des frais d'huissier engagés.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 octobre et 14 décembre 2020 sous le n° 20BX03442, la chambre des métiers de l'artisanat de la Guyane, représentée par Me B..., demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 11 septembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) de rejeter les demandes de la société Biothy présentées en première instance ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner à la société Biothy de constituer une garantie préalable ;

4°) de mettre à la charge de la société Biothy une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pu avoir accès à la procédure devant le premier juge, en raison de l'impossibilité d'accéder à Télérecours et n'a pu prendre connaissance de l'ordonnance attaquée que le 4 octobre 2020, de sorte que sa requête d'appel ne peut être regardée comme tardive ;

- de plus, la fin de non-recevoir opposée à sa requête par la société ne peut qu'être rejetée, le défendeur de première instance pouvant soulever tout moyen, y compris pour la première fois ;

- la demande de la société Biothy auprès du juge des référés aurait dû être rejetée pour irrecevabilité, en raison de ce qu'elle n'a pas été précédée d'une demande indemnitaire adressée à la chambre des métiers, la lettre de relance du 24 juin 2020 ne pouvant être tenue pour telle ;

- par ailleurs et contrairement à ce que prévoient les stipulations de l'article 11.3 du CCAG-FCS, la société Biothy n'a joint aucune pièce justificative à sa demande de paiement et n'a pas correctement exécuté ses prestations.

Par deux mémoires, enregistrés le 25 novembre 2020 et le 10 mars 2021, la société Biothy, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante le paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Elle soutient que :

- la chambre des métiers et de l'artisanat de la Guyane a eu connaissance de sa demande de première instance bien avant d'en prendre connaissance par Télérecours ;

- contrairement à ce que soutient l'appelante, sa demande était recevable ; ainsi, elle a sollicité, dès le 28 avril 2020, le paiement de l'acompte, puis, le 24 mai suivant, elle a demandé le paiement de cette avance et du solde, pour un montant de 195 000 euros, ensuite, le 23 juin suivant, sa demande a été signifiée par huissier, enfin, lorsque l'ordonnance est intervenue, une décision implicite de rejet avait été formée, dès le 23 août 2020 ;

- en revanche, les conclusions de la chambre des métiers et de l'artisanat contestant l'existence d'une obligation de paiement de sa part sont nouvelles en appel et, partant, irrecevables ;

- par ailleurs, l'obligation dont elle se prévaut n'est pas sérieusement contestable ; en effet, la chambre des métiers et de l'artisanat n'apporte aucun élément probant au soutien de son allégation selon laquelle les prestations n'auraient pas été exécutées ou l'auraient été de manière insatisfaisante et elle n'a réglé que la somme de 70 000 euros sur un total dû de 265 000 euros ;

- en outre, est également due une somme de 947,65 euros au titre des intérêts moratoires et de l'indemnité de recouvrement ;

- enfin, elle a droit au remboursement des frais d'huissier exposés pour tenter d'obtenir le paiement de sa créance.

II. Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2020 sous le n° 20BX03443, la chambre des métiers de l'artisanat de la Guyane, représentée par Me B..., demande au juge des référés de la cour :

1) d'ordonner le sursis à exécution de l'ordonnance du 11 septembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane ;

2) de mettre à la charge de la société Biothy une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution de cette ordonnance aurait pour elle des conséquences difficilement réparables, eu égard à sa situation financière très dégradée ;

- par ailleurs, les moyens articulés à l'encontre de l'ordonnance attaquée sont sérieux.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. C... en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La société Biothy, spécialisée dans la conception et la fabrication d'articles textiles d'hygiène et de santé, possède le matériel nécessaire à la production de produits textiles à grande échelle. En raison de la crise sanitaire et afin de faire face à la pénurie de masques, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane a engagé l'opération " solidarité masques 973 ", en passant un marché public, sans publicité ni mise en concurrence préalables, sur le fondement des dispositions des articles L. 2122-1 et R. 2122-1 et suivants du code de la commande publique. Le 16 avril 2020, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane a accepté l'offre technique et financière de la société Biothy consistant en la fabrication de 200 000 masques pour un montant de 530 000 euros. Le 30 avril 2020, la société Biothy a adressé une première facture d'un montant de 132 500 euros, correspondant à 25 % du prix du marché. La chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane n'a pas versé la somme réclamée dans le délai de trente jours suivant la réception de la facture, mais s'est bornée à procéder à un paiement de 70 000 euros, le 5 mai 2020. La société Biothy a ensuite adressé, le 14 mai 2020, une deuxième facture de 132 500 euros à la chambre de métiers et de l'artisanat. Le 24 mai 2020, en l'absence de règlement par celle-ci, la société Biothy l'a mise en demeure de payer les sommes dues, soit la somme de 62 500 euros non payée au titre de la première facture, ainsi que la somme de 132 500 euros au titre de la mise à disposition des pièces de tissu découpées, soit un total de 195 000 euros.

2. La chambre des métiers et de l'artisanat de la Guyane relève appel, par une requête n° 20BX03442, de l'ordonnance du 11 septembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Guyane l'a condamnée à verser, à titre provisionnel, la somme de 195 000 euros, les intérêts moratoires dus sur la somme de 62 500 euros à compter du 5 juin 2020, une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement et la somme de 631,22 euros au titre des frais d'huissier engagés. Elle demande, par ailleurs, par une requête n° 20BX03443, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

3. Les requêtes enregistrées sous les n° 20BX03442 et n° 20BX03443, présentées pour la chambre des métiers et de l'artisanat de la Guyane, concernent la même ordonnance et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule ordonnance.

Sur la requête n° 20BX03442 :

4. D'une part et aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

5. D'autre part et aux termes de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services : " 37.1. Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. /37.2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. /37.3. Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception du mémoire de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".

6. La chambre des métiers et de l'artisanat de la Guyane soutient, en premier lieu, que la demande de la société Biothy adressée au juge des référés du tribunal administratif de Guyane n'était pas recevable, faute d'avoir été précédée d'une décision prise sur une réclamation. Toutefois, il résulte de l'instruction que, comme il a été dit au point 1 de la présente ordonnance, la société intimée a adressé, le 24 mai 2020, à la chambre des métiers et de l'artisanat une mise en demeure de régler la somme de 195 000 euros correspondant au paiement restant à effectuer des prestations effectuées en exécution du marché conclu le 24 avril précédent puis lui a signifié par huissier, le 23 juin suivant, une nouvelle demande de paiement de la somme précitée. Il suit de là qu'en vertu des stipulations susrappelées et en l'absence de réponse de la chambre des métiers et de l'artisanat, une décision de rejet de la réclamation est née au plus tard le 23 août 2020. En conséquence, lorsque l'ordonnance attaquée est intervenue, le 11 septembre suivant, il existait une décision de l'organisme consulaire appelant rejetant la demande de paiement de la somme de 195 000 euros. Par voie de conséquence, la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance de la société Biothy doit être écartée.

7. Il résulte, en deuxième lieu, de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause, valant acte d'engagement, que la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane devait verser 132 500 euros, soit 25 % du prix du marché public, à la commande et dans un délai d'un mois après réception de la facture, puis 25 % de ce même prix à la mise à disposition des pièces de tissus découpées, et dans un délai d'un mois après réception de la facture. Or, il est constant que la chambre des métiers et de l'artisanat a versé seulement 70 000 euros qui ont été versés au titre de la première facture, du 17 avril 2020, et a ensuite refusé de procéder à quelque paiement que ce soit, malgré l'émission, le 14 mai 2020, de la seconde facture puis la signification par huissier, le 23 juin suivant, d'une mise à demeure de régler le solde de la première facture et l'intégralité de la seconde. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la société Biothy a exécuté entièrement la deuxième phase, qui consistait à mettre à disposition des pièces de tissus découpées afin de permettre la confection de 200 000 masques, puisqu'elle a découpé 333 474 pièces de tissus, réparties en 213 674 masques et 119 800 lanières, conformément à l'acte d'engagement. Par suite et ainsi que l'a estimé le premier juge, la créance de 195 000 euros dont se prévaut la société Biothy présente, dans son principe et dans son montant, un caractère non sérieusement contestable et c'est à bon droit que l'ordonnance attaquée a condamné, à l'article 1er de son dispositif, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane au versement d'une provision d'un montant de 195 000 euros.

8. En troisième et dernier lieu, la chambre des métiers et de l'artisanat ne soulève aucun moyen à l'encontre des articles 2 et 3 de l'ordonnance attaquée, par lesquels le premier juge l'a condamnée à verser à la société Biothy les intérêts moratoires dus sur la somme de 62 500 euros à compter du 5 juin 2020, une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement et une somme de 631,22 euros en réparation des frais d'huissier qu'elle a engagés.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la société Biothy, que la chambre des métiers et de l'artisanat de la Guyane n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Guyane qui l'a condamnée à verser, à titre provisionnel, la somme de 195 000 euros, les intérêts moratoires dus sur la somme de 62 500 euros à compter du 5 juin 2020, une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement et la somme de 631,22 euros au titre des frais d'huissier engagés.

Sur la requête n° 20BX03443 :

10. Aux termes de l'article R. 533-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'appel est interjeté d'une ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué en application de l'article R. 532-1, le président de la cour administrative d'appel, ou le magistrat désigné par lui, peut immédiatement et à titre provisoire suspendre l'exécution de cette ordonnance si celle-ci est de nature à préjudicier gravement à un intérêt public ou aux droits de l'appelant ".

11. La présente ordonnance statue sur la requête, enregistrée sous le n° 20BX03442, tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 2000504 du 11 septembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Guyane. Par suite, la requête, enregistrée sous le n° 20BX03443, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance est devenue sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Guyane la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Biothy et non compris dans les dépens.

13. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient accueillies les conclusions de même nature présentées par la chambre des métiers et de l'artisanat appelante.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20BX03443.

Article 2 : La requête n° 20BX03442 est rejetée.

Article 3 : La chambre des métiers et de l'artisanat de la Guyane versera à la société Biothy une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la chambre des métiers et de l'artisanat de la Guyane et à la société par actions simplifiée unipersonnelle Biothy.

Fait à Bordeaux, le 24 mars 2021.

Le juge d'appel des référés,

C...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

7

No 20BX03442-20BX03443


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 20BX03442
Date de la décision : 24/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : OSBORNE CLARKE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-24;20bx03442 ?
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