Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, qui par une ordonnance de renvoi n° 2001156 du 9 mars 2020 a transmis le dossier de sa requête au tribunal administratif de Bordeaux, d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2001529 du 3 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 août 2020, M. D..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 15§1 de la convention franco-turque du 20 janvier 1972 ;
- la décision méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il entre dans la catégorie des personnes pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle total par une décision du 8 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., de nationalité turque, né le 1er janvier 1985, qui a déclaré être entré en France le 24 septembre 2019, a fait l'objet, le 27 février 2020, à la suite de son interpellation à Blagnac par les service de police, d'un arrêté du préfet de la Haute-Garonne portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du 3 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il indique en particulier à cet égard la date et les conditions de l'entrée et du séjour en France de M. D... et fait état de sa situation personnelle et familiale, notamment du fait que son épouse et ses enfants résident en Turquie. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, la motivation de l'arrêté en litige révèle qu'il a été procédé à examen particulier de la situation de M. D....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
5. M. D..., qui a déclaré être entré sur le territoire français au cours du mois de septembre 2019, y réside depuis lors de manière irrégulière. Son épouse et ses deux enfants vivent toujours en Turquie. S'il se prévaut de la relation qu'il entretient avec une ressortissante française chez laquelle il serait hébergé depuis le mois de février 2020, l'ancienneté et la stabilité de cette relation récente n'est pas suffisamment établie. Ni le fait que M. D... souhaiterait une vie de couple durable avec sa compagne ni la circonstance qu'il soit venu exercer une activité professionnelle en France afin de financer un traitement médical pour sa fille malade demeurée en Turquie ne sont de nature à lui conférer un droit à séjourner sur le territoire français. Dès lors, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il entre dans la catégorie de ceux qui peuvent bénéficier d'un titre de séjour de plein droit en application des dispositions précitées faisant ainsi obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
6. En quatrième lieu, M. D... ne saurait utilement opposer les stipulations de l'article 15§1 de la convention générale du 20 janvier 1972 sur la sécurité sociale entre la République française et la République de Turquie, qui ont uniquement pour objet de réglementer les obligations réciproques des Etats en matière de sécurité sociale et n'ont, par suite, ni pour objet, ni pour effet d'instituer une procédure particulière permettant la délivrance d'un titre de séjour.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. D..., entré en France selon ses déclarations au mois de septembre 2019, se prévaut de la circonstance qu'il entretient une relation avec une ressortissante française chez laquelle il réside depuis le mois de février 2020. Toutefois, cette relation est récente et n'est pas suffisamment justifiée par les pièces produites par l'intéressé qui se borne à verser une attestation d'hébergement établie par cette ressortissante française. S'il indique également apprendre le français, cette circonstance ne peut suffire à justifier d'une insertion significative dans la société française. Il ressort des pièces du dossier que M. D... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent notamment son épouse et ses deux enfants. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, notamment de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressé, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris l'arrêté contesté et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2020 du préfet de la Haute-Garonne. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 mars 2021.
La rapporteure,
Karine B...
Le président,
Dominique Naves
La greffière,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02559