Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... F... et l'association " Livernon autrement " ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 6 juin 2016 par laquelle le conseil municipal de Livernon a décidé d'aliéner une fraction du chemin rural situé " Mas de Beaumetou ".
Par un jugement n° 1605619 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 février 2019, Mme F... et l'association " Livernon autrement ", représentées par Me G..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Livernon du 6 juin 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Livernon une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la délibération contestée est privée de base légale en ce qu'elle est fondée sur la délibération du 12 avril 2016 illégale en ce que le maire de Livernon, riverain du chemin rural situé " Mas de Beaumatou ", intéressé à la réalisation du projet, a pris part au vote de la délibération en méconnaissance des articles L. 2541-17 et L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;
- le rapport du commissaire enquêteur comporte des imprécisions et erreurs et est entaché d'un défaut de motivation ; ce défaut d'information a eu une influence sur le sens de la décision prise par le conseil municipal de Livernon et a privé le public d'une garantie ;
- la délibération est entachée d'une erreur de fait en ce que, dans le compte rendu de la séance, les élus ont considéré que la parcelle cadastrée section B n° 91 était vendue ;
- le conseil municipal a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision d'aliéner la portion du chemin rural objet de la délibération contestée dès lors que cette aliénation entraine l'enclavement de la parcelle cadastrée section B n° 91 ;
- la délibération est illégale en ce que le maire de Livernon, riverain du chemin rural situé " Mas de Beaumatou ", intéressé à la réalisation du projet, n'a pas quitté la salle des délibérations en méconnaissance des articles L. 2541-17 et L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2020, la commune de Livernon, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme F... et de l'association " Livernon autrement " d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1du code de justice administrative.
Elle soutient que
- le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la délibération du 12 avril 2016 est inopérant en ce que cette délibération ne constitue pas la base légale de la délibération contestée, qui n'en constitue pas, non plus, une mesure d'application ; ce moyen est également irrecevable en ce qu'il a été soulevé au-delà de l'expiration du délai de recours contentieux contre cet acte qui expirait le 20 juin 2016 ;
- les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H... ;
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant Mme F... et l'association " Livernon autrement ".
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 17 septembre 2015, Mme A... C... a saisi le maire de Livernon afin d'acquérir une partie du chemin rural situé " Mas de Beaumetou " pour concrétiser un " projet de station-service avec station de lavage et aire de camping-car ". Par une délibération du 12 avril 2016, le conseil municipal de Livernon (Lot) a décidé d'ouvrir une enquête publique en vue de la vente de ce chemin rural. L'enquête publique s'est déroulée du 9 mai au 24 mai 2016. Par une délibération n° 2016-06-40 du 6 juin 2016, le conseil municipal a décidé d'aliéner une partie de ce chemin rural pour une superficie d'environ 450 m², afin de réaliser le projet incluant toutes les parcelles riveraines et d'autoriser le maire à signer tous les documents nécessaires. Mme E... F... et l'association " Livernon autrement " relèvent appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.
2. Aux termes de l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête / Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenant à leurs propriétés. (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ".
3. Eu égard à l'objet de la délibération du 12 avril 2016, qui se limite à la nomination du commissaire enquêteur, à la détermination des dates de l'enquête publique et du nombre de permanences du commissaire enquêteur et à l'information de l'ouverture de l'enquête publique dans deux journaux locaux, le maire de Livernon ne peut être regardé comme ayant, pour l'affaire objet de cette délibération, un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune alors même qu'il est propriétaire, avec son épouse, de deux des parcelles concernées par la demande d'acquisition présentée par Mme C.... Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure en raison de la participation du maire à ladite délibération doit être écarté.
4. Aux termes de l'article R. 161-27 du code rural et de la pêche maritime : " A l'expiration du délai d'enquête, le registre d'enquête est clos et signé par le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête qui, dans le délai d'un mois à compter de la date de clôture de l'enquête, transmet au maire ou aux maires des communes concernées par l'aliénation, le dossier et le registre accompagnés de ses conclusions motivées. (...) ". La règle de motivation prévue par les dispositions précitées oblige le commissaire enquêteur à apprécier les avantages et les inconvénients du projet et à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.
5. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a présenté, dans son rapport du 24 mai 2016, les observations émises au cours de l'enquête publique, notamment s'agissant de la possibilité d'utilisation par les piétons du chemin rural, et y a répondu après une visite sur place et après avoir pris des renseignements quant à l'existence d'une promesse de vente de la parcelle section B n° 91 afin d'éviter toute enclave. Il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, que les mentions relatives à l'existence de cette promesse de vente contenues dans le rapport du commissaire-enquêteur auraient été erronées à la date à laquelle ce rapport a été rédigé. Elles ne peuvent, dès lors, avoir été de nature à induire en erreur les membres du conseil municipal sur la situation juridique de ladite parcelle et donc à avoir eu une influence sur le sens de la délibération contestée ni privé le public d'une garantie. Par ailleurs, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au commissaire enquêteur de préciser les documents et informations qu'il a recueillis et sur lesquels il appuie son avis. Enfin, les conclusions du commissaire enquêteur, d'ailleurs assorties d'une réserve afin que le conseil municipal évite de créer une enclave, sont suffisamment motivées notamment par l'indication du bénéfice apporté par le projet de création d'une station-service tant pour le développement du commerce de proximité que pour l'environnement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des conclusions du commissaire-enquêteur doit être écarté.
6. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la délibération contestée n° 2016-06-40 indique que la parcelle cadastrée section B n° 91 " fait partie de la déclaration d'intention d'aliéner examinée ce lundi 6 juin 2016 ". La circonstance que le compte-rendu du conseil municipal du 6 juin 2016 mentionne que cette parcelle a été vendue n'entache pas d'erreur de fait la délibération contestée et ne permet pas de considérer que les conseillers municipaux se seraient mépris sur la question de la vente de cette parcelle.
7. Il ressort des termes mêmes de la délibération contestée du 6 juin 2016, dont les mentions font foi jusqu'à preuve contraire, que le maire de Livernon n'a pas participé à cette délibération et a quitté la séance. La circonstance que le compte rendu de la séance ne mentionne pas que le maire a quitté la salle des délibérations ne vaut pas preuve contraire des mentions de la délibération. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales citées au point 2 n'est pas fondé.
8. Il ressort des pièces du dossier que la portion du chemin rural objet de la délibération du 6 juin 2016 contestée, située au nord de la route départementale 653, qui ne dessert aucune habitation, ni bâtiment d'exploitation agricole et est envahie par la végétation, a cessé d'être affectée à l'usage du public. Par suite, la parcelle cadastrée section B n° 91 ne peut être regardée comme desservie par cette portion du chemin rural. En outre, à la date de la délibération contestée, cette parcelle faisait l'objet d'une intention d'acquisition dès lors qu'elle était incluse dans le projet de création de la station-service et de l'aire de stationnement de camping-cars pour lequel l'aliénation du chemin rural était sollicitée. Ainsi, l'aliénation de la portion du chemin en litige n'était pas susceptible d'entrainer l'enclavement de cette parcelle. La circonstance, postérieure à la date de la délibération en litige, qu'un relevé de propriété établi en 2018 indique que cette parcelle n'a pas été acquise par le porteur de projet, n'a pas d'incidence sur la légalité de la délibération contestée qui s'apprécie à la date de son édiction. Par suite, le moyen tiré de ce que l'aliénation de la partie du chemin en cause aurait eu pour effet d'enclaver la parcelle cadastrée section B n° 91 doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... et l'association " Livernon autrement " ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 6 juin 2016 du conseil municipal de Livernon.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Livernon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par Mme F... et l'association " Livernon autrement ". En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... et de l'association " Livernon autrement " le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Livernon en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme F... et l'association " Livernon autrement " est rejetée.
Article 2 : Mme F... et l'association " Livernon autrement " verseront à la commune de Livernon une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F..., à l'association " Livernon autrement " et à la commune de Livernon.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
La présidente,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au préfet du Lot en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX00642 2