Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 3 avril 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son employeur, la société Audis, à procéder à son licenciement pour inaptitude.
Par un jugement n° 1802546 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 mai 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 3 avril 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de
Tarn-et-Garonne a autorisé son employeur, la société Audis, à procéder à son licenciement pour inaptitude ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979, notamment quant au lien avec son mandat ;
- la multitude des procédures disciplinaires intentées contre lui montre le lien avec le mandat ; il a été victime de harcèlement moral pendant près de 5 ans, précisément en raison de ses fonctions représentatives ; les sanctions prises à son encontre étaient en effet infondées et étaient exclusivement liées à son statut de représentant du personnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2019, la SAS Audis, représentée par Me C..., Morel, Nauges ou Gonzalez, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B... a été engagé le 1er mars 1999 par la SAS Audis en qualité de conseiller vendeur technique niveau IV échelon A, par contrat à durée indéterminée au sein d'un hypermarché à l'enseigne E. Leclerc et a été affecté au rayon électro-ménager, puis, après avoir évolué vers une classification B3, au rayon multimédia. Depuis mai 2004, il était membre de la délégation unique du personnel, puis a été élu trésorier adjoint du comité d'entreprise avant d'être réélu lors des élections des membres de ce comité en mai 2016. Par une décision en date du 3 avril 2018, l'inspecteur du travail a autorisé la société Audis à procéder à son licenciement pour inaptitude. M. B... fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 mai 2019, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise.
3. Si l'autorité administrative doit ainsi vérifier que l'inaptitude du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude. Il en va ainsi, y compris s'il est soutenu que l'inaptitude résulte d'une dégradation de l'état de santé du salarié protégé ayant directement pour origine des agissements de l'employeur dont l'effet est la nullité de la rupture du contrat de travail, tels que, notamment, un harcèlement moral ou un comportement discriminatoire lié à l'exercice du mandat.
4. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Ainsi, alors même qu'il résulterait de l'examen conduit dans les conditions rappelées aux points précédents que le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait légalement obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée.
5. En premier lieu, en vertu de l'article R. 2421-12 du code de travail la motivation de la décision de l'inspecteur du travail doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
6. Il ressort de la lecture de la décision de l'inspecteur du travail du 3 avril 2018 qu'elle vise les textes dont elle fait application, en particulier les articles L. 2411-5 et
L. 2321-3 du code du travail, et cite les termes de l'avis médical du 5 février 2018 sur lesquels la société Audis s'est fondée pour engager une procédure de licenciement pour inaptitude. Elle mentionne également les procédures disciplinaires menées à l'encontre de M. B... et la contestation qu'il en a fait par courrier du 13 février 2017, puis après avoir analysé l'existence éventuelle d'un lien entre le licenciement sollicité et le mandat détenu par le salarié, conclut à l'absence de lien. Par suite, et alors que l'inspecteur du travail n'était pas tenu de mentionner de façon exhaustive tous les éléments de fait sur lesquels il s'est fondé, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision, doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le moyen soulevé par M. B... et tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise l'inspecteur du travail en ne retenant pas que son inaptitude résulterait d'une situation de harcèlement moral au travail est inopérant.
8. En troisième et dernier lieu, M. B... fait valoir que contrairement à ce qu'a estimé l'inspecteur du travail et à ce qu'ont retenu les premiers juges, son licenciement est en lien avec son mandat de membre du comité d'entreprise, comme le montre, selon lui, soudainement à partir de l'année 2012, le caractère incessant des reproches que lui a adressés son employeur puis la multiplication procédures disciplinaires infondées entreprises à son encontre.
9. Cependant, il ressort des pièces du dossier que si l'intéressé a notamment fait l'objet d'une sanction de mise à pied conservatoire les 11, 12 et 13 janvier 2012 et d'avertissements en date des 6 janvier 2015, 8 mars 2016, 8 février 2017, son employeur s'est fondé, pour les lui infliger, sur des faits susceptibles de caractériser des sanctions disciplinaires, notamment le fait pour M. B... d'avoir eu une violente altercation avec un collègue devant la clientèle du magasin en 2012, de s'être présenté à son poste de travail avec trente minutes de retard à trois reprises en 2014, d'avoir commis des manquements dans les déclarations de téléviseurs pour la période d'octobre à novembre 2016 et d'avoir octroyé des remises non autorisées en février 2016, et enfin d'avoir eu un comportement irrespectueux
vis-à-vis de la clientèle faits qui, s'ils ont pour ces deux derniers été contestés par l'intéressé, sont dépourvus de tout lien avec l'exercice de son mandat de membre du comité d'entreprise. De la même manière, aucune référence à l'exercice par M. B... de son mandat syndical ne ressort des échanges de courriers qu'il a eus avec la direction de la société Audis, laquelle se borne à évoquer les reproches liés à son comportement dans l'exercice de ses fonctions. Quant à la circonstance que ces sanctions lui aient été notifiées par lettre recommandée et aient été précédées de la convocation à un entretien préalable, éléments de procédure destinés à offrir une garantie au salarié, elle ne saurait être regardée comme une manifestation de harcèlement. M. B... s'appuie également sur deux attestations émanant d'anciens salariés de la
SAS Audis, évoquant la volonté de sa hiérarchie de l'évincer de l'entreprise. Toutefois, ces attestations sont rédigées dans des termes généraux et insuffisamment circonstanciés et ne permettent ainsi pas d'établir la réalité d'une volonté de l'employeur de licencier le requérant à raison de sa qualité de membre du comité d'entreprise. Par ailleurs, si M. B... fait encore valoir, d'une part, que plusieurs clients de l'enseigne E. Leclerc dans laquelle il travaillait étaient très satisfaits de son attitude et des conseils qu'il leur prodiguait et, d'autre part, que son état de santé s'est dégradé en raison de la dégradation de ses conditions de travail, ces circonstances ne sont de nature à révéler l'existence d'un lien entre le mandat détenu par le salarié et la procédure de licenciement déclenchée à la suite de l'avis médical de reprise d'activité déclarant l'intéressé définitivement inapte à tout poste au sein de l'entreprise et du groupe. Par suite, d'une part, le moyen tiré de l'existence d'un lien entre le licenciement et le mandat représentatif, qui n'est pas établi par les pièces du dossier, doit être écarté. D'autre part, l'inspecteur du travail, qui n'a pas omis de vérifier l'existence d'un tel lien, n'a ainsi pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en estimant que la demande d'autorisation de licenciement n'était pas en lien avec celui-ci.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B..., ainsi que les conclusions présentées par la SAS Audis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à la société Audis et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2021.
La présidente,
Brigitte Phémolant
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03147