Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Chanterac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté interministériel du 9 mars 2018 par lequel le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics n'ont pas reconnu l'état de catastrophe naturelle sur son territoire pour les mouvements de terrains différentiels consécutifs aux épisodes de sécheresse et de réhydratation des sols survenus en 2016. La commune a aussi demandé au tribunal d'enjoindre à l'Etat de prendre un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur son territoire dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1801900 du 13 juin 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 août 2019 et le 6 janvier 2021, la commune de Chanterac, représentée par Me D... et Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté interministériel du 9 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre à l'Etat, sous astreinte, d'édicter et de publier, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur son territoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur de fait entachant l'arrêté en litige ;
- les premiers juges ont entaché leur décision d'irrégularité en ne respectant pas les règles de la charge de la preuve faute d'avoir exigé de l'Etat qu'il verse aux débats les données et relevés établis par Météo France et censés établir le bien-fondé de l'arrêté en litige.
Elle soutient, au fond, que :
- l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ; la composition de la commission interministérielle catastrophes naturelles, formée pour moitié de fonctionnaires défendant un point de vue financier, révèle un manquement au principe d'impartialité ; la présence au sein de la commission de membres de la caisse centrale de réassurance ne se justifie pas ; les membres de la commission n'ont pas disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance des informations nécessaires à l'instruction des demandes ; de plus leur information se limitait aux seuls documents préparés par Météo-France ;
- les ministres se sont considérés, à tort, comme liés par l'avis défavorable de la commission interministérielle catastrophes naturelles ; ainsi la lettre par laquelle la préfète a notifié à la commune l'arrêté interministériel fait état de " la décision " de la commission interministérielle catastrophes naturelles ; ce faisant, les ministres ont entaché leur décision d'incompétence négative ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de droit dès lors que les critères utilisés pour déterminer l'état de catastrophe naturelle ne répondent pas aux exigences de l'article L. 125-1 du code des assurances ; ainsi, la pluviométrie observée n'a pas été prise en compte alors que les mouvements de terrains sont le résultat d'épisodes de sécheresse suivis de la réhydratation des sols ; l'importance de ce phénomène a été reconnue par les études du ministère de l'écologie et confirmée par le bureau de recherche géologique et minière dans ses rapports ; il était nécessaire de tenir compte de la nature des sols, du contexte hydrogéologique et de la végétation ; s'agissant de la définition de la sécheresse printanière et de la sécheresse estivale, le critère tiré d'une durée de retour supérieure à 25 ans n'est pas justifié ; en fixant cette durée de retour, la commission interministérielle a retenu un critère général d'appréciation alors qu'elle n'était pas compétente pour ce faire, ce qui entache d'illégalité l'arrêté en litige ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ; il est fondé sur un maillage du territoire français établi à l'aide de données de Météo France ; ce maillage est trop large et les critères de rattachement des communes à telle maille ne sont pas connus ; il existe d'autres données qui permettent d'apprécier avec davantage de précision l'intensité des aléas naturels ; elles sont fournies par le satellite Sentinel et par le projet Risk-Aqua Soil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2020, le ministre de l'intérieur, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune appelante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... A...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Chanterac.
Considérant ce qui suit :
1. Par courrier du 19 septembre 2017, la commune de Chanterac a adressé à la préfète de la Dordogne une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle de son territoire au titre des mouvements de terrains différentiels consécutifs aux épisodes de sécheresse et de réhydratation des sols observés au cours de l'année 2016. Par un arrêté du 9 mars 2018, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics ont établi la liste des communes faisant l'objet d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, parmi lesquelles la commune de Chanterac ne figure pas. La commune, à laquelle la préfète de la Dordogne a notifié l'arrêté interministériel par courrier du 16 mars 2018, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit prescrit à l'Etat de prendre un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour son territoire. La commune de Chanterac relève appel du jugement rendu le 13 juin 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les premiers juges ont rappelé, aux points 12 et 13 de leur décision, les données pluviométriques et les outils de mesures mis au point par Météo France pour que l'autorité décisionnaire puisse apprécier l'existence de l'état de catastrophe naturelle. Ils ont rappelé que le bilan hydrique de l'ensemble du territoire a été modélisé à l'aide d'une grille composée de mailles auxquelles sont associés des critères permettant de déterminer, pour chacune de ces mailles, le niveau d'intensité de l'aléa naturel. Les premiers juges ont rappelé les critères utilisés selon la période de référence (printanière, estivale, hivernale), identifié les mailles sur lesquelles s'étend le territoire de la commune concernée puis relevé que les épisodes de sécheresse observés ne répondent pas aux conditions permettant de retenir une catastrophe naturelle. Ce faisant, le tribunal n'a pas omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur de fait que la commune avait soulevé devant lui avec son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
3. En second lieu, la circonstance que le tribunal n'aurait pas respecté les règles de dévolution de la charge de la preuve devant le juge de l'excès de pouvoir est, par elle-même, sans incidence sur la régularité du jugement dès lors qu'elle se rattache au bien-fondé du raisonnement des premiers juges.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 mars 2018 :
4. Les ministres, à qui il incombe de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement des administrations placées sous leur autorité, ont la faculté, même en l'absence de disposition le prévoyant expressément, de s'entourer avant de prendre les décisions relevant de leur compétence, des avis qu'ils estiment utile de recueillir. Dans ce cadre, la circulaire interministérielle du 27 mars 1984 a institué une commission interministérielle dont la mission est d'éclairer les ministres sur l'application de la législation relative aux catastrophes naturelles, les avis émis par cette instance ne liant pas, toutefois, les autorités dont relève la décision.
5. En premier lieu, selon la circulaire du 27 mars 1984, la commission interministérielle est composée " - d'un représentant du ministère de l'intérieur (...) appartenant à la direction de la sécurité civile ; - d'un représentant du ministère de l'économie, des finances et du budget, appartenant à la direction des assurances ; - d'un représentant du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget appartenant à la direction du budget. Le secrétariat de la commission interministérielle est assuré par la caisse centrale de réassurance. ". Ainsi qu'il vient d'être dit, la commission interministérielle a pour seule mission d'éclairer les ministres compétents sur l'application à chaque commune des méthodologies et paramètres scientifiques permettant de caractériser les phénomènes naturels en cause.
6. La circonstance que les représentants de la direction générale du Trésor, de la direction du budget et de la Caisse centrale de réassurance forment la moitié des membres composant la commission interministérielle ne révèle pas, en elle-même, un manquement au principe d'impartialité contrairement à ce que soutient la commune qui ne peut utilement faire valoir que ces représentants ont vocation à défendre un " point de vue financier ". Par ailleurs, la commune ne fait état d'aucun principe ni d'aucune disposition législative ou réglementaire auxquels il serait porté atteinte par la présence, au sein de la commission, de représentants de la caisse centrale de réassurance, société détenue à 100 % par l'État proposant, avec la garantie de ce dernier, la couverture assurantielle des catastrophes naturelles. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la commission, qui disposaient des données fournies par Météo-France qu'ils ont comparées aux critères servant à apprécier l'état de catastrophe naturelle, n'auraient pas disposé du temps nécessaire ni d'informations suffisantes pour examiner de manière circonstanciée chacune des demandes présentées. Par suite, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.
7. En deuxième lieu, il est loisible aux ministres décisionnaires de s'appuyer sur l'avis de la commission, eu égard à la mission d'aide qui est dévolue à cet organisme, et même de s'en approprier le contenu pour apprécier l'existence d'un état de catastrophe naturelle au sein des communes concernées. En l'espèce, il ne ressort ni des motifs de l'arrêté en litige ni des pièces du dossier que les ministres se seraient sentis tenus de suivre la position adoptée par la commission interministérielle et auraient ainsi, en renonçant à exercer leur pouvoir d'appréciation, méconnu l'étendue de leur compétence. Une telle conclusion ne saurait être tirée du seul fait que la préfète de la Dordogne ait cru bon de mentionner, dans sa lettre notifiant à la commune l'arrêté en litige, la " décision de la commission interministérielle ". Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles (...) Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. (...). ".
9. Il résulte des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances que le législateur a entendu confier aux ministres concernés la compétence pour se prononcer sur les demandes des communes tendant à la reconnaissance sur leur territoire de l'état de catastrophe naturelle. Il leur appartient, à cet effet, d'apprécier l'intensité et l'anormalité des agents naturels en cause sur le territoire des communes concernées. Ils peuvent légalement, même en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires le prévoyant, s'entourer, avant de prendre les décisions relevant de leurs attributions, des avis qu'ils estiment utile de recueillir et s'appuyer sur des méthodologies et paramètres scientifiques, sous réserve que ceux-ci apparaissent appropriés, en l'état des connaissances, pour caractériser l'intensité des phénomènes en cause et leur localisation, qu'ils ne constituent pas une condition nouvelle à laquelle la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle serait subordonnée ni ne dispensent les ministres d'un examen particulier des circonstances propres à chaque commune. Il incombe enfin aux ministres concernés de tenir compte de l'ensemble des éléments d'information ou d'analyse dont ils disposent, le cas échéant à l'initiative des communes concernées.
10. Pour apprécier, afin de mettre en application les dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances, si la sécheresse constatée en 2016 présentait un caractère anormal et intense, conditions nécessaires à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, l'administration s'est fondée sur les données fournies par Météo France et l'outil SIM (Safran/Isba/Modcou) mis au point par cet établissement public pour modéliser, à l'aide des données pluviométriques conservées dans 4 500 postes d'observation, le bilan hydrique du territoire français. Cette modélisation a conduit à couvrir le territoire français métropolitain d'une grille composée de 9 000 mailles de 8 km de côté. Le modèle Safran est un système d'analyse à mésoéchelle de variables atmosphériques qui utilise des observations de surface, combinées à des données d'analyse de modèles météorologiques pour produire les paramètres horaires nécessaires au fonctionnement d'ISBA au pas de temps horaire. Ces paramètres (température, humidité, vent, précipitations solides et liquides, rayonnement solaire et infrarouge incident), sont analysés par pas de 300 m d'altitude puis interpolés sur une grille de calcul régulière (8 x 8 km). Le modèle ISBA (Interaction sol-biosphère-atmosphère) simule les échanges d'eau et d'énergie entre le sol et l'atmosphère en tenant compte de trois couches de sol (surface, zone racinaire, zone profonde) et de deux températures (température de surface globale du continuum sol-végétation et température profonde) pour modéliser les flux d'eau avec l'atmosphère (interception, évaporation, transpiration) et avec le sol (ruissellement des précipitations et drainage dans le sol). Son pas de temps est de 5 mn. Le modèle Modcou est un modèle hydrologique qui utilise en entrée les données de ruissellement et de drainage d'ISBA pour calculer l'évolution des nappes et le débit des rivières. Sa maille de calcul varie en fonction de la limite des bassins versants et du réseau hydrographique et son pas de temps est de trois heures. La grille mise au point à l'aide de l'outil SIM doit permettre d'apprécier pour chaque maille le niveau d'intensité de l'aléa naturel en fonction de critères permettant d'étudier le bilan hydrique des sols argileux, lequel ne s'arrête pas à la seule prise en compte de données strictement météorologiques de pluviométrie, afin d'apprécier avec une plus grande précision que les anciens modèles les mouvements de terrains différentiels consécutifs à la succession d'épisodes de sécheresse et de réhydratation des sols.
11. Les outils élaborés permettent d'intégrer dans le bilan hydrique un paramètre de teneur en eau des sols, laquelle est mesurée par l'index SWI (Soil Wetness Index). Cet index fournit des moyennes d'humidité du sol par rapport auxquelles est comparée la période concernée par la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Les données de mesure sont fournies par les 4 500 postes d'observation répartis sur l'ensemble du territoire et sont disponibles depuis 1958. Ainsi, la sécheresse hivernale est en principe considérée comme revêtant une intensité anormale lorsque l'indice d'humidité du sol superficiel moyen est inférieur à la normale sur les quatre trimestres de l'année et qu'une décade du trimestre de fin de recharge (janvier à mars) est inférieure à 80% de la normale. La sécheresse printanière est en principe retenue comme catastrophe naturelle lorsque la moyenne de l'index SWI, calculée sur les trois mois du second trimestre est si faible que la durée de retour d'un tel épisode est au moins de 25 années, correspondant à une année de sécheresse de rang 1 ou 2 sur la période courant de 1959 à 2015. Quant à l'intensité anormale de la sécheresse estivale, elle est, selon cette méthode, retenue lorsque la teneur en eau des sols est inférieure à 70 % de son niveau habituel durant le 3ème trimestre de l'année considérée et que le nombre de décades au cours desquelles le niveau d'humidité du sol superficiel mesuré par l'index SWI est inférieur à 0,27, soit l'une des trois périodes les plus longues sur la période 1989-2009. L'intensité anormale de la sécheresse estivale peut aussi être retenue notamment lorsque l'index SWI des neuf décades composant la période de juillet à septembre de l'année considérée est si faible que le temps de retour à la normale de la moyenne SWI représente au moins 25 années.
12. Contrairement à ce que soutient la commune appelante, les autorités ministérielles ont pu sans commettre d'erreur de droit s'appuyer sur le modèle développé par Météo France, destiné à éclairer leur appréciation, pour se prononcer sur les demandes dont elles étaient saisies alors même que ce modèle ne résulte pas de dispositions réglementaires particulières.
13. La commune appelante fait aussi valoir que les critères utilisés par les autorités ministérielles sont incomplets et imprécis. Ils seraient incomplets selon elle dès lors, d'une part, qu'ils ne tiennent pas compte du fait qu'une importante pluviométrie impacte à la hausse le phénomène de retrait des sols consécutif à un épisode de sécheresse et, d'autre part, ne font pas apparaitre les autres facteurs à l'origine des mouvements de terrains différentiels tels que la nature plus ou moins argileuse des sols, le contexte hydrogéologique (présence d'une nappe phréatique, existence de circulations souterraines), la géomorphologie des sols ainsi que la végétation dont les racines provoquent une migration d'eau par succion. Quant à l'imprécision des critères retenus, elle résulte, selon la commune, du caractère trop large des mailles dont la superficie ne permet pas une analyse satisfaisante de la situation propre à la commune de rattachement.
14. Les critères contestés par la commune, qui ne s'en tiennent pas aux seules données strictement météorologiques de pluviométrie, ont été adaptés au cours des années 2000 pour tenir compte de l'évolution des connaissances scientifiques à la disposition des ministres décisionnaires lorsqu'ils ont pris l'arrêté en litige. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la méthode employée empêcherait la prise en compte de la situation particulière de chaque commune ni qu'elle apparaît inappropriée pour apprécier de manière suffisamment objective, précise et conforme aux buts poursuivis par l'article L. 125-1 du code des assurances, l'intensité anormale du phénomène à l'origine des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols durant l'année 2016. La circonstance que les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, présentées à partir de l'année 2018, soient instruites à l'aide des " outils de modélisation hydrométéorologique de Météo-France les plus performants " tenant compte des " progrès les plus récents accomplis dans la connaissance de cet aléa ", selon les termes de la circulaire ministérielle du 10 mai 2019 sur la révision des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, ne permet pas d'estimer que les outils et critères précédemment utilisés par l'administration et qui ont été mis en oeuvre en l'espèce présentaient un caractère imprécis au point d'aboutir à une appréciation erronée de l'intensité et de l'anormalité de l'aléa à l'origine de la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Par ailleurs, à l'appui de sa contestation, la commune appelante ne peut utilement invoquer le décret n° 2019-495 du 22 mai 2019, relatif à la prévention des risques de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols et modifiant le code de la construction et de l'habitation, ni davantage l'arrêté du 20 juillet 2020 définissant les zones exposées à ces risques, ces textes étant postérieurs à la décision attaquée et ne traitant pas directement la question des critères permettant de reconnaître une catastrophe naturelle.
15. La commune appelante se prévaut également des données fournies par le satellite Sentinel et le projet " Risk-AquaSoil ", porté notamment par la chambre d'agriculture de la Dordogne, lesquelles sont issues d'informations spatialisées et non pas modélisées et font apparaître les surfaces sur lesquelles la biomasse a progressé ou régressé selon l'irrigation ou la sécheresse observées. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces données sont plus pertinentes et plus précises que celles retenues par l'administration pour permettre d'estimer que les zones du territoire de la commune appelante, reconnues comme asséchées, ont été affectées par un aléa naturel d'intensité anormale caractérisant une catastrophe naturelle. Il ne ressort donc pas des pièces du dossier que les outils et critères utilisés par l'administration ont conduit à entacher d'erreur de fait l'arrêté en litige et à une méconnaissance des objectifs de l'article L. 125-1 du code des assurances.
16. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les " mailles " à l'intérieur desquelles s'étend le territoire de la commune appelante ne permettraient pas d'appréhender avec une pertinence et une précision suffisantes l'intensité de l'aléa naturel observé au cours de l'année 2016 en cause. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges au point 13 de leur jugement par des motifs pertinents qui ne sont pas contestés sur ce point et qu'il y a lieu d'adopter en conséquence, aucun des critères pris en compte par l'administration pour retenir un aléa d'intensité anormale en période hivernale, printanière et estivale n'étaient remplis. Par suite, les auteurs de l'arrêté en litige ont pu légalement ne pas inscrire la commune appelante sur la liste des communes reconnues en état de catastrophe naturelle.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la commune appelante une somme de 100 euros au titre des frais exposés par le ministre de l'intérieur et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 19BX03175 présentée par la commune de Chanterac est rejetée.
Article 2 : La commune de Chanterac versera à l'Etat la somme de 100 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chanterac, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. F... A..., présidente-assesseur,
Mme E... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.
La présidente,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, des finances et de la relance, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03175